L’idée d’utiliser le jeu en contexte éducatif n’est pas nouvelle. Pour faire jouer il ne suffit pas de proposer un jeu. Il faut aussi que l’apprenant l’accepte et l’interprète effectivement comme un jeu. En cinq chapitres et de nombreux exemples, Eric Sanchez examine donc la question du jeu, ses intérêts, ses limites pour l’enseignant. L’ouvrage comprend de nombreux encarts qui sont autant d’exemples pour l’enseignant. Eric Sanchez est professeur en technologies éducatives à l’université de Genève. Il a précédemment publié « Apprendre en jouant » dans la collection Mythes et réalités chez ESF en 2020.
Des jeux pour enseigner et former
Eric Sanchez présente une classification qui s’appuie sur les modalités d’apprentissage concernées. Pour qu’il y ait jeu, il faut un défi à relever, un univers narratif, des règles, mais aussi une certaine « frivolité » comme dit l’auteur, c’est-à-dire l’absence de conséquences en dehors de l’univers du jeu. Pour ludifier, on peut aussi s’appuyer sur des exemples connus de jeux. Parmi les formes de jeu existant, on peut citer les jeux de simulation, les jeux de stratégie ou encore les jeux puzzles. Bien connu aujourd’hui, c’est l’exemple de Scratch qui fait qu’on peut apprendre l’informatique en concevant un jeu. On peut noter également qu’on peut évaluer avec le jeu.
Fondements théoriques de l’apprentissage par le jeu
La formalisation des règles du jeu est destinée à faciliter l’émergence d’une expérience ludique. Historiquement, on peut aussi rappeler que c’est sous la Troisième République que s’est développée une école maternelle orientée vers le développement de l’enfant à partir du jeu. La question du jeu est à relier à celle de la motivation. Jouer signifie généralement jouer à plusieurs et peut donc être assimilé à une forme d’apprentissage collaboratif. Il faut aussi mentionner le fait que l’apprentissage par le jeu est un domaine de recherche qui a été investi par de nombreuses disciplines. L’inconvénient de cette situation est le foisonnement de modèles et concepts.
Faire jouer : introduire et orchestrer le jeu
L’auteur aborde ici la question de « l’introduction et de l’animation du jeu que nous appelons orchestration ». L’introduction est l’occasion de donner un rôle à chacun et le moment de poser un certain nombre de contraintes de temps et d’espace. C’est là que se met en place un contrat avec le joueur. Le jeu doit aussi présenter une certaine difficulté. Eric Sanchez invite le professeur qui voudrait se lancer à rejoindre une communauté existante pour bénéficier de conseils et d’expertises.
Quitter le jeu pour apprendre : le debriefing
Il convient de distinguer une réflexion qui se déploie dans l’action lorsque le joueur joue, d’une réflexion sur l’action. Le débriefing est une étape essentielle. L’expression des émotions est une première étape qui permet un changement d’univers et de contrat. L’institutionnalisation des savoirs se fait par leur conscientisation car, durant le jeu, l’activité du joueur est orientée vers l’accomplissement d’une tâche et non vers un apprentissage explicite. Une seconde dimension concerne la formulation et la validation des savoirs en jeu. Enfin, il faut attribuer une valeur intrinsèque en tant que savoirs objectifs et indépendants. Il ne faut pas négliger la question du lieu où se déroule le débriefing. Lors de ce temps, il convient de valoriser les réussites et de dédramatiser les échecs. Eric Sanchez donne des pistes pour conduire ce temps indispensable, avec par exemple des cartes « réactions, apprentissage, comportements et résultats ». Cette étape est une « forme de problématisation de l’expérience des joueurs ».
Concevoir et réaliser des jeux pour former et enseigner
Il faut au préalable distinguer conception et réalisation du jeu. Chaque étape est détaillée ensuite. Il faut transposer des savoirs dans un jeu, mais aussi élaborer un univers narratif adapté au public visé. L’auteur présente le modèle ADDIE qui vise à décrire l’entièreté du processus. Il est nécessaire de s’interroger sur les informations auxquelles le joueur va avoir accès, les connaissances qui pourront être acquises. Le design du jouer est préalable au désign du jeu. Pour bien cerner les choses, il faut décrire un persona, c’est-à-dire un utilisateur potentiel du jeu. Pour les objectifs, on peut se rappeler l’acronyme SMART : spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporellement défini. Il ne faut pas oublier de bien définir les règles du jeu. Eric Sanchez fournit également tout un tas de ressources en signalant des outils comme genial.ly. On trouve un très utile tableau qui récapitule les questions pour la formalisation du scénario pédagogique.
En conclusion, Eric Sanchez revient sur différentes perspectives : celle de l’apprenant, de l’enseignant et du concepteur. Ce qui distingue le jeu de la simulation, c’est le second degré et le caractère métaphorique de l’expérience ludique. L’enseignant et le formateur sont souvent les grands oubliés des travaux de recherche qui s’intéressent à l’apprentissage par le jeu. On est passé progressivement d’une conception de jeu pour les enseignants, à une conception avec les enseignants.
Ce livre fournit de nombreuses pistes pour le professeur qui veut faire évoluer ses pratiques.