Jean RAVESTEIN est professeur des universités en sciences de l’éducation à Aix-Marseille. Le projet de son ouvrage est de donner la parole aux enseignants sur les raisons de la réussite et de l’échec scolaires à partir de 100 hypothèses. Il se base sur une enquête proposée de manière volontaire aux professeurs et personnels d’encadrement, à laquelle 8000 ont répondu.

Le concept d’échec scolaire est apparu dans les années 1950. Auparavant, la structure de la société ne générait en effet pas d’obligation de réussite scolaire. Les travaux de BOURDIEU et PASSERON mettront ensuite en valeur l’importance du capital culturel dans la réussite/l’échec scolaire. Aujourd’hui, en difficulté face à la massification, le système apparaît comme une grande machine à exclure. Historiquement, le sentiment d’échec scolaire s’est créé en même temps que l’on a donné à tous les enfants une chance – théorique – d’accéder aux plus hautes études. On peut identifier une multitude de variables intervenant dans le destin scolaire de chaque individu : « dons » hérités, genre, milieu d’origine, évaluation, effectifs dans les classes, type d’établissement, rôle de la famille, rôle des enseignants, rôle des TICE, orientation prise en compte du handicap, orientation, rythmes scolaires,…

L’objectif de l’enquête est de savoir comment les enseignants français perçoivent le poids de ces différentes variables qui contribuent à fabriquer l’échec scolaire. En effet, même si elles sont identifiées par la littérature scientifique, leur poids relatif est mal cerné. L’enquête de terrain auprès des principaux intéressés, ou du moins ceux au plus proche des élèves en situation de réussite/d’échec scolaire semble donc appropriée pour répondre à cette problématique. Plusieurs constatations peuvent en être tirées. Les enseignants sont conscients de leur rôle et s’évertuent globalement à ne pas figer les élèves dans des profils et privilégient de bonnes relations humaines, gage d’efficacité pédagogique. Ils reçoivent les élèves « comme ils sont » et font preuve d’adaptation. L’investissement de la famille est perçu comme un fort critère discriminant. Les enseignants plébiscitent par ailleurs les établissement où règnent un certain ordre et un sentiment de sécurité et les établissement dynamiques à taille humaine où le travail en équipe est bien organisé. Ils ne se sentent par contre pas assez soutenus par l’institution. Nombreux sont ceux qui critiquent l’efficacité du collège unique. Les réponses apparaissent ambivalentes sur l’évaluation. Les enseignants semblent encore attachés à la note, même si ils reconnaissent ses limites. La maîtrise d’une ou plus plusieurs langues sont perçues plutôt comme une chance d’accentuer la réussite d’un parcours scolaire. C’est dans l’usage des TICE que les mentalités des enseignants ont le plus considérablement évolué. Ils sont devenus incontournables tant dans leur usage pédagogique que personnel. L’enquête se conclue par l’influence des conditions sociétales, aux réponses souvent marquées.

Les enseignants pouvaient enfin répondre à 2 questions libres : parmi toutes les causes possibles de l’échec scolaire quelles sont celles que vous considérez les plus importantes ? et si vous aviez le pouvoir de changer le système éducatif quelles mesures proposeriez-vous en priorité pour réduire l’échec scolaire ? Jean RAVESTEIN constate qu’on ne trouve quasiment aucune trace d’une quelconque remise en question par les enseignants de leur propre pratique : les principales causes de l’échec viennent du dehors, ils n’en prennent pas une part, même minime. Ils semblent se sentir pris dans des déterminismes négatifs sur lesquels ils n’ont aucune prise ». Aussi, « les commentaires libres témoignent d’un clivage global entre ceux qui sont pour le moins désenchantés et préconisent un retour en arrière et ceux qui continuent à y croire et fondent leurs espoirs sur le partage de compétences, la formation, l’apport de techniques innovantes et des découvertes des chercheurs. Force est de constater que quantitativement, les premiers sont largement majoritaires ».

Au final, le postulat de base est intéressant : donner la parole directement aux enseignants sur l’échec scolaire et ses principaux déterminants. Le résultat montre la difficulté de plus en plus croissante du métier. Les facteurs non modifiables (par l’enseignant) de l’échec scolaire et souvent déterminant dans le processus de décrochage scolaire prennent une place de plus en plus importante. L’école, et ses enseignants, paraissent parfois démunis pour aider les élèves, les enfants, qui en ont le plus besoin. L’adaptation, individuelle et collective,  des professeurs est donc décisive. Le fait que certains regrettent un passé idéalisé et que d’autres se plongent dans des pratiques « innovantes » montre bien cette dialectique entre inquiétude et désir de trouver des solutions pérennes et efficaces pour l’ensemble des élèves, pour tracer leur chemin vers leur réussite, aussi scolaire.