George Monbiot est un journaliste britannique qui travaille au Gardian. Écologiste engagé, végan, il défend, on le verra, des thèses originales et est l’auteur de livres et de documentaires sur les questions alimentaires ou sur les espaces « naturels ». C’est un entretien dans la revue électronique Blast, « Le système alimentaire mondial menace de s’effondrer ») qui m’a donné envie d’en savoir plus et de lire cet ouvrage qui n’a pas manqué de m’étonner par certains aspects.

Le sol, base de la vie

                Le premier chapitre de ce livre, « Le monde sous nos pieds », porte sur le sol, les sols, supports de la vie. Ce passage qu’on supposera destiné au grand public, présente la complexité mais aussi le grand nombre et la grande diversité des organismes présents dans les sols : bactéries, champignons, acariens, vers de terre divers… Or, nous dit l’auteur, les « sols ont été mis à mal par le recours abusif aux engrais, pesticides ou fongicides, par le labourage excessif […] ». Traiter les sols comme un support inerte risque selon lui de « détruire la source de notre subsistance ». C’est pourquoi il part à la recherche de solutions et d’autres pratiques.

Une agriculture qui va dans le mur ?

               Les chapitres deux (« Ce qui vient ») et trois (« L’étalement agricole ») dresse par nombre d’aspects un constat terrifiant, mais relativement classique, des évolutions de l’agriculture depuis une quarantaine d’années. Il souligne le fait que la standardisation mondiale de l’alimentation s’est accompagnée d’une concentration de l’industrie agro-alimentaire et d’une financiarisation de ce secteur sur fond de réchauffement climatique. Le développement des cultures de maïs et de soja et celui de l’élevage industriel ont favorisé l’accroissement des pollutions. Mais ajoute-t-il l’agriculture biologique ou l’élevage extensif ne sont pas des solutions réelles. Selon lui, la première aurait des rendements insuffisants (ce que nombre d’auteurs contestent, voir les travaux de Marc Dufumier, Claude Aubert…) et le second nécessiterait d’accroître les superficies qui lui sont consacrées. Pour cet auteur ce n’est pas seulement l’agriculture intensive qui pose problème mais l’agriculture tout court.

Des expérimentations utiles, sympathiques… mais insuffisantes ?

Les chapitres suivants sont consacrés à des expériences agricoles pour produire autrement, à des projets d’alternative agricole ou à des initiatives caritatives pour nourrir les plus pauvres. G. Monbiot en démontre l’intérêt et les apports mais en souligne aussi les limites, les insuffisances, démontrant in fine que la solution ne passe pas par là pour lui. Est d’abord présentée l’exploitation maraichère de Tolly (« Une méthode qui porte ses fruits ») dont les produits sont de qualité et dans laquelle la biodiversité est grande. Dans « Le nombre de la fête », il s’intéresse au travail d’une banque alimentaire et au débat sur la souveraineté alimentaire pour en souligner les aspects positifs mais aussi les limites. Le chapitre « S’enraciner » lui permet de présenter, à partir d’un exemple, l’agriculture sans labour. Mais aussi une céréale vivace, le Kernza, qui, avec d’autres céréales de ce type, pourrait améliorer l’état des sols et contribuer à nourrir les hommes. Reste que pour lui la solution semble être ailleurs.

Fin de l’agriculture… et de la gastronomie ?

               Pour lui, « l’écotechnologie » (p. 254) permettrait probablement de nourrir le monde. Il s’agit de multiplier non pas les pains mais une bactérie du sol donnant « une bouillie fluide et jaune » qui une fois chauffée fournit une « farine dorée » avec une forte teneur en protéines. L’auteur qui l’a dégustée sous forme de crêpes s’en est régalé. Cette solution qui permet d’économiser les terres et est parcimonieuse en ressources séduit l’auteur, mais non est-il besoin de le préciser le recenseur ici quasi horrifié. Autre avantage pour G. Monbiot, le génome des bactéries en question « pourrait être modifié pour produire de la vitamine B12 » dont les risques de carence sont « plus élevés pour les végétariens et les végans ». Plus loin l’auteur présente la possibilité de « cultiver de la graisse animale » afin de l’adjoindre à de « la viande d’origine végétale » !!! Là le recenseur s’y perd et a vraiment du mal car l’artisan du réensauvagement qu’est G. Monbriot semble se faire le chantre de l’agro-alimentaire high-tech portées par de nouvelles entreprises capitalistes.

Un livre pour ceux intéressés par les questions agricoles et alimentaires qui permet de lire et d’essayer de comprendre le point de vue d’« écologistes » fort particuliers qui tentent de marier réensauvagement et nouvelles technologies fort peu gastronomiques.