Bénédicte Vergez-Chaignon est docteur en histoire. Spécialiste de la seconde guerre mondiale et de l’Occupation, elle est l’auteure de plusieurs ouvrages consacrés à cette période dont une biographie de Pétain en 2014 récompensée par le prix de la biographie politique et le prix de la biographie du Point. En 2022, aux éditions Flammarion, elle a publié « Colette en guerre 1939-1945 » et aussi « Les Français dans la guerre- Archives du quotidien 1940-1945« . C’est ce dernier ouvrage qui nous a été proposé à la lecture.
Ce livre écrit-elle en guise d’introduction, nous ramène sur un terrain lointain et familier à la fois celui de l’histoire des Français durant ces années si particulières de la seconde guerre mondiale. Un passé peut-être moins abstrait aujourd’hui après avoir connu il y a peu le couvre feu, les autorisations de circulation, la peur de la pénurie … à l’occasion de la première crise de la covid 19. Pour ce faire, plus de 250 documents y sont présentés. Ces archives illustrent ce que fut le quotidien des Français dans leur diversité de 1940 à 1945. La plupart, précise l’auteure, sont originales et inédites mais s’y sont glissées quelques « classiques » comme l’Affiche Rouge ou encore l’Etoile Jaune, une photographie de La poignée de main de l’entrevue de Montoire. Leur provenance est précisée pour chacun d’eux à la fin de l’ouvrage : Archives Nationales, Archives du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon…
Les archives occupent l’essentiel des 225 pages du livre. Les documents choisis sont de nature diverse, variée, rare peut-être comme ce foulard de soie à l’effigie du Maréchal : des photographies, beaucoup de photographies en grand format parfois (rarement) en couleur du Maréchal Pétain, du gouvernement ou d’anonymes (miliciens, résistants…) des scènes de rue… mais aussi des Unes de journaux, des tracts, des affiches, des notes d’hôtel, des bons-points du Maréchal, des lettres mais aussi des rapports de préfet comme le rapport officiel établi par le préfet régional sur le déroulement du massacre d’Oradour sur Glane (p141-143), des pétitions … Cependant, parfois, il faut le déplorer, les documents sont difficiles à lire à cause de la taille de la reproduction ainsi sont, nous semble t’il, les documents p 64-65, p 87, p 173 ou encore p 179 par exemple.
Nous nous attendions à la découverte de l’ouvrage, à la lecture du quatrième de couverture à ce que les archives soient peut-être moins abondantes mais à ce que chacune soit analysée, contextualisée, critiquée etc. par l’auteure à l’instar de ce que l’Histoire par l’image propose en quelque sorte. Il n’en est rien . Au lecteur, s’il le désire de faire le travail comme l’historien qui découvre une archive, un témoignage du passé. Pour l’y aider, Bénédicte Vergez Chaignon nous propose, parallèlement, un récit de ce que furent ces années de guerre en France depuis la défaite jusqu’au procès du maréchal Pétain. Le texte est bref, synthétique, complet, structuré, truffé d’extraits de documents -encore- et de détails très illustratifs. La complexité de la situation tant politique que administrative ou sociale, voire sociétale, l’ambivalence des sentiments, les diverses difficultés rencontrées par les Français sont parfaitement sensibles, palpables. De quoi satisfaire la curiosité inextinguible que suscite la France de Vichy comme l’auteure le rappelle en guise de conclusion .
Vu l’abondance et la rareté des documents présentés, vu la qualité du récit et aussi la présence d’une chronologie et une bibliographie d’une brièveté remarquable (19 dates- 9 titres dont 7 postérieures à 2010), vu aussi, pour finir, son esthétique (un coté rétro et l’emploi de papier recyclé semble t-il) ce livre peut séduire un large public novice ou averti.