L’attention : voilà bien un thème qui concerne tous les enseignants. Considérée par certains comme de plus en plus volatile à cause des écrans, Françoise Guillaume entend dans ce livre montrer qu’il s’agit d’éduquer l’attention.
La pédagogie selon Decroly
L’auteure a enseigné puis a dirigé l’école Decroly de Bruxelles. Ovide Decroly était un pédagogue de la fin du XIXe siècle. Rappelons en quelques mots quelques principes de cette pédagogie extraits d’un établissement qui s’en réclame : « l’enfant va d’abord apprendre à comprendre. Par son intérêt naturel, il va observer, et ensuite associer et exprimer. L’enfant fait partie d’une groupe. Il va apprendre à travailler avec d’autres, prendre des responsabilités, trouver sa place et discuter les conflits.» L’ouvrage est organisé en trois parties : « Un regard contemporain sur l’attention, Attention(s) : de quoi parlons-nous ?, Quelle pédagogie pour éduquer l’attention ? » Quelques références bibliographiques sont proposées à la fin de l’ouvrage. Dans l’introduction Françoise Guillaume définit les multiples acceptions du mot attention et elle insiste sur la nécessité de l’éduquer. Elle annonce aussi dès le départ que la place des neurosciences sera réduite. On trouve un certain nombre de pastilles sur le côté et des encarts qui sont des témoignages ou des exemples concrets.
Un regard contemporain sur l’attention
Françoise Guillaume précise d’abord que pendant la quasi totalité de l’histoire, les humains ont vécu dans un monde où les stimuli étaient rares. Elle s’appuie souvent sur les travaux d’Yves Citton qui parle « d’écologie de l’attention ». Elle invite aussi à se méfier de certains discours très critiques sur Internet et sur la dispersion qui y serait liée. En réalité, Internet est un pharmakon, c’est-à-dire à la fois un remède et un poison.
Attention (s) : de quoi parlons-nous ?
Françoise Guillaume s’intéresse d’abord à l’attention collective et précise : « Une certaine forme d’attention collective a toujours assuré une adaptation des comportements individuels à des éléments extérieurs : l’Eglise, le parti. Ces institutions édictaient les lignes de conduite à adopter. » Elle développe ensuite l’attention individuelle et remet en perspective historique la question des TDA(H). Elle s’appuie là aussi sur les analyses d’Yves Citton quand il se demande si l’enfant diagnostiqué TDA(H) ne serait pas une sorte de lanceur d’alerte et de première victime de la « dégradation attentionnelle de notre milieu contemporain ». L’auteure enchaîne ensuite sur les sciences cognitives et ce qu’elles nous disent sur l’attention. Elle donne clairement son avis « il n’y a, à l’heure actuelle, pas de lien mis en évidence entre le fonctionnement biologique du cerveau et la complexité de la pensée humaine ». Pour elle, la part d’inconnu reste très importante. Elle cite le dispositif ATOL(E) pour Attentifs à l’école de Jean-Philippe Lachaux et plaide pour des cours d’attention.
Quelle pédagogie pour éduquer l’attention ?
L’auteure explique les concepts de rétention primaire, secondaire et tertiaire. Le premier terme désigne ce que nous retenons par rapport à des préoccupations personnelles, le second insiste sur ce qui nous reste quelques temps après et le troisième évoque la trace matérielle qui en reste. Elle enchaîne sur la question du numérique en soulignant que « La nouvelle forme de rétention tertiaire que représente le numérique aura un impact sur notre subjectivité et sur notre manière de faire société ; elle va donc inévitablement amener de nouvelles formes de pensée, …et donc de transmission scolaire ou non. » Elle plaide pour qu’il n’y ait pas de numérique dans les premières années de scolarité. Elle poursuit avec le rôle que peuvent avoir les pédagogies actives pour éduquer l’attention. Elle définit d’abord ce qu’il faut entendre par pédagogie active et souligne qu’il faut s’appuyer sur le réel. Elle trouve intéressante l’idée du dessin d’observation car il permet de garder une trace de la découverte et demande à l’enfant une réelle attention à l’objet. Tout ceci peut se faire grâce à de bonnes relations dans la classe. Elle revient sur les neurosciences avec les quatre piliers de l’apprentissage. Françoise Guillaume consacre un chapitre spécifique aux adolescents car il faut établir une continuité avec l’école élémentaire et examiner les dimensions propres à cet âge. « Les activités sont plus riches quand elles requièrent une forme de créativité ». Comme pour les élèves d’école primaire, il faut donc éduquer les adolescents à garder l’attention.
En conclusion, Françoise Guillaume revient sur les différents sens du mot attention : quand on porte son attention sur un objet, on cherche à l’inspecter. Quand on donne de l’attention à quelqu’un, on est ouvert dans une position de réception. Elle insiste une dernière fois sur la question de la responsabilité des personnes et aussi sur le fait que l’attention se situe « au carrefour de nombreux champs ».
Pour en découvrir un extrait,
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes