Les archives publiques, les photographies, la presse, les films et documentaires, les témoignages permettent de comprendre la vie de certains individus et souvent d’entrer dans l‘Histoire par une histoire de vie singulière. C’est la découverte fortuite d’une boîte d’archives qui a permis à Philippe Secondy, Docteur en sciences politiques, de découvrir une grande partie de la vie de Joseph Laporte, né à Montpellier le 14 décembre 1892. C’est en recherchant des documents aux Archives Départementales de l’Hérault en vue de la réalisation d’une plaquette proposée  aux élèves de ce département qui participent au Concours National de la Résistance et de la Déportation que l’auteur a découvert une boîte portant la cote 796 W 97 contenant une chemise sobrement intitulée « activité d’un capitaine, secrétaire départemental de la légion des volontaires français et de la Milice (1918-1946) ». Ce document très particulier attire son attention, il s’agit essentiellement d’archives privées, de lettres, de photographies et de rapports nombreux.

Cet inconnu, c’est Joseph Laporte, condamné à mort par le tribunal militaire du Tarn en 1944.

La  découverte de ces archives privées va permettre à l’auteur de suivre la trace de cet homme depuis les tranchées de la première guerre mondiale, jusqu’à son engagement comme sous-officier dans l’infanterie coloniale affecté en Afrique équatoriale française et enfin à son adhésion corps et âme à l’idéologie nazie qui le fait participer à toutes les structures collaborationnistes existantes durant la seconde guerre mondiale.

La deuxième partie de l‘ouvrage intitulée « l’ensauvagement » est particulièrement intéressante et permet  de mieux comprendre comment on peut se complaire dans  la violence au service d’une idéologie colonisatrice et raciste. Joseph Laporte passera 11 ans entre 1922 et 1933 en Afrique Équatoriale française, fédération de quatre colonies depuis 1910, composée du  Moyen Congo, de l’Oubangui Chari, du  Tchad et du Gabon. C’est pour le soldat Laporte la découverte de l’Afrique mais aussi la possibilité qui lui est offerte de mieux se connaître et de donner enfin un sens à sa vie. Il devient chef de la subdivision de Baibokoum où il conduit un certain nombre d’opérations de « pacification », il a aussi la charge de la construction de voies de communication.

Pour le lecteur c’est une façon de mieux appréhender le système colonial français entre les deux guerres au moment de l’apogée de la colonisation mais aussi de mieux comprendre la façon dont certains militaires français s’appropriaient  leur mission. Pour Joseph Laporte, sa mission est sans conteste civilisatrice face à des populations qu’il considère comme inférieures. Son passage dans les colonies c’est aussi l’opportunité de sortir de son milieu d’origine et d’être élevé à un grade supérieur dans l’armée, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas en France métropolitaine.

Rentré en France, il fait valoir ses droits à la retraite en 1933, devient propriétaire terrien et milite à l’Action française puis au PPF, parti populaire français fondé et dirigé par Jacques Doriot. Dès  l’automne 1941, il intègre la Légion des volontaires français créée en juillet 1941 comme lieutenant avec l’envie d’être toujours dans une unité opérationnelle et de faire gagner les idées pour lesquelles il se bat avec conviction. Il fera partie de toutes les structures collaborationnistes durant la seconde guerre mondiale et se lancera avec une énergie incroyable dans la lutte contre les résistants et les maquisards.

Arrêté, incarcéré, il sera jugé et fusillé à Albi le 5 octobre 1944.

Ce livre passionnant est le parcours d’un homme simple confronté à la violence lors de la première guerre mondiale et qui ne parviendra jamais à sortir de cette violence. Elle semble pour lui tout au long de sa vie sa raison de vivre et d’exister.