Le photographe Thibaut Cuisset, décédé en 2017, a publié plusieurs recueils de photographies1. S’il était peu connu du grand public, il était apprécié des professionnels de la photographie, galeristes2, éditeurs.
Cet ouvrage posthume réunit des plus de deux cents clichés pris dans différentes régions françaises entre 1994 et 2016 qui paraît simultanément en anglais et en français3.
C’est le regard personnel du photographe qui ressort, son point de vue. Pas de paysages typiques ou de carte postale, pas de nostalgie non plus. Le paysage est souvent banal, vide d’hommes ou presque mais pas vide de traces humaines (maison, poteaux indicateurs, ponts, champs).
Chaque photographie est localisée, pas toujours très précisément et datée, sans titre ni commentaire. Ce n’est pas un portrait des campagnes françaises mais plutôt des paysages entrevus comme par la fenêtre d’une automobile dans un déplacement lent dans l’espace.
Le choix d’un classement chronologique amène à des retours vers des espaces déjà vus mais l’idée de les situer en grandes régions administratives conduit à des confusions, le chapitre Auvergne-Rhône-Alpes4 réuni des photographies du Massif central de la Haute-Loire à l’Aveyron, dans le chapitre de 2013 intitulé Provence-Alpes-Côte d’azur5 on passe par par le col du Galibier (versant Savoie), puis celui de l’Iseran, Beaufort et le col du Joly (Haute-Savoie).
Le travail de Thibaut Cuisset, même s’il a collaboré à des projets d’aménagement est une vision personnelle même s’il constitue un travail documentaire qui propose des clichés à lire, à décrypter.
De la Bretagne on retiendra des paysages entre tradition et lotissements, une campagne agricole avec la mer comme horizon.
La Corse, vide d’hommes entre maquis et mer précède le Val de Loire où domine le fleuve quand les Hauts-de-France se caractérisent par des grands champs et leurs installations (silos, cours de ferme) et platitude du relief.
La Normandie est un espace rural de prés et de champs mais sans bétail, de routes et villages avant de rejoindre la Seine.
L’Occitanie, en fait le Languedoc est marquée à la fois par le vignoble et les traces anciennes du bâti ; les bords de l’étang de Thau annoncent le tourisme.
En Auvergne Rhône Alpes, c’est la vision d’une campagne plutôt boisée et parfois enneigée, alors que les photographies de Provence-Alpes-Côte- d’azur évoquent la chaleur avec les jeux d’ombre, des espaces presque abandonnés : La Bouilladisse (malgré ses 6000 h.), les étangs de Vaccarès. Même le cliché de Port Saint-Louis du Rhône semble vide malgré la silhouette de quelques éoliennes et les traces ténues des industries à l’arrière-plan.
Le parcours de 2016 en Provence-Alpes-Côte-d’azur conduit du col de la Bonnette-Restefond, marqué par l’abandon aux étroites vallées des Alpes du sud et à un champ de lavande mais après récolte, pas l’image carte postale des moutonnements bleues des lavandes.
Le grand-Est est vu dans Sundgau entre vignes et industrie.
Le dernier voyage ramène le lecteur dans les Hauts-de-France entre platitude et industrie dunkerquoise.
Voilà un travail très personnel de Thibaut Cuisset, plus artistique que documentaire, qui pourra être proposé à des élèves de lycée pour aiguiser leur regard, pour initier un questionnement, par exemple cette photographie de Mardick p. 242 mais qui ne donnera pas d’image d’illustration d’un cours sur le monde agricole français.
___________________________________
11993. Paysages d’Italie, Rome : Villa Médicis, 1993 – Campagne japonaise, Trézélan : Filigranes, 2002 – La Rue de Paris, Trézélan : Filigranes, 2004 – Le Dehors absolu, Trézélan : Filigranes, 2005 – « Moscou, été 2007 », Les Cahiers de l’École de Blois, n° 8, « La ville entière », 2010 – Nulle part ailleurs. La Bouilladisse, Marseille : Images en manœuvres, 2011 – Le Fleuve Somme, Montreuil-sur-Brèche : Diaphane, 2018 – La Photographie contemporaine, Paris : Flammarion, 2010
3C’est la version anglaise qui a été envoyée en service de presse
4Pages 132 à 151
5Pages 186 à 192, même si chaque cliché est restitué en Auvergne-Rhône-Alpes)