Les bandes dessinées sur l’Anthropocène ne sont pas si nombreuses. Certaines envisagent, à l’instar des Esclaves de l’Anthropocène1, le sujet dans une perspective économique et très engagée .D’autres insistent sur les enjeux énergétiques comme Un monde sans fin2 qui a connu un beau succès .. Par ailleurs, sujet devenu incontournable,l’Anthropocène fait l’objet de publications émanant de scientifiques, de géographes et géopolitologues destinées généralement à un public d’initiés.

Avec Voyage en Anthropocène, l’Anthropocène et le changement climatique sont mis à portée de publics moins avertis sans toutefois perdre en rigueur scientifique. C’est l’œuvre de deux chercheurs, Joel Guiot, directeur émérite de recherche au CNRS et Marie Charlotte Bellinghery ( dite « Macha », ici illustratrice ), médiatrice scientifique. Ils font le pari de nous faire découvrir l’Anthropocène au travers du voyage initiatique et spacio-temporel d’une petite fille et de son grand père. L’ouvrage est soutenu notamment par le Centre Européen de Recherche et d’Enseignement des Géosciences en Environnement, le CNRS ou encore l’université d’Aix Marseille.

Elpise, jeune fille vive et curieuse qui se questionne sur le changement climatique et ses conséquences, rend visite à son grand-père. Ce dernier exerce le métier de paléo- climatologue, terme dont l’étymologie est immédiatement expliquée. Le ton est donné, le livre a une visée clairement pédagogique . La moindre notion, le moindre sigle, sont exposés clairement, chiffres et explications scientifiques à l’appui.

La BD est divisée en quatre chapitres : un premier nous explique ce qu’est l’Anthropocène, le replaçant dans une perspective historique et géologique. Le chapitre 2 s’intéresse davantage au changement climatique, à ses enjeux et à la gouvernance mondiale. Le chapitre 3 change d’échelle et nous conduit, avec une approche prospective ( en 2025 et 2030) dans différents lieux de la planète où des hommes et femmes mènent des actions concrètes. C’est aussi l’occasion de revenir sur un peu de géopolitique, au travers d’exemples actuels comme la Syrie ou la Slovénie . Enfin, le chapitre 4 est centré sur l’engagement citoyen, et prend pour décor la COP 26. La petite Elpise se transforme in fine en mini Greta Thunberg.

L’héroïne et son grand-père font la connaissance de nombreux acteurs : une physicienne du climat, un climatosceptique, une viticultrice. Chacun donne lieu à des exposés appuyés par quelques graphiques et schémas. L’ouvrage se veut aussi géographique, le changement d’échelle est appréciable, voire géopolitique lorsqu’il explique, simplement mais efficacement, les liens entre Printemps arabe, sécheresse et déplacements de populations.

L’ouvrage se lit aisément. Les explications sont souvent très précises. La transition entre le chapitre 1 et le 2 est pertinente, nous amenant progressivement vers le GIEC, le changement climatique et de ses enjeux au niveau international.

Toutefois, si, l’ouvrage est rigoureux pour ce qui est des chiffres, schémas, il l’est un peu moins au niveau des cartes. On s’attendrait à en voir plus car elles permettraient à de jeunes lecteurs de localiser les lieux traversés. Dans le chapitre 3 où le phénomène est observé à un échelle plus fine, on nous propose, et c’est utile, une carte du bassin méditerranéen. Sur la page consacrée à la Slovénie, le pays est présenté avec ses contours et non sur une carte de l’Europe, c’est un peu dommage.

Mais l’ensemble est réussi, plaisant à lire, et séduira un large public . Il pourrait, pourquoi pas, servir de support pour le chapitre d’HGGSP terminale sur l’environnement.

 

Aurélie Driesch

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1Nicolas Teterel, Les esclaves de l’Anthropocène, Yves Michel Eds, 2020

2 Christophe Blain, Jean-Marc Jancovici, Un monde sans fin, Dargaud , 2021. L’ouvrage a fait l’objet d’une recension sur le site des Clionautes.