Dans ce livre coordonné par Mickaël Augeron il est question de mémoire des ancêtres, de reconstruction mémorielle et d’histoire de de l’influence du protestantisme français sur les sociétés du continent américain, Amérique du Nord comme Antilles et Brésil.
Dans son introduction Mickaël Augeron rappelle que si les huguenots furent peu nombreux dans l’aventure américaine leur souvenir est plus fort sur la côte Est des États-Unis qu’aux Antilles ou au Québec où la domination catholique a gommé leur rôle. Il montre que leur histoire est à la rencontre des travaux des historiens mais aussi des généalogistes et associations des descendants qui jouèrent un rôle prépondérant dans les commémorations qui se sont développées au cours du XXe siècle pour célébrer les pères fondateurs même si le ton est souvent hagiographique.
A noter, pour les professeurs de DNL que dans chaque partie un article est en anglais.
Mémoires ravivées
Dans cette première partie on retrouve les tout premiers aventuriers partis de Normandie ou de Vendée pour une installation en Amérique. C’est d’abord le récit des mésaventures de Jean Ribault face aux Espagnols sur la côte de Floride (1520-1565) mis en valeur patrimoniale à Jacksonville.
C’est ensuite un article en anglais qui traite de la mémoire des « réfugiés huguenots » un siècle après la Révocation. Dispersés dans les colonies anglaises, ils participent à l’histoire américaine, lors du traité de Paris en 1783 deux des négociateurs John Jay et Henry Laurens sont d’ascendance protestante ; s’ils ont contribué aux débuts des relations franco-américaines ils sont considérés comme des pionniers fondateurs de la nation américaine.
L’article suivant restitue à Pierre Dugua, seigneur de Mons son rôle dans les premières installations en Acadie puis du Québec comme initiateur de ces voyages puis financier des premiers colons. Le souvenir de ce protestant ayant été au Québec effacé au profit de son cartographe Champlain qui s’étant converti au catholicisme a été retenu dans l’historiographie comme premier colonisateur de la Nouvelle France.
Mémoires refoulées
Ce sont d’abords aux Antilles que l’on peut parler de refoulement. Les protestants furent nombreux dans les premières mises en valeur, membres des grandes compagnies de commerce (Compagnie des Isles d’Amérique, Compagnie des Indes Occidentales). Après l’arrivée des Hollandais ils sont à l’origine du système sucrier. Mais leurs traces ne subsistent guère que dans les patronymes notamment en Guadeloupe.
Sur la côte du Massachusetts on retrouve la trace ténue du pasteur Ézéchiel Carré, originaire de l’île de Ré. Ce ministre huguenot qui n’a pas laissé de famille est connu pour deux ouvrages (en français et en anglais) qui relate l’expérience huguenote dans un contexte plus mondial.
Au Surinam, le lecteur découvre Jean Nepveu arrivé à Paramaribo en 1723, gouverneur de la colonie en 1770. Il appartient à une famille de planteurs et a marqué l’architecture même de la ville et la société locale notamment lors de violences contre les esclaves en fuite. Il semble avoir adopté une identité néerlandaise (ses mariages) alors que ses enfants ont revendiqué aux ancêtres huguenots.
Mémoires mythifiées
Cette partie met en évidence l’aspect apologétique de nombreux écrits du XXe siècle concernant les Huguenots dans les Amériques, chez des auteurs qui trouvent dans ces recherches un écho à leurs propres valeurs.
En Nouvelle France si certains Huguenots pensaient trouver une terre où pratiquer leur religion, les motifs de migrations sont parfois tout autre, leur ardeur à la pratique religieuse pas si évidente. Ils se sont souvent intégrés dans la population sans difficultés malgré l’image qu’en ont parfois donnée les historiens, comme le montre la famille Perron pris en exemple dans cet article.
La question du mythe se pose pour le personnage de Maria Susanna du Plassis , fut-elle la plus cruelle des propriétaires d’esclaves du Surinam, comme le veut la tradition orale ?
C’est à une autre légende, plus connue, qu’est consacré l’article suivant : David Crockett. Si dans les années 1920 on lui attribue des ancêtres huguenots, il serait le descendant d’un Languedocien persécuté sous Louis XIV et nommé Crocketagne ce sont les sociétés huguenotes des États-Unis qui en ont fait leur héros représentatifs des éléments fondateurs de la nation américaine : l’exil, le refuge, la Frontière.
Mémoires valorisées
Depuis quelques années la valorisation patrimoniale est à la mode notamment en Caroline du Sud et en Floride avec plus ou moins de succès, ce que Mickaël Augeron nomme la « huguenotisation » des territoires, évolution portée par les associations de descendants de protestants français.
Les différents articles de cette ultime partie ravive la mémoire de Louis Dubois, lillois ayant émigré avant la révocation vers l’Allemagne avant de tenter l’aventure américaine et contribuer à la fondation de New Platz dans l’actuel État de New York (1677) où des maisons coloniales du XVIIe siècle existent encore, véritable musée à ciel ouvert et destination touristique.
En Caroline du Sud on trouve la maison Guillebeau, dans la colonie de New Bordeaux, où une petite communauté s’est installée en 1764 pour cultiver la vigne et élever des vers à soie. Depuis 1854 des commémorations rappellent la mémoire de ces Huguenots.
Le dernier chapitre traite du palais Dupeyrou, on est cette fois à Neufchâtel où il fut construit dans la seconde moitié de XVIIIe siècle par Pierre-Alexandre Dupeyrou, dont les ancêtres originaires de Bergerac. C’était une famille de grands planteurs esclavagistes en Guyane néerlandaise, la valorisation de ce souvenir n’est pas sans ambiguïté et controverses.
Des articles variés qui remettent en lumière les destins divers de ces Huguenots qui ont tenter l’aventure américaine.