Martine Bergues est ethnologue au Conseil Général du Lot, associée au CNRS. Cette spécialiste des liens entre société et territoire nous propose une promenade dans les jardins du Lot, vus sous l’angle d’une enquête ethno-sociologique, en les replaçant dans une réflexion à la fois diachronique et multiscalaire qui montre divers types de rapports à l’espace proche autour de la maison.

L’espace fleuri est avant tout un espace féminin.
Chaque partie s’ouvre sur la présentation de jardins: portrait de jardinières, plan, description précise des espèces cultivées et des modes de culture; suivie d’une mise en perspective sociologique et d’extraits des entretiens conduits dans cette étude.
Quelques photographies au centre du livre éclairent le lecteur.

Jardins paysans

Dans ce département du Lot on rencontre encore, ici trois exemples, des jardins paysans, que l’auteur situe dans la mouvance d’une polyculture traditionnelle aujourd’hui disparue. Jardins de vieilles agricultrices qui continue l’habitude de cet espace féminin, non productif du jardin de fleurs qui correspond à une culture paysanne où les échanges de graines, de plants participent à la sociabilité villageoise où la fleur participe aux réseaux sociaux.

Jardins fleuris

Six jardins décrits précisément nous introduisent dans une époque plus récente, associés à des exploitations agricoles plus modernes. Le fleurissement y est souvent né d’un désir de masquer les bâtiments d’exploitation. Ces jardins se caractérisent par le choix des variétés de fleurs absentes des jardins anciens, un temps consacré à son entretien plus conséquent, une organisation de l’espace plus réfléchie et des achats de végétaux justifiés par la fierté d’un prix au concours des maisons fleuries, concours qui sera analysé plus loin dans ce livre.

Jardins au naturel

C’est en quelque sorte la troisième génération qui se développe dans les années 80. Les trois exemples choisis montre une vision élitiste du jardin. Plantes rares et d’entretien délicat, moins de fleurs de toutes couleurs, plan savant et recherche livresque caractérisent ces jardins où l’on perçoit l’influence des jardins anglais ou celle de paysagiste célèbre comme Gilles Clément. Le jardin est voulu comme un paysage. Les jardiniers se rencontrent au-delà du local, pour échanger plantes rares et idées, tissent des liens.

Jalons pour une histoire du fleurissement

A partir de cette étude en trois espaces/temps Martine Bergues tente une mise en perspective de l’exemple du Lot par rapport à ‘histoire des jardins. Elle questionne le temps de l’apparition des fleurs au jardin, elle dit comment depuis la Renaissance, le jardin est un indicateur social, technique voire philosophique. Entre esthétisme et hygiénisme, l’essor du tourisme a joué un rôle dans le fleurissement progressif des villes et villages. C’est enfin l’occasion d’évoquer le rôle des sociétés d’horticulture et des entreprises du secteur.

Les concours des villes et villages fleuris: une institution

L’auteur pose ici des repères chronologiques pour un phénomène qui étonnera peut-être le citadin mais qui est bien connu des ruraux: une véritable compétition locale qui répons à un règlement exposé en détail. Le concours et ses règles ont évolué à la fois vers un fleurissement plus collectifs où les mairies jouent un grand rôle et une reconnaissance de nouvelles formes de jardins autour de la notion de fragilité écologique.
Le phénomène est analysé dans ses réalités locales avec l’exemple de trois villages, mais aussi départemental, niveau où s’expriment des enjeux et mises en scène du politique avec un véritable rituel, digne de l’agrégation selon Martine Bergues, lors de la remise des prix.

Ce livre propose un parcours étonnant et éclairant sur le jardin des fleurs.