L’IGN met à disposition en libre accès ce premier atlas des cartes de l’anthropocène avec comme sous-titre : Changer d’échelle pour pouvoir agir. Cela fait partie des missions de l’institut : « produire des cartes thématiques sur un nombre limité d’enjeux écologiques majeurs qui rendent compte des changements rapides du territoire et des conséquences sur l’environnement ».

L’ouvrage présente cinq thématiques : l’artificialisation des sols, l’état des forêts, les zones de biodiversité à protéger, l’érosion des côtes et les épisodes naturels extrêmes.

La carte comme révélateur des changements

Dans son éditorial Thomas LesueurCommissaire général au développement durable montre l’importance des cartes dans la formation d’un citoyen éclairé. Fournir des données géolocalisées pour permettre la compréhension des enjeux actuels et contribuer à construire des réponses.

Sébastien Soriano, directeur général de l’Institut national de l’information géographique et forestière, insiste sur l’omniprésence des données géolocalisées, smartphone par exemple. Il évoque l’intérêt de tout un chacun pour des expériences comme OpenStreetMap.

L’artificialisation des sols

Karine HurelGéographe et cartographe, déléguée générale adjointe à la Fédération nationale des agences d’urbanisme montre que l’artificialisation née de l’urbanisation et des infrastructures de transport a des conséquences sur la qualité des sols agricoles, la biodiversité, le réchauffement climatique ou l’aggravation des catastrophes naturelles. Son article porte sur la nécessité de changer notre vision de l’habitat, freiner l’urbanisation, remettre le sol au centre des préoccupations et pour se faire, elle mise sur les représentations 3D : LiDAR HD du pays de Saint-Emilion, le port de Marseille, la détection par intelligence artificielle du couvert au sol (ex Auch) et les données open-data d’occupation des sols qui permettent une mesure de l’artificialisation. Le but: permettre, grâce à l’Observatoire de l’artificialisation des sols, de promouvoir la sobriété foncière.

Une forêt en mutation

Manuel FulchironDirecteur adjoint à la direction des opérations et des territoires, responsable opérationnel forêt de l’IGN rappelle les fonctions de la forêt : un bien commun, un objet social pour la balade, un objet économique (exploitation de bois, résine, liège) et un ensemble de services environnementaux comme la captation du carbone (2e ressource pour la France après les océans, elle absorbe 83 millions de tonnes de CO2/an) ou la préservation de la biodiversité.

Si on dresse un bilan chiffré, depuis plus d’un siècle (carte p. 28), la superficie forestière augmente (31 % du territoire). Cependant, si la surface augmente, le volume de bois stagne, les atteintes (feu, sécheresse, bio-agresseurs) ont de plus en plus de conséquences. Aujourd’hui, il y a une nécessité : rendre la forêt plus résiliente : adaptation au changement climatique. Parmi les ressources que peut fournir l’IGN on trouve : une base de données, la carte forestière (p. 25) ; les photographies aériennes en infra-rouge qui renseignent sur les essences forestières en place (focus sur la châtaigner p.31).

Ces données permettent d’aller de l’inventaire à une véritable modélisation.

La biodiversité et ses refuges à la loupe

Laurent PoncetDirecteur du Centre d’expertise et de données sur le patrimoine naturel unité PatriNat MNHN-OFB-CNRS montre combien la biodiversité est, aujourd’hui, sous pression, avec dans certains des situations de point de rupture : « les données des programmes participatifs Vigie-Nature montrent que près de 30 % des populations d’oiseaux des milieux agricoles ont disparu » (p. 35). Il insiste sur la nécessité d’une prise de conscience et d’un devoir, pour les pouvoirs publics, de sensibilisation sur les espaces terrestres comme aquatiques (panorama de la biodiversité et des aires marines protégées, IGN 2020 extrait p. 36 et 37). Cartes de végétation, carte de suivi du bocage, carte de reboisement sont autant d’outils disponibles pour travailler à la préservation des continuités écologiques.

L’érosion des côtes

François SabatierMaître de conférence à Aix-Marseille Université, CEREGE UMR 7330, directeur du département géographie-aménagement-environnement à Aix-Marseille Université et directeur adjoint de l’institut Océan rappelle que si ce phénomène est ancien et observé depuis longtemps, il a des implications fortes pour le tourisme. L’observation du trait de côte permet des mesures d’adaptation et d’aménagement, d’autant que le bâti est, très souvent, trop proche du littoral mettant en péril certaines installations (ex la Grande-Motte en 3D p. 46). Le site IGN « Remonter le temps » peut être une intéressante source documentaire pour l’enseignement (ex la presqu’île d’Oléron p. 50-51).

L’anticipation du recul des littoraux est indispensable à la décision publique. Les dégradations côtières ont des conséquences tant sur les activités humaines que sur la biodiversité.

Les épisodes naturels extrêmes

Marie Carrega, de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique montre la nécessité d’agir sur les causes, de modifier nos modes de vie, ce qui sera possible si chacun est informé et comprend les enjeux.

L’IGN dispose d’outils comme la photographie aérienne pour mesurer les effets d’une catastrophe (Narbonne – feu de forêt 2018-2021, ou inondations Nemours en 2016). Le volet « risques » est très important tant dans la surveillance que dans la gestion de crise et la reconstruction comme le montre l’exemple de la vallée de la Roya en 2020 (p. 65).

Multiplier les sources de données pour piloter les transitions

Le programme LiDAR HD vise à réaliser en 5 ans une couverture Lidar à Haute Densité (10 pts/m² en moyenne) sur l’ensemble du territoire national, une opportunité pour répondre aux besoins de politiques publiques.

La géolocalisation, l’intelligence artificielle devraient permettre de cartographier les changements rapides et de donner à voir les phénomènes à un large public.

Des projets comme MapStyle (personnalisation des cartes), iTowns (visualisation 3D via le web), Macarte contribuent à mettre l’utilisateur au centre de la cartographie

 

Un petit atlas qui ouvre des pistes d’utilisation de la carte dans des études de cas.