Formidable est une biographie, sous forme de roman graphique, de Jack Lang mais également par extension, du trio qu’il forme avec sa femme et avec feu François Mitterrand.
S’attaquer à l’ « un des derniers crocodiles de la mitterrandie (comme le dit Dorothée de Monfreid) », ça n’est pas rien.
Et pour cause, et de manière justifiée, Jack Lang reste, aux yeux d’un large public, l’une des grandes incarnations de la fonction de ministre de la culture avec André Malraux.
Le propos débute sur l’image de François Mitterrand brandissant la rose à destination d’une foule compacte sur le parvis du panthéon, le 21 mai 1981. Lang se trouve juste derrière et il confie d’emblée que cela aurait pu tourner à la catastrophe (en raison d’une absence d’organisation en matière de sécurité).
Celui qui a été durant de nombreuses années le ministre de la culture de son mentor, égrène avec complaisance sa vie au fur et à mesure des questions qui lui sont posées (la biographie est basée sur des entretiens réalisés entre septembre et décembre 2022).
Résidant à Nancy durant sa jeunesse, mendésiste ayant adhéré au PSU, Jack Lang entrera pour la première fois en contact, de manière épistolaire, avec François Mitterrand à l’occasion de l’affaire de l’observatoire.
La jeunesse du futur ministre, c’est également le théâtre. D’abord une troupe montée en 1961 qui lui permet de voyager partout dans le monde en compagnie de sa femme, puis le « festival mondial du théâtre de Nancy » dont il est, pendant vingt ans, l’organisateur (Mitterrand se rendra sur place en 1975 et 1977).
Adoubés par le futur président, les Lang se rendent à Latché, dans la résidence landaise des Mitterrand et font désormais partie du cercle des intimes (on apprend à cette occasion que Mitterrand conduisait fort mal, fort vite et sans ceinture).
Jack Lang prend une part active dans la campagne de 1981 et, après la victoire, se retrouve rue de Valois. Parmi les grandes mesures insufflées ou portées par Lang tout au long de sa mandature, les auteurs ont choisi de revenir de manière détaillée sur la bataille du prix unique du livre (dont le bilan positif n’est plus à démontrer), la fête de la musique ou les grandes réalisations architecturales parisiennes. On trouvera toutefois des contempteurs à la politique culturelle ainsi menée, notamment Louis Pauwels, patron du Figaro Magazine ou encore Alain Finkielkraut qui, dans le roman graphique (p.69) et à propos du défilé du Bicentenaire de la Révolution, prononce les mots suivants : « Jack Lang, champion toutes catégories de la démagogie lyrique, le Sully Prudhomme de la culture hip-hop ».
« Superstar » et coqueluche des artistes, Jack Lang restera fidèle jusqu’au bout à François Mitterrand (Monique Lang reconnaît qu’il entretenait avec lui une relation quasi filiale. Il y aura très peu d’ombres au tableau dans la relation entre les deux hommes, la brouille la plus sévère étant liée à Berlusconi et à sa chaîne de télé, « la 5″).
Roman graphique d’une grande intelligence, le support regorge d’une foule d’anecdotes et génère souvent de larges sourires (à l’instar de cette affiche de campagne où Mitterrand apparaît au devant d’un village avec le slogan « un nouvel élan » et où le futur président socialiste trace lui même des andouillers de chaque côté de son crâne).
Jack Lang, à la page vingt-huit de la bande dessinée, s’écrit : « votre livre va être vraiment important pour parler à la jeune génération, qui a entendu parler de moi dans les livres d’histoire ». Ce à quoi l’un des scénaristes répond « ça doit être terrible, ça, non ? » et obtient pour réponse un malicieux : « c’est pas si mal… ».
Gageons que jeunes, et moins jeunes, feront de cet intelligent opus un ouvrage supplémentaire auquel se référer avec plaisir pour entendre parler d’un grand Ministre de la culture.