» À la franchise, à la fougue se joignent chez ces peuples le défaut de sens, la fanfaronnade et le goût de la parure: ils portent des bijoux d’or, chaînes autour du cou, anneaux autour des bras et des poignets, et ceux qui sont dans les honneurs portent des habitats d’étoffes teintes et brodées en or. » (Strabon, Géographie, IV, 4, 5). Nombreux sont les auteurs anciens qui soulignent cette débauche de luxe, donnant l’impression d’un gâchis de biens précieux, d’un « défaut de sens » chez ces Gaulois qui ne connaîtraient donc rien de la valeur des choses. L’incompréhension est profonde. Car le système de valeurs entre les deux sociétés est radicalement différent. Produire le prestige et la gloire, notamment du chef, est la clé de voûte de la société gauloise. Faire la guerre permet d’y parvenir (…). Exposer et distribuer ses richesses est l’autre moyen de cultiver son prestige. Les biens précieux n’ont pas une valeur qui s’estime, se thésaurise ou s’accumule ; il faut les donner sans retenue, bruyamment et à la vue de tous, à des compagnons de route qui vous serviront ensuite jusqu’à la mort (…). L’or, dans ce contexte, joue un rôle crucial » écrit Ludivine Péchoux dans son éditorial.

Treize contributions dans ce nouveau numéro des Dossiers d’Archéologie se proposent d’analyser le rapport des Gaulois à la matière aurifère.

F.Perrin, dans un premier article richement illustré (« L’or aux âges des métaux. Butin des héros et don pour les dieux ») évoque les discours des Anciens qui faisaient de la Gaule une terre « riche en or (un Diodore de Sicile pouvait ainsi écrire qu’« en Gaule il y a beaucoup d’or : la nature le fournit à ses habitants sans qu’ils aient à fouiller les mines à grande peine ») », le pillage des richesses par les Romains, l’importance du torque (de magnifiques reproductions de ces parures extraordinaires sont figurées dans l’article) et le probable « caractère divin » de l’or (avec une présentation fort intéressante du disque de Nebra).

P. Moret dans sa contribution intitulée « Les Gaulois et la passion de l’or d’après Posidonius » revient dans un court propos liminaire sur l’œuvre et la singularité de ce grand savant de l’Antiquité et il offre une analyse pertinente de son discours sur les Gaulois dans leur rapport au précieux métal.

B. Cauet signe ensuite deux articles. Le premier (« L’exploitation de l’or chez les Lémovices. La chaîne opératoire, de la mine à la métallurgie ») concerne l’exploitation minière de l’or chez les Lémovices (plus de 1500 excavations minières ont été comptabilisées) ; le second (« Mines d’or gauloises des Lémovices. Contrôle de la production et rôle des élites ») s’intéresse aux implications sociétales de l’activité d’exploitation de l’or (qui s’est étendue sur près de cinq siècles) sur le territoire lémovice.

F.Trément (« A la recherche de l’or des Arvernes ») dans une riche contribution présente les mines d’or des Arvernes et le programme pluridisciplinaire novateur Minedor.

H.Hautenauve-Juchs dans « Les torques d’or des Celtes » dresse une typologie de ces objets fascinants et mentionne leurs différents usages, ces derniers ayant pu être des parures féminines (sublime torque de Vix), guerrières (avec une fonction apotropaïque) ou encore divine.

A.Cahen-Delhaye et J-M.Doyen (« De l’or pour les dieux ? ») se penchent sur les trésors en or associant monnaies, bracelets et torques et sur les motivations ayant pu présider à la constitution de ces dépôts (à titre d’exemple, le dépôt de Fenouillet (Haute-Garonne) qui comportait sept torques aurait un caractère cultuel ; celui de Grouville (île de Jersey), composé de 69000 monnaies d’or et d’argent, de huit torques et de fragments de bijoux, devrait sa constitution, selon les auteurs (p.45) « à une explication politico-économique, celle d’un trésor de guerre de migrants venus du continent vers 40-30 avant J.-C »).

P-M.Guihard (« Frapper l’or dans l’actuelle Normandie. IIIe siècle-Ier siècle avant J.-C. ») présente des émissions monétaires en or apparaissant au milieu du IIIe siècle av.J.-C. et désignées sous le nom de « groupe de Normandie ».

J.Gomez de Soto et S.Verger (« Un chef d’œuvre. Le casque celtique d’Agris ») offrent une analyse circonstanciée du casque d’Agris, véritable chef d’œuvre s’inscrivant dans une très petite série de six ou sept casques de prestige datant du IVe siècle av.J.-C. Les deux auteurs (p.58) écrivent qu’ « une réalisation du casque d’Agris en Gaule occidentale apparaît (…) comme une hypothèse tout à fait plausible ».

Suivent deux articles relatifs à la présence de l’or en contexte funéraire, le premier concernant la tombe de Warcq dans les Ardennes (« E.Millet, R.Bernadet et F.Helias, « Dorure à la feuille dans la tombe à char de Warcq ») et le second la tombe princière de Lavau (B.Dubuis et E.Millet « L’or dans la tombe princière de Lavau »).

Un article de M.Tracol (« Les objets en métaux précieux en Gaule romaine ») vient clôturer ce dossier thématique avec une présentation d’objets en métaux précieux provenant de trésors.

Ce numéro des Dossiers comporte, en sus, une rubrique « point(s) de vue » consacrée à la deuxième pandémie de peste (S.Kacki et D.Castex, « La deuxième pandémie de peste. Gestion sanitaire d’une crise pluriséculaire ») et une partie « Recherches en cours » signée par M.Koppe et intitulée « Regards croisés sur le fer au musée du quai Branly ».

Toutes les contributions de la revue sont d’une grande qualité scientifique et de nombreux articles peuvent constituer une source enrichissante de premier plan en vue d’alimenter des séquences relatives à l’Antiquité.

Grégoire Masson