Economie
Huit articles traient des aspects économiques du début du XIXe s. à la veille des indépendances.
Après quelques essais dès le début du XIXe siècle la culture du coton au Sénégal connaît un relatif essor grâce aux capitaux investis par les industriels du textile. Cette culture se développe en même temps qu’en Algérie mais elle est limitée par la concurrence de l’arachide et est mal connue sur le plan technique.
La mise en valeur de la Casamance s’est appuyée sur une organisation particulière : la compagnie commerciale et agricole dont l’auteur se demande si elle fut un modèle pour la mise en valeur, dix ans plus tard, du Congo. Expression d’un capitalisme naissant la première concession sur près de 140 000 ha, est mise en place en 1890 pour le commerce du caoutchouc. Elle s’inscrit dans un mouvement qui voit l’administration coloniale passer du domaine militaire à celui du commerce. Tranchant avec les traditionnelles entreprises de traite, on y voit la place des industriels du textile. Le bilan est sévère : méconnaissance des réalités coloniales des actionnaires, faiblesse des capitaux engagés, absence de véritable mise en valeur agricole.
Le troisième article est consacré à un espace plus vaste, du Sénégal à la Sierra-Leone, sous le second empire. Durant ces quelque vingt ans on assiste au développement de l’arachide et au recul de la gomme dans le commerce de la côte occidentale de l’Afrique. Cette évolution économique se caractérise par une monétarisation croissante, le développement des maisons de commerce bordelaises et marseillaises grâce à un assouplissement du régime douanier et au développement de la navigation à vapeur.
S’ils n’ont pas la place de Bordeaux, Marseille ou même Nantes les ports de l’estuaire de la Seine ne sont pourtant pas absents du commerce colonial notamment du fait de l’industrie textile normande. L’article s’appuie en particulier sur la compagnie Malfilâtre et montre les milieux d’affaires normands très impliqués dans les débats sur le protectionnisme.
La victoire de Bordeaux sur Marseille comme tête de ligne des liaisons transocéaniques pour la navigation à vapeur est une longue histoire. C’est aussi la naissance de Dakar dont les travaux s’achèvent en 1866 avec la première escale d’un steamer des Messageries Impériales en route vers le Brésil.
La concurrence économique qui opposa les compagnies françaises et anglaises est à l’origine des difficultés diplomatiques entre France et Royaume Uni sur les côtes de la Gambie. Une longue rivalité 1817-1870 dans le commerce de la gomme longtemps indispensable à l’industrie textile dont les conséquences, certes lointaines, ne sont pas sans rapport avec l’actuelle rébellion casamançaise.
Si les relations en Gambie demeurèrent tendues a contrario avec le Liberia on assiste à une tentative de coopération technique (TSF, assistance médicale). En 1897, pour contrecarrer les ambitions économiques allemandes est créée à Monrovia une agence consulaire dont l’action en matière de coopération médicale est étudiée en détail.
Le dernier chapitre économique porte sur la réaction des milieux d’affaires français face à la décolonisation. Les publications étudiées montrent la diversité des points de vue sur la loi cadre: des hommes différents, une expérience des colonies plus ou moins longue, une crainte commune d’une balkanisation de l’AOF.
Société
Ce sont essentiellement les sociétés urbaines qui sont étudiées d’abord quatre contributions traient de l’époque du commerce de la gomme.
Le commerce de la gomme à St Louis était, au temps de l’esclavage, aux mains des métis, traitants intermédiaires incontournables entre négociants blancs et producteurs noirs. une première période faste permit de véritables fortunes puis la crise de 1838 remit en cause cette ascension sociale. L’article présente l’organisation des traitants, leur poids économique et politique puis le déclin dans la crise au profit des négociants.
1848 marque une date importante dans l’histoire de la colonie, l’abolition de l’esclavage a fortement contribué aux revers de fortune des traitants principaux propriétaires d’esclaves et des signares voir à leur sujet le livre [d’Aissata Kane LO
De la Signare à la Diriyanké sénégalaise->http://clio-cr.clionautes.org/de-la-signare-a-la-diriyanke-senegalaise.html] qui ont été contraints de vendre leurs aux droits à indemnité du fait de la crise et ce qui a assuré le succès des négociants voir chapitre précédent. Les conséquences économiques de l’abolition sont étudiées dans le contexte plus large de la crise en Europe.
Deux articles évoquent l’un des derniers négriers célèbres : Théodore Canot connu grâce au livre qu’il publie Vingt ans de la vie d’un négrier en 1854. Y sont décrits les conditions de la traite dans les années 1820-1830, les lieux de ce commerce illégal en ce début du XIXè. siècle et les protagonistes parfois hauts en couleurs. Les articles tentent aussi de reconstituer la vie réelle de cet aventurier.
Un autre personnage, bien différent, a retenu l’attention de l’auteur: Léopold Panet, métis de Gorée, une vie entre commerce et exploration Traversée du Sahara de st louis au Maroc . Voilà une approche de ce qu’étaient les axillaires africains des explorateurs européens.
A la suite des travaux des géographes comme Jean Dresch ou Guy Lasserre, Roger Pasquier s’intéresse aux villes du Sénégal. Il cherche à retracer l’histoire de l’urbanisation. Liés au commerce et aux possibilités de défense les premiers comptoirs datent du XVIIè siècle (Saint Louis et Gorée) avec très tôt des fonctions politiques, administratives et militaires. Devant les limites des sites de ces deux villes, les nécessités maritimes entraînent la création, à partir de son port, de Dakar et presque en même temps de Rufisque. Les Quatre Communes sont nées, la description de leur population, de leur aménagement dans l’espace et de leurs différences éclairent sur les devenir divers en fonction aussi des rôles de l’État, des maisons de commerce et du chemin de fer. La victoire de Dakar devenue capitale a été lente à construire.
En complément de cette étude urbaine l’article sur les questions de ravitaillement met l’accent sur l’insécurité des approvisionnements en provenance de zones rurales mal contrôlées où la culture de rente (arachide) concurrence la production de mil. Faidherbe pense écarter les troubles frumentaires en fixant les prix et en important du riz asiatique. L’article cherche aussi à mesurer les conséquences sociales des fluctuations du prix des denrées de base pour les couches populaires.
Autre source de connaissance de la société les rôles d’imposition et en particulier la capitation mise en place en 1861. Cette nouveauté suivie sur une dizaine d’années permet l’étude de ses modalités, son poids financier, les difficultés à la percevoir et les réactions des populations. Se pose aussi la question de son extension territoriale au-delà des villes, de la capacité de l’administration à établir le recensement des contribuables mais aussi des modalités de perception dans un pays encore faiblement monétarisé. Les catastrophes naturelles et les épidémies (1867-1869) aggravent les refus et conduisent à la révolte de Lat-Dior. Dix ans après sa création l’impôt est supprimé.
Pour l’auteur la crise de 1737-1738 montre que malgré le développement économique les institutions sont inadaptées. Les notables de St Louis demandent une véritable représentation auprès du gouverneur. La contestation des « habitants », métis et traitants, a pour leader François Valentin, membre du conseil privé qui incarne la confrontation sociale et raciale avec les Européens.
Une vraie vie politique à la colonie s’est développée à partir de 1880 avec l’essor de la presse. Bien qu’éphémères ces journaux apportent beaucoup d’informations sur l’économie, les relations avec les pays voisins, les réalités sociales et politiques. Mais il faut attendre les élections de 1914 pour que la presse s’enracine véritablement dans la colonie.
Les deux derniers textes sont consacrés à la période de la décolonisation. C’est d’abord le rôle de la JOC Jeunesse Ouvrière Chrétienne dans la formation d’une élite en AOF puis le syndicalisme avec l’exemple de la CFDT.