Les textes évoquent quelques réalités qui marquent le migrant : le déracinement vécu à travers le choc climatique, les rencontres sur la route, la frontière véritable personnage des récits de migration ou le voyage des femmes.
De l’approche littéraire des récits de Sylvie Kande La quête infinie de l’autre rive – Paris, Gallimard, “Continents noirs”, 107 pages et d’Abasse Ndione Mbëkë mi : A l’assaut des vagues de l’Atlantique – Editions Gallimard on retiendra la forme du récit épique donnant vie aux victimes de la traversée de l’océan et aussi le rapport à l’histoire mythique du roi malinké Bakary II dont l’expédition aurait atteint l’Amérique deux siècles avant Christophe Colomb. L’analyse littéraire rappelle que ces écrits reposent néanmoins sur un travail d’enquête sur les pirogues s’élançant de la côte sénégalaise vers une Europe fantasmée.
La seconde contribution s’enracine dans l’œuvre d’Ahmadou Kourouma qui évoque les migrations intracontinentales dans son roman les soleils des indépendances Editions du Seuil, Collection : Points. Il s’agit ici d’un récit sur les frontières et leur redéfinition entre colonisation et décolonisation.
Les rapports à l’espace sont repris à partir de récits de migrants qui montrent, dans l’imaginaire sénégalais, un espace spécifique : le Cap-Vert. Une occasion de qualifier les espaces de la migration : terre racine, territoire ressource, pays souvenir.
On lira avec intérêt une contribution sur un territoire à la fois d’émigration vers le Sénégal dans les années 1950-1970 puis d’immigration du Sénégal vers le Cap Vert dans les années 1990-2010. Une terre de population en voyage (traite, colonisation, exil lié aux sécheresses et aux famines) où se croisent trois histoires familiales. Cette situation particulière des Cap-verdiens permet d’entrer dans une nouvelle dimension : le lien pour le migrant et ses enfants avec la terre d’origine.
Le départ des jeunes Dakarois est l’objet d’une analyse non pas des motivations socio-économiques mais du désir d’émancipation que porte le projet de départ.
Deux contributions recherchent dans les chants l’expression de la migration. C’est d’abord au Cap-Vert un phénomène culturel et musical propre aux femmes qui restent sur l’Île de Santiago : le batuke qui témoigne d’une redéfinition des rôles et de la place sociale des femmes.
C’est ensuite la longue et riche contribution nombreux extraits de chanson sur la figure du migrant dans la chanson sénégalaise depuis les années 80. Les auteurs montrent une certaine continuité entre exode rural et migration vers un autre continent à travers la figure de l’émigré, symbole d’altérité, résumé aujourd’hui sous le vocable de Modou modou, vendeur à la sauvette que ce soit dans le secteur informel des trottoirs de Dakar ou sur nos marchés. Tantôt perçu négativement, tantôt vanté comme pourvoyeur d’argent, le voyage est alors rupture avec les attaches sociales et en même temps promotion sociale possible au service de sa communauté; le « devoir-voyage » selon les mots des auteurs évolue dans les années 2000 vers une interrogation : partir ou rester?
Le cas des Soninkés entre Mauritanie et Sénégal, migrants depuis le XVIIIème s. est abordé à travers les récits qui mettent en avant une communauté minoritaire, elle y puise et réécrit son identité. Cette communauté dans la vallée du fleuve Sénégal peuplée majoritairement d’Halpulaars est plus hétérogène que les textes le laissent à penser.
Le voyage d’études est une autre forme de déplacement très fréquente pour les jeunes sénégalais : recherche du savoir mais aussi de reconnaissance liée à la formation à l’arabe et à la religion musulmane. L’auteur développe une histoire des institutions d’enseignement islamique et des lieux qui constituent un véritable réseau transrégional et même transnational abordé à la fois dans le temps et grâce à une enquête sociologique de terrain, une occasion de découvrir les confréries présentes dans le pays.
La migration a été dans quelques cas une conséquence de la colonisation comme à Madagascar l’implantation d’une population d’Africains de l’Ouest généralement désignés sous le nom de Sénégalais. Ce phénomène est en relation avec l’usage par les autorités françaises des troupes coloniales connues sous le terme générique de « tirailleurs sénégalais » dans la répression des révoltes à Madagascar (1903-1905, 1947-1948).
L’image des migrants dans la presse marocaine est très liée aux enclaves de Ceuta et Melilla. L’analyse de cette image montre malgré quelques évolutions qu’elle est marquée par l’histoire des relations diplomatiques du Maroc avec les pays voisins.