« Curieux paradoxe donc : l’école enseigne tout, sauf à apprendre ! » C’est pour répondre à ce constat qu’est écrit ce livre. Le but est de rendre l’élève plus efficace dans ses tâches scolaires.

Les stratégies d’apprentissage

Pierre Vianin est enseignant spécialisé et professeur à la Haute école pédagogique du Valais. Il a précédemment publié « La motivation scolaire » ou encore « La supervision pédagogique. ».  L’auteur rappelle d’abord qu’il travaille depuis plus de vingt ans avec des élèves en difficulté scolaire. Dès l’introduction il met en avant le fait que les élèves en difficulté manquent de connaissances sur les stratégies d’apprentissage. Une importante bibliographie et de nombreuses annexes complètent l’ouvrage. Parmi elles on trouve des exemples des fiches guides, technique expliquée dans le livre.

Quelques concepts clés et sources

L’auteur passe d’abord en revue quelques concepts de base. Son approche est clairement constructiviste, c’est-à-dire que les savoirs sont construits et transformés par l’élève. Il faut s’intéresser à la question du traitement de l’information. Il insiste aussi sur le principe d’éducabilité. Son livre comporte deux parties : dans la première il revient sur les fondements théoriques d’une approche psychopédagogique de l’aide cognitive en contexte scolaire. La seconde est plus didactique et traite de la question de la lecture, de l’écriture et des mathématiques.

Les postulats de l’ouvrage

Il s’agit d’abord de passer d’une approche centrée sur la tâche à une approche centrée sur l’élève. Il faut aussi aller vers un enseignement le plus explicite possible. En effet, un élève est rarement conscient des procédures qu’il utilise pour réaliser un exercice. Le traitement de l’information joue un rôle central et il peut être contrôlé ou automatisé. L’auteur pointe également le besoin d’accompagnement et met en avant l’idée de modifiabilité cognitive. Un regard positif encourage un engagement plus important. Le cablage du cerveau est un processus permanent. Pour préciser encore les choses, Pierre Vianin revient brièvement sur quelques neuromythes qu’il explique en quelques lignes. Parmi eux, la mémoire de poisson rouge ou d’éléphant ou encore la taille du cerveau. 

Cognition et métacognition 

Ce chapitre est consacré à la présentation de notions de psychopédagogie cognitive et il constitue, selon les propres mots de l’auteur, la partie la plus difficile de l’ouvrage. Il montre que le terme de cognition a tendance à remplacer celui d’intelligence. La métacognition désigne la conscience qu’a un sujet de sa propre cognition. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’intelligence est la capacité d’utiliser de manière pertinente et évolutive des connaissances… permettant d’adapter ses stratégies aux exigences de l’environnement. Pour préciser, l’élève doit utiliser les bonnes stratégies : soit les connaissances procédurales au bon moment, soit les connaissances conditionnelles en mobilisant les connaissances nécessaires. 

Fonctionnement cognitif et processus mentaux

Pierre Vianin présente un modèle de fonctionnement cognitif et il définit le rôle des processus mentaux dans ce fonctionnement. Il montre d’abord le poids de l’environnement et des stimulations sensorielles avant de s’arrêter sur la question de l’attention. Il montre les liens avec la motivation et donne des pistes comme le fait de donner du choix à l’élève, de proposer de la nouveauté ou sous forme ludifiée. On doit apprendre à l’élève à être attentif et pas seulement le répéter. Ensuite, l’auteur parle du processeur central, c’est-à-dire tout ce qui concerne le traitement de l’information. Il explique la surcharge cognitive, l’empan mnésique ou l’utilisation de procédures pour soulager la mémoire de travail. Il pointe l’importance de plusieurs processus métacognitifs comme l’anticipation, la planification ou encore la régulation. Souvent les professeurs ne se rendent pas compte de la difficulté des tâches proposées et du nombre de processus sollicités. La suite du chapitre développe la question de l’encodage, du stockage et de la récupération. Parmi les autres points à retenir, celui de l’inhibition de l’impulsivité. L’auteur donne des pistes concrètes en proposant par exemple dans un travail à deux d’attribuer à un élève le rôle de vérificateur de la réponse de son camarade. Pour concrétiser tout ce qui vient d’être dit, Pierre Vianin applique sa grille à la question de la lecture puis au cas d’un élève en difficulté.

Le maintien des apprentissages

L’auteur revient et développe sur la mémoire à long terme. Il faut bien se rendre compte que souvent l’information est dans notre cerveau et que le problème c’est sa récupération. Apprendre, c’est tisser des liens. Il faut tenir compte de ce que l’on sait sur la mémorisation notamment pour organiser une séquence d’enseignement. Le professeur doit rigoureusement identifier le ou les  concepts centraux et y revenir lors de l’enseignement de façon très explicite. De manière très pratique, Pierre Vianin expose les dix règles de base de la mémorisation dont l’importance de comprendre pour mémoriser. Pour le vérifier, il faut demander à l’élève de le réexpliquer avec ses propres mots. On peut citer aussi l’importance de mémoriser de manière dynamique et variée. Il faut également réactiver et réactiver encore. Il est plus utile aussi de répéter souvent sur de courts moments que de travailler intensément sur une longue période. 90% du travail de mémorisation devrait s’effectuer en classe. 

Le transfert et la généralisation des apprentissages

Toutes les recherches montrent qu’il y a un bénéfice à s’entrainer si le deuxième apprentissage ressemble au premier. Il faut aider les élèves à effectuer le transfert de leurs apprentissages. Pour cela l’enseignant peut demander aux élèves de souligner les ressemblances existant entre la tâche initiale et les différentes tâches dans lesquelles le transfert doit se réaliser. Un travail en quatre temps s’impose : contextualisation, décontextualisation, recontextualisation et enfin généralisation. 

L’évaluation des processus cognitifs et métacognitifs

Dans ce chapitre, l’auteur procède par questionnaires, observations, entretiens ou entretiens d’explicitation ou évaluation diagnostique des processus mentaux. Il décrit d’abord chacune de ces procédures. Tout ceci doit permettre de proposer une analyse étayée pour faire un retour à l’élève. Cela permet d’en savoir plus sur le fonctionnement cognitif de élèves. 

L’enseignement et l’apprentissage des stratégies

Pierre Vianin précise qu’il entend là d’abord poser quelques jalons permettant de bien comprendre la nécessité d’un apprentissage des stratégies puis de présenter la question de la médiation-remédiation avant d’aborder les démarches d’enseignement adaptées à l’enseignement des stratégies. L’auteur rappelle également que l’on a souvent l’illusion qu’il suffit de mettre un élève en activité pour qu’il apprenne. Pour enseigner les stratégies on peut utiliser un travail en groupe ou encore une fiche de procédure ou fiche guide. Cela permet de soulager le traitement cognitif de l’information. 

Proposer un matériel pédagogique inspiré des analyses

Au début de la deuxième partie, Pierre Vianin livre un état des lieux de ce qui vient d’être dit et développé précédemment. Il insiste pour aller vers une prise de conscience par l’élève des processus mis en oeuvre dans une tâche scolaire. Il propose ensuite le matériel élaboré à partir de tous ces éléments. Au niveau de la remédiation, l’auteur insiste sur l’originalité de la méthode qui invite l’élève à porter un regard sur sa tâche. A partir de là il s’agit donc de présenter précisément des fiches de travail et de montrer leur utilisation dans une démarche remédiative.  Les chapitres 10, 11 et 12 sont donc selon ce principe consacrés à l’aide stratégique en lecture, en écriture et en mathématiques. Chaque cas est exposé sur une vingtaine de pages ce qui permet précisément de comprendre et de suivre la démarche. Sur les mathématiques, l’auteur se focalise sur la résolution de problèmes. 

En conclusion, Pierre Vianin propose deux réflexions : d’abord il invite à intégrer la dimension affective et ensuite il précise que la méthodologie employée dans l’ouvrage ne suffit pas à expliquer et à vaincre l’échec scolaire. Sur la question des émotions il livre des résultats d’enquête comme le fait que le sentiment de sécurité facilite le comportement exploratoire. Il donne aussi des pistes invitant à utiliser l’anecdote, l’humour ou la nouveauté. Il faut aussi tenir compte de la gestion des émotions et aussi du stress. Quant à l’échec scolaire, l’auteur plaide en faveur d’une  évaluation de l’attitude face à la tâche. In fine, il appelle à la modestie dans un domaine, l’intelligence pour le dire vite, que nous sommes bien loin de parfaitement connaitre. 

Jean-Pierre Costille