Les éditions Champ Vallon inaugurent une nouvelle collection intitulée « l’environnement a une histoire ». Ce livre a été présenté aux Rendez-vous de l’Histoire 2010 par Grégory Quenet et Jean-François Mouhot. Ils ont à juste titre insisté sur le fait que la question environnementale avait surgi de façon si brusque dans le débat que l’on n’avait pas forcément eu le temps de se constituer « la bibliothèque » qui allait avec.

Historiciser la question environnementale

Le livre de John Mcneill vient combler un vide que suggère son sous-titre. Il est traduit 10 ans après sa parution aux États-Unis ( ! ), et ce qu’il dit se révèle tout simplement passionnant. Sur environ 500 pages, l’auteur, qui enseigne l’histoire et particulièrement celle de l’environnement, à Georgetown empoigne la question environnementale de façon passionnante. Le livre est essentiellement centré sur le XXe siècle, mais dans une préface d’une quarantaine de pages, il resitue son propos dans un temps long. Ceci est fondamental pour éviter d’avoir l’impression que toutes les questions environnementales se posent pour la première fois aujourd’hui . Ainsi pour la question de l’érosion du sol, une vue large permet de repérer par exemple que les grandes découvertes ont été marquées par un tel phénomène. De même, l’effondrement des zones locales de pêche n’a rien de neuf, car des réglementations existèrent dès le XIII eme ou même au début du XIXe ! L’aquaculture ne semble pas la solution, car elle utilise de la farine de poisson comme source d’alimentation.

La musique des sphères

Derrière ce très beau titre, se cache une analyse passionnante. Sous forme de chapitres d’une quarantaine de pages à chaque fois, John Mcneill se saisit d’un aspect de la question environnementale et le revisite littéralement. Il s’intéresse successivement à l’écorce terrestre, l’atmosphère, l’hydrosphère avec par exemple la question de l’utilisation de l’eau des barrages. Il aborde également la question de la nourriture à travers l’agriculture ou la pêche. Avec un tel spectre couvert, on pourrait s’inquiéter de l’intérêt du propos. Il n’en est rien, tant le propos est clair et en même temps stimulant. Cette approche par secteur est d’une grande clarté. Alors certes, les publications autour de l’environnement sont nombreuses (qui dirait l’inverse ? ), mais elle sont souvent soit très ciblées, soit avec des visons catastrophistes. Chaque chapitre se termine par une conclusion qui fait efficacement le point sur l’acquis du chapitre.

Un XXe siècle bien à part

« Il est exceptionnel pour l’intensité des changements intervenus et pour la place centrale de l’humanité dans leur déclenchement ». Cette phrase essentielle n’est pas qu’un propos théorique, car elle est appuyée par de nombreux faits et chiffres. Un exemple parmi tant d’autres : au XXe siècle, c’est l’homme qui a le plus modifié la structure de la terre en exploitant notamment les ressources du sol. Ce ne sont plus les mouvements naturels de la terre ! L’homme est devenu une force géologique majeure. Il souligne bien combien notre siècle n’a plus rien à voir avec avant : nous avons probablement consommé plus d’énergie depuis 1900 que durant toute l’histoire de l’humanité avant 1900.
On pourra déplorer une mise en page qui parsème quelques clichés noir et blanc qui apportent peu. Quelques doubles pages rattrapent cela en spatialisant les phénomènes de chaque chapitre. On pourra être surpris par le plan anglo-saxon loin de nos traditions universitaires, mais il serait vraiment dommage de s’arrêter à cela.
La seconde partie d’une centaine de pages, au lieu de 300 pour la première, choisit de s’intéresser aux moteurs du changement : cela complète donc la première où l’on avait une entrée par thème mais ici c’est une vision beaucoup plus globale. Quelles sont les causes de la dégradation environnementale ? L’augmentation de la population, l’augmentation de l’activité économique, ou celle de l’utilisation de l’énergie ? Pour John McNeill, c’est cette dernière explication qui est la principale raison des modifications auxquelles nous assistons aujourd’hui

Un appui essentiel pour le programme de seconde

Le chapitre sur l’eau est peut-être celui qui est a priori le plus connecté à nos programmes. Il réussit le tour de force de faire émerger des idées, des angles différents pour l’aborder. Il distingue d’abord de façon classique l’irrigation, l’industrie et la ville, mais en allant parfois à l’encontre des idées reçues : aux États-Unis, la consommation d’eau a atteint son maximum vers 1980, et elle a ensuite diminué de 10 % malgré l’addition de 40 millions d’habitants.
Dans le cadre du chapitre « nourrir les hommes », on pourra utilement s’appuyer sur les données du livre. En 1700, les terres cultivées couvraient 3 % de la superficie terrestre mondiale, en 1930 les terres cultivées avaient quadruplé et l’extension des terres cultivées s’est ralentie depuis 1980.
Le cas de la pêche s’avère très utile également pour se poser la question de la durabilité des modèles. Certes les mers ont contribué comme jamais à nourrir l’humanité au XXe siècle, mais les chiffres indiquent en réalité une forte augmentation des prises de 1940 à 1973, suivie d’une croissance plus lente.
Dans les années 80, les pêcheurs rapportaient en deux ans plus que leurs ancêtres ne l’avaient fait tout au long du XIXe !

Au total si vous ne devez lire qu’un livre autour de l’environnement cette année (ou même qu’un livre tout simplement) , c’est celui-ci qu’il faut choisir : agréable à lire, utile directement pour nos cours tant les informations fourmillent et sont stimulantes pour la réflexion personnelle : un triple effet à saluer.

© Jean-Pierre Costille