Nous avons mangé la terre
Deux historiens, Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste FressozQui a publié cette année, avec Fabien Locher Les révoltes du ciel – Une histoire du changement climatique XVe-XXe siècle, Editions du Seuil – Collection Points Histoire – 2022 et Jean-Robert Viallet, journaliste, se sont associés pour cet ouvrage en format 22cm x 28cm qui doit son titre à une expression des peuples Mnongs du Vietnam.
En 2019 Jean-Robert Viallet a réalisé un film documentaire : L’homme a mangé la Terre qui dénonçait l’enchaînement qui à conduit à la situation environnementale actuelle, à partir du livre L’Événement Anthropocène
La Terre, l’histoire et nous, co-écrit par Jean-Baptiste Fressoz et Christophe Bonneuil.
Les auteurs ont souhaité mettre à la disposition du public les documents iconographiques, photographies, mais aussi cartes, publicités réunis à cette occasion. Ce livre est, avant tout un livre d’images, parfois saisissantes, commentées.
L’intérêt réside dans le choix des documents comme cet empilement de wagon en 1956 ou la « maison Monsanto », images mises au service d’un raisonnement implacable, presque trop, pour montrer ce qui a conduit à l’impasse anthropocène.
La terre bascule
« Entre zéro et quinze kilomètres au-dessus du niveau de la mer, tout autour du globe, il y a ces 2 500 milliards de tonnes de dioxyde de carbone. Le CO2 que nous avons émis depuis le début de l’industrialisation. » (p. 10)
Si l’idée que les hommes pouvaient déstabiliser la terre remonte au moins au XVIIe siècle, ce chapitre retrace les étapes de la prise de conscience et les combats des scientifiques grâce aux études dans l’Antarctique.
Prendre la terre et ses entrailles, l’or noir…
Les étapes techniques et les choix économiques successifs sont montrés, de l’exploitation de charbon qui a pu, au début du XIXe siècle, être perçue comme une solution à la crise écologique de la surexploitation des forêts européennes, à l’exploitation des ressources naturelles et à l’or noir avec la fortune des Rockefeller.
La toute-puissance de l’homme moderne est symbolisé par les chantiers des autostrades hitlériennes.
La relation entre croissance économique et la guerre est mise en évidence, du char de combat au bulldozer, des gaz de combat aux insecticides (Oregon – 1948) et aux algues vertes en Bretagne (Hillion – 2019)
Plus vite, plus puissant
Plusieurs focus sont consacrés à l’industrie automobile, la fortune de Ford, Renault, Daimler…, le travail à la chaîne. A noter le parallèle entre la photographie de la production d’obus aux États-Unis en 1917 et le stockage en 2018 de véhicules Volkswagen et Audi, toujours aux États-Unis.
Les auteurs présentent aussi un fait peu connu : les piétons victimes de l’automobile naissante, aux États-Unis, dans les années 1920-1930.
Un monde fissuré
Ou le pari de l’atome, symbole de l’hubris humaine avec des projets fous : « les ingénieurs de Plowshare qui envisagent de creuser un nouveau canal en Amérique latine.[…] Ce sera Panama, à l’aide de 300 bombes nucléaires, ou bien en Colombie en enterrant 764 charges nucléaires. » (p. 106). L’énergie bon marché débouche sur la société du toujours plus, la société de consommation.
La grande accélération… Modèle américain
Une image symbolique a été choisi pour ce thème : la cohue du black friday pour des téléviseurs. La société de consommation a son corollaire le développement et l’étalement urbain. Les solutions vertueuses comme l’idée de maison solaire imaginée en 1948 ont été abandonnées et l’équipement des ménages est toujours plus dépendant de l’électricité. Le modèle de l’Américan way of life est clairement montré à l’aide de nombreuses publicités comme la maison tout en plastique de Monsanto en 1957.
Révolutions vertes
Entre espoirs et désillusions de l’Inde au Mato Grosso, c’est une agriculture toujours plus gourmande en énergie et en produits chimiques.
Alertes et défaites de l’écologie
Pourtant, des voix s’élèvent pour annoncer la catastrophe : La bombe P (1968), Soleil vert (1973) ou le Rapport Meadows (1972). Malgré les mobilisations citoyennes des années 1970…
Un ouvrage sans vraie conclusion, trop pessimiste pour être mobilisateur.