Comment Gauguin percevait-il les mondes qu’il projetait de parcourir ? Qu’est-ce que Louis XIV attendait des globes qu’il commanda à Coronelli ? Quel regard sur le monde passe à travers une œuvre de fiction, bande dessinée, livre ou fantasy ? Voilà les questions auxquelles se propose de répondre cet ouvrage qui fait suite au colloque « Faire connaître les mondes en découverte », organisé les 14 et 15 octobre 2019 par la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, dans le cadre de l’exposition « Hors du monde : la carte et l’imaginaire » avec le soutien des laboratoires SAGE de l’université de Strasbourg et CESSMA de l’université de Paris. L’équipe qui a dirigé la publication de ces actes est elle-même pluridisciplinaires. Elle est composée de deux géographes (Jean-Luc Piermay et Patricia Zander), d’un sociologue (Philippe Hamman) et d’une historienne (Odile Goerg).
« La découverte est un acte social », est-il écrit dans l’introduction. Le présent ouvrage entend questionner le passage entre la découverte et le « porter-à-connaissance », entre le découvreur (Christophe Colomb) et l’inventeur (Amerigo Vespucci) ? Le volume est composé de quatre parties dont la partition n’est pas très claire. Dans « Soifs d’ailleurs », il est question d’envies d’ailleurs, de mondes imaginaires ; dans « Découvrir pour connaître », le propos est davantage de parler de la représentation de ce monde en découverte ; dans « Découvrir pour conquérir », la question est de traiter de l’expédition et des conquêtes ; enfin, dans « La découverte : quelques perspectives », d’autres ailleurs sont évoqués celui de l’intersidéral ou de l’infime.
Les diverses contributions permettent de faire apparaître toute l’épaisseur des enjeux sociaux et des jeux d’acteurs diversifiés qui se reflètent dans « faire connaître les mondes en découverte ». Partout le poids du politique, de l’imaginaire, des images et des cartes comme outils privilégiés pour entrer en relation et s’approprier les mondes, le poids des relations entre la société, les groupes sociaux, les individus et leurs redoutables rapports de force. Des mondes nouveaux se dessinent désormais grâce à des techniques qui défient notre imagination, sans que nous puissions en mesurer les effets individuels et collectifs. La conclusion est particulièrement signifiante et stimulante quant à l’analyse des contributions, somme toute assez inégales. Les mondes qui furent à un moment de l’histoire « nouveaux » et qui ont été abordés dans les contributions ont pu déstabiliser mais ont toujours amené à installer des repères individuels et collectifs pour créer de l’ordre dans le monde qui s’élargissait.
D’un monde que les récits de voyage, les cartes et les gravures contribuaient à enrichir tout en l’unifiant naîtraient aujourd’hui « des » mondes que les porter-à-connaissance parviennent difficilement à relier. Un vide inquiétant semble s’installer, constate les auteurs, celui de la pensée, une pensée humaine qui peine à lire un monde où l’insignifiance devient la règle. Reste alors l’imaginaire, imbriqué à l’espace conçu (celui des aménageurs) et l’espace perçu (pratiqué) pour faire écho à la trilogie connue d’Henri Lefebvre.