Une approche qui va donc donner la tonalité de l’ouvrage, par certains aspects proches de l’enquête journalistique. Une succession de chapitres de longueurs inégales qui vont porter sur les 12 mythes touchant à l’année1914 que l’auteur veut remettre en question.
Des images d’Epinal…
Il est des sujets qui font réellement partie de la mythologie de la Première Guerre mondiale. Les pantalons rouges des soldats français et les taxis de la Marne sont sûrement les symboles que retient le grand public de l’année 1914. Ils sont donc choisis par l’auteur. Mais avec une approche différente, plus économique lorsqu’il montre que le choix de la couleur n’avait en réalité rien à voir avec le désir de satisfaire les producteurs français de garance, la couleur venait d’Allemagne. La démonstration du faible rôle militaire des taxis de la Marne se base sur une étude solide qui met aussi en évidence le fait que ce n’était pas le seul cas de transport motorisé de troupes de l’année 1914.
Plus originale est la démystification de certains aspects du rôle joué par la Belgique dans le conflit. Les effets de la résistance de la forteresse de Liège et de l’armée belge sont ramenés à des proportions plus proches de la réalité. L’auteur montre que leur mise en avant répondait aux buts de propagande de l’Entente. Le « roi chevalier » Albert 1er n’est pas oublié. L’auteur montre les divisions existantes au sein du pouvoir civil et militaire belge et leurs conséquences. Mais cela l’amène aussi à quitter l’année 1914 pour parler de la suite du conflit, chose qu’il se refuse à faire sur d’autres mythes.
Aux faiblesses imputées à l’armée française…
Un grand nombre de critiques sont traditionnellement faîtes à la manière dont l’armée française est entrée dans le conflit : doctrine, chefs, armements… Manifestement, l’auteur a pour objet de réhabiliter celle-ci. Il montre comment les armées françaises et allemandes se répondent coup pour coup dans la préparation du conflit. Et que si l’une développe un nouvel armement, l’autre lui répond aussitôt. Il remet également en question l’idée d’une armée françaises polarisée par une doctrine préconisant l’offensive à outrance et dont les chefs (ici Joffre) n’auraient pas su mettre au point la bonne stratégie (l’échec du plan XVII).
Quant à l’armement, chiffres et analyses tactiques à l’appui, l’auteur démontre que la France ne souffrait pas d’une infériorité dans le domaine de l’artillerie (obusiers allemands face aux 75 français). Et il montre que les Français avaient aussi des mitrailleuses et non seulement leurs baïonnettes à opposer aux mitrailleuses allemandes. Ici par contre, l’auteur limite strictement son étude à la guerre de mouvement de 1914.
En passant par les batailles…
Le sujet de prédilection de l’auteur est l’année 1914. Il veut donc la remettre à sa juste place dans le déroulement de la guerre. Il s’attache donc à montrer le caractère meurtrier et l’importance trop souvent oubliée de la bataille des frontières de 1914. Elle est la cause du jour le plus meurtrier de toute la guerre pour l’armée française, le 22 août, et d’une bataille sur un front bien plus étendu que Verdun. Il fait de la guerre de mouvement, un moment bien plus décisif pour le déroulement du conflit que ne le sont les affrontements stériles des tranchées.
On peut cependant ici s’interroger sur la manière de procéder. C’est l’échec de la guerre de mouvement de 1914 qui entraîne les tranchées. Et c’est l’usure provoquée par 3 ans de guerre totale de part et d’autre des tranchées qui permet le succès de la guerre de mouvement de 1918. L’un ne peut être dissocié de l’autre, et c’est bien plus le caractère nouveau d’un front continu et de batailles qui durent des mois et font des centaines de milliers de victimes qui font l’originalité de la Première guerre mondiale plus que la recherche d’une bataille décisive.
Au final, un ouvrage qui balaye un éventail assez large de thèmes mais dont les sujets laissent de côté les aspects maritimes et tous les autres fronts du conflit. On peut également regretter l’absence d’une véritable bibliographie ce que l’auteur justifie en renvoyant à ses précédents ouvrages.
La tonalité et le contenu de l’ouvrage, peut-être liée à la ligne éditoriale de la collection, peut provoquer de nombreux débats. En effet, Jean Claude Delhez dénonce une certaine historiographie de la Première Guerre mondiale et s’attache à promouvoir un renouveau de l’histoire militaire.
Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau