La question que posent dans cet ouvrage deux enseignants d’un lycée de Seine-Saint-Denis, Céline Cael et Laurent Reynaud, est de savoir s’il est possible de construire durablement un système éducatif qui préfère l’éducation à la coercition, la pédagogie à la démagogie, la réflexion aux certitudes ? Ce livre propose un système éducatif repensé, dans lequel la réflexion, la critique et les instances démocratiques ont une place centrale. Pour nous faire découvrir ce nouveau système, les auteurs se placent en 2042 et décrivent au jour le jour la vie des élèves et de leurs enseignants. Pour accompagner le projet, Clément Guy et Alizée Gilles, architectes de formation et illustrateurs, ont dessiné cette nouvelle École, formatrice d’un nouveau monde.

Tout d’abord, dans ce nouveau système, il n’y a plus de classe ni d’élèves, mais des « îlots » et des « évolants ». Chaque établissement scolaire est dénommé complexe qui regroupe des îlots. La métamorphose des établissements scolaires en complexes s’est faite avec l’existant, sans rien jeter. Il existe 5 complexes, du cycle 1 (complexe 1), cycle 2 (complexe 2), cycle 3 (complexe 3), cycle 4 (complexe 4) au lycée (complexe 5). Chaque complexe comporte 12 îlots indépendants qui accueille une centaine d’évolants suivis par une même équipe d’enseignants. Chaque îlot comporte deux salles de cours, une salle d’entraide, une salle de travail individuel, une salle pour les enseignants et une salle d’examens de pallier.

Avec la disparition des classes disparaît aussi l’orientation subie. Chaque évolant suit un parcours unique de 3 à 18 ans. Ce parcours de trois années dans chaque complexe est jalonné de plusieurs paliers dans toutes les disciplines. Chacun d’entre eux correspond à un examen national. La journée d’école commence par un rituel nommé « Quoi de neuf » qui réunit une douzaine d’évolants autour de leur professeur référent. Ce temps de parole laissé aux évolants est un temps de décompression et d’apprentissage. Une fois ce rituel passé, les cours puzzles peuvent commencer. Pendant deux heures, les évolants se répartissent entre salles de cours et l’atelier en fonction de leurs besoins et de leur plan personnel de palier. Les deux heures de cours sont suivies d’une heure et demie de travail autonome. Chaque palier est composé de deux séances de cours dans une salle de classe et d’un module pratique dans l’atelier. Chaque journée se termine par une demi-heure de sport. Les évolants de chaque îlot se répartissent par groupes d’affinités pour une activité physique au choix.

Pédagogiquement, l’école ne cherche plus à répondre à des questions que les élèves ne se posent pas. Le travail autonome est soit individuel soit coopératif. Un évolant autonome ce n’est pas un jeune qui travaille seul mais quelqu’un qui sait se tourner vers les autres, des camarades ou des enseignants sur les tables d’appui, quand il en a besoin. « On veut des mains qui pensent », nous disent les auteurs. D’un côté, on retrouve les éléments à transmettre dans les cours, de l’autre les savoir-faire à développer dans les ateliers.

Quant aux programmes scolaires, finies les réformes imposées brutalement aux établissements scolaires, finis les changements de cap selon les vents politiques. Le Conseil National de l’Éducation Permanente (CNEP) est renouvelé pour moitié lors de chaque élection parlementaire ; l’autre moitié est constituée de personnels issus des établissements scolaires tirés au sort tous les sept ans.

Une fois par semaine se réunit le conseil des évolants de chaque îlot. Chaque îlot a des représentants pour les conseils de complexes. Les complexes ont eux-mêmes deux représentants qui siègent dans les conseils académiques. Les conseils académiques réunissent les complexes d’une même zone géographique définie par le CNEP. C’est dans ces instances que se décide la répartition des moyens entre les différents complexes.

            Le projet de la nouvelle école imaginé par Cael et Reynaud présente des points intéressants qui invitent à la réflexion : la suppression des ruptures générées par un cursus rendu clivant par le vocabulaire (école, collège, lycée) où chaque passage est synonyme de rite de passage, la primauté donné au sens dans ce qui est enseigné. En revanche, la nouvelle définition de l’enseignant questionne : quelle formation pour les enseignants ? quel rôle assigné à l’école ?