Chercheur au laboratoire de sociologie urbaine et l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Guillaume Drevon s’interroge, dans cet ouvrage, sur nos sociétés pressées et les implications que ces rythmes peuvent avoir sur les mobilités. En prônant une approche plus fine de l’usage du temps dans l’analyse de l’espace, l’auteur se propose d’investir le cadre de trajets quotidiens de couples biactifs avec enfant(s) autour de deux terrains : la zone transfrontalière du Luxembourg et l’agglomération de Voiron-Grenoble.
Le début du propos est général et rappelle que le choix résidentiel est le fruit d’un calcul tendu faisant intervenir différents paramètres come le coût, la taille et la forme du logement, l’accessibilité de l’environnement immédiat, la dimension symbolique du lieu et les aménités environnementales, tout ceci s’inscrivant à une étape d’un parcours de vie. Le résultat des courses est que l’on arrive à un compromis qui, sous couvert de baisse du prix du logement, augmente l’éloignement du lieu de travail et pousse donc à la mobilité pendulaire.
Le recours à l’automobile pour effectuer ces trajets est dominant et n’est pas sans conséquence sur la pollution, la ségrégation des espaces, le budget lié à ces déplacements. Finalement, l’économie réalisée sur le faible coût d’un logement en périphérie est grevée par le coût des déplacements, paradoxe important. Autre contraste qu’est la hausse de l’enracinement au domicile : après ces mobilités quotidiennes effectuées, on ne souhaite plus trop ressortir.
Dès lors, diverses pressions émergent, la sphère professionnelle entre en conflit avec la sphère familiale, le sentiment de temps perdu progresse. Comment donc combiner les espaces temps de chacun à l’intérieur du foyer ?
Dans un premier temps, l’analyse prend appui sur le cas du Luxembourg, riche et demandeur de main d’œuvre, attirant donc des frontaliers qui n’hésitent pas à faire des kilomètres (plus de 40) en raison du prix élevé du foncier et de l’immobilier. Les travailleurs frontaliers y sont assez jeunes, situés dans les CSP « élevées », propriétaires, faisant la route massivement en voiture (du fait de leur résidence dans des lieux peu denses, donc peu desservis par d’autres moyens de transports). Le stress et la fatigue sont palpables chez les enquêtés.
Si 50 % des enquêtés se contentent de faire la simple navette domicile-travail, 14 % d’entre eux y ajoutent une activité supplémentaire (dans le pays de résidence), ensuite les schémas de mobilité sont plus complexes. L’auteur arrive donc à la définition de profils : les navetteurs, les domocentrés, les intégrés, les hybrides et les dispersés.
Pour appuyer le propos, une comparaison avec un territoire similaire est présentée : l’agglomération Voiron-Grenoble offre un territoire métropolitain, monocentrique, comparé autour de 6 critères : la configuration spatiale, l’offre de transport, le nombre d’aménités, les caractéristiques sociodémographiques, les budgets de temps et, naturellement, les données disponibles. Les légères différences, sous/surreprésentations dans l’un ou l’autre des domaines sont prises en compte et exposées dans un tableau synthétique (p 135).
S’en suit une enquête basée sur un entretien semi-directif auprès de ménages (couples avec au moins un enfant) dont le contenu montre une forte utilisation de la voiture, notamment en lien avec les contraintes de dépôt/récupération des enfants ; une vision négative (bouchons, fatigue) de cette mobilité quoi que variable selon les moments de la journée ; un transport en commun apprécié de par la possibilité de faire autre chose, son coût moins élevé, sa rapidité même si retards et grèves nuisent à son image ; des rythmes de vie soutenus mais assumés ; une gestion du partage des tâches précise pour que les couples tiennent dans la durée ; un recours au voisinage ponctuel pour les enfants si besoin et l’emploi d’une personne pour effectuer le ménage.
De quoi interpeller les décideurs publics et les aménageurs pour mieux accompagner ces nouvelles formes de mobilités mais aussi de quoi traiter de la prospective et des mobilités dans nos classes tant l’ouvrage est limpide et particulièrement bien construit et illustré. Le plan est clair, les introductions et conclusions de chapitres aident le lecteur à mémoriser le propos ; les figures sont nombreuses, variées et colorées ; le discours est très pédagogique. Une préface et une postface complètent idéalement l’ensemble.