Le dossier central de ce numéro est consacré aux Phéniciens « Quoi de neuf sur les Phéniciens ? ».
Le nouveau numéro d’Archéologia débute par les actualités des musées et des fouilles avec, entre autres, les évocations d’une exposition consacrée à Apollon à Lillebonne, du site de Bellegarde dans le Gard, et les mises au jour d’un site monumental des IIe-IIIe siècles à Reims, de sols décorés avenue Jean-Jaurès à Nîmes ou encore d’un camp militaire romain du Ier siècle à Villeneuve-sur-Lot.
Jean-Paul Demoule, dans la rubrique « Grandes questions de l’archéologie », s’intéresse à l’archéologie du cheval et « l’objet du mois » offre un aperçu du mobilier néolithique (céramiques, dix-neuf perles en variscite, cinq perles en turquoise, deux perles en ambre, une perle en séricite, une grosse perle en chrysoprase, une longue lame en silex du Grand-Pressigny et deux haches en jadéite) de Tuchenn Pol dans le Morbihan, ensemble « hors norme par sa richesse, sa diversité et la rareté des matériaux qu’il réunit (p.23) ».
« La grande épopée des Normands » est un entretien avec Nicolas Hatot, commissaire de l’exposition « Normands, migrants, conquérants, innovateurs » qui se tient au musée de Rouen jusqu’au 13 août 2023. Les migrations normandes, la culture matérielle des Normands, les innovations qui leurs sont prêtées et la question de leur héritage sont évoquées. De nombreux artefacts présentés à Rouen sont également reproduits, comme une superbe pièce provenant du jeu d’échecs de Lewis (p.24) ou encore l’olifant dit « cor de Roland (p.25) ».
Le dossier central de ce numéro est consacré aux phéniciens (« Quoi de neuf sur les Phéniciens ? »).
Françoise Briquel Chatonnet (« Qui étaient les Phéniciens ? ») indique tout d’abord que les Grecs sont à l’origine de cette appellation de Phéniciens et que ces derniers ne se sont jamais dénommés de la sorte, leurs inscriptions les désignant comme Tyriens, Sidoniens ou encore Giblites, en fonction de leur lieu de résidence. L’historienne écrit également (p.32-33) que « les ouvrages sur les Phéniciens donnent parfois l’impression que ces derniers sont une nouvelle population qui émerge sur la côte à l’âge du Fer ; or tout prouve au contraire la continuité avec le IIe millénaire avant notre ère. S’ils n’avaient pas d’écriture propre, les habitants de la côte écrivaient au IIe millénaire en utilisant langue et écriture des autres ».
Eric Gubel (« La redécouverte des terres phéniciennes ») évoque la « redécouverte des terres phéniciennes », de la trouvaille accidentelle d’un sarcophage par Aimé Napoléon Péretié en 1844 jusqu’aux fouilles scientifiques de la seconde moitié du XXe siècle.
Robert Hawley et Françoise Briquel Chatonnet dans « l’alphabet phénicien » écrivent que le plus ancien alphabet de cette civilisation « semble avoir été mis au point en Égypte au milieu du IIe millénaire avant notre ère (p.36) ». L’alphabet le plus ancien est essentiellement présent sur des inscriptions retrouvées à Byblos (Liban) et l’usage de l’écriture phénicienne se maintient, de manière assurée, jusqu’au IIe siècle de notre ère en Sardaigne et en Afrique (Algérie, Libye).
Dans « navigation et commerce chez les Phéniciens », Annie Caubet s’intéresse aux ports, aux navires et à la puissance du commerce phéniciens et Hélène Le Meaux (« l’artisanat phénicien ») aux productions artisanales. L’auteure présente l’artisanat de luxe mais également l’existence de productions en série, la « pacotille phénicienne » qui se « retrouve dans l’ensemble du bassin méditerranéen mais aussi sur le sol levantin, dans des contextes le plus souvent funéraire (p.41)».
Eric Gubel, sous le titre « un riche art international » s’intéresse cette fois à l’art phénicien. Il évoque les réactions de mépris dont cet art a pu être l’objet autrefois de la part d’éminents spécialistes et écrit que « pour aussi peu originale que l’on tenait la souche égyptisante de l’art phénicien dans le passé, ce dernier représente (…) mieux que les autres courants la mémoire collective d’une civilisation bimillénaire (p.43) ».
Stevens Bernardin (« La religion des Phéniciens ») clôt ce dossier avec une contribution sur la religion phénicienne. Il mentionne ainsi le panthéon de la cité de Byblos, celui Sidon durant la période perse avec Ashtart et Eshmun pour divinités tutélaires ou encore Milqart à Tyr. La question des sacerdoces et des pratiques rituelles publique et privée, est également abordée.
Richard Pellé (« Les coulisses secrètes de l’amphithéâtre de Nîmes ») présente le résultat des fouilles menées en 2019 et 2020 dans l’amphithéâtre de Nîmes. Le monument a été édifié au début du IIe siècle de notre ère. Particulièrement bien conservé, l’édifice nîmois pouvait accueillir environ 24 000 spectateurs. Il succède a un premier monument de spectacle, « érigé vraisemblablement vers les années 20-30 du Ier siècle de notre ère » et qui « est peut-être le second en Gaule après l’amphithéâtre des Trois Gaules de Lyon inauguré en 19 de notre ère (p.53) ».
Anastasia Delécolle présente le site antique d’Aquae Segetae situé sur l’actuelle commune de Sceaux-du-Gâtinais, dans le Loiret. « Ville d’eau » s’étendant sur une surface estimée à environ 23 hectares, Aquae Segetae comportait « un ensemble monumental d’une dizaine d’hectares composé d’un sanctuaire des eaux, d’un temple, d’un théâtre, de thermes curatifs et publics, mais également d’îlots urbanisés s’organisant autour d’une vaste place centrale (p.57) ». Un musée de site ouvrira ses portes vers 2025 et portera le nom de « musée de Segeta ».
Le numéro se conclue par une sélection de chantiers de fouilles pour l’été 2023 et sur un « archéofolio » relatif au « pouvoir du luxe » en lien avec la nouvelle exposition du British Museum.
Un numéro qui, comme à l’accoutumée, pourra venir nourrir de nombreuses séquences d’histoire.
Grégoire Masson