En 2014 l’OUA votait une résolution rappelant l’intangibilité des frontières africaines : « Considérant que les problèmes frontaliers sont un facteur grave et permanent de désaccord, consciente de l’existence d’agissements d’origine extra-africaine visant à diviser les États africains, considérant en outre que les frontières des États africains, au jour de leur indépendance, constituent une réalité tangible, [la conférence] déclare solennellement que tous les États membres s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance. »1, principe peu remis en cause depuis les années1960. C’est cette appropriation de l’héritage colonial que veut montrer Michel Foucher : réalités des frontières et dynamiques de terrain, interface des réseaux marchands.

Le principe de l’intangibilité

Ce principe a été énoncé au Caire en 1964 est néanmoins incomplet (Maroc-Sahara occidental, Somalie). Pourtant ces frontières sont récentes, elles ont été définies entre 1885 et 1909 pour leur très grande majorité, après la Conférence de Berlin entre les puissances coloniales. Le tracé s’appuie largement sur le réseau hydrographique ou sur des lignes géométrique sans rapport avec les populations ; les configurations ethniques ne sont prises en compte que dans 1/6 des cas. L’auteur analyse la genèse et les principes de ces frontières.

Les ajustements depuis 1963

Ces ajustements sont nés de nombreux petits conflits et de l’imprécision même des tracés dont l’auteur dresse un inventaire à retrouver sur la carte page 4.2

Des solutions juridiques et politiques au règlement des contentieux

Certains conflits depuis 1963 ont été portés devant la Cour internationale de justice quand d’autres ont fait l’objet de négociations bilatérales. La solution est souvent un statu quo, des ajustements mineurs ou des accords de gestion en commun des ressources mitoyennes.
Des problèmes non résolus demeurent : Sahara occidental, différent Djibouti/Érythrée, tensions Rwanda/RDC de même que les contours flous du Soudan du Sud.

Du bon usage des frontières africaines : ressources interfaces et voies de passage

Les frontières linguistiques, ethniques, économiques étant différentes des frontières étatiques la frontière est un « continuum ». Les populations jouent de cette réalité3. On constate une intense circulation d’autant que certains États sont des entrepôts sur des voies d’approvisionnement (Togo, Bénin, Djibouti..). Il existe des villes frontières, lieu d’échanges de productions de base mais aussi lieu de trafics ; avec une société sui vit de la frontière : marchands, transporteurs, douaniers, militaires. L’auteur montre le rôle très important des taxes douanières dans l’économie des États4. Il évoque les grands ports comme Mombasa, Abidjan d’autant que les projets d’intégration économique régionale avancent5.

Le continent en voie de défragmentation

En s’appuyant sur un rapport de la Banque mondiale daté de 2010, Michel Foucher aborde ici les flux transfrontaliers informels et les freins au développement des échanges officiels dans une Afrique marquée par une forte dynamique de transformation. Il note la croissance des flux de la campagne vers la ville liée à l’urbanisation croissante. Mais si les échanges sont sont surtout extra-africains une amélioration des régimes frontaliers favoriseraient les échanges en abaissant notamment les temps de transit.

Une pensée géopolitique de réaffirmation des frontières

L’auteur note la nécessaire réaffirmation sur le terrain des frontières. Plus de 13 000 km sont en travaux dans le cadre de la Commission des frontières de l’OUA alors que des conflits surgissent comme les frontières maritimes du delta du Niger riche en hydrocarbures. Les frontières souvent des régions périphériques mal intégrées sont le lieu de foyer de rébellion6. On constate les limites de la politique de la Commission de l’Union africaine de 2007.

Les frontières d’Afrique devenues des frontières africaines

L’auteur interroge la notion de frontière sur un continent où les logiques de réseaux des populations migrantes et les faibles densités sont un enjeu dans le contrôle étatique des périphéries. Ces difficultés ont contribué à la présence dans de nombreux conflits la la force onusienne7 et à une politique d’intervention de l’Union africaine. Cela questionne sur la capacité des États à contrôler des frontières délimitées pour aller vers une intégration régionale.

Les États africains et leurs frontières : enjeux régaliens

Une « bonne frontière » est ouverte mais contrôlée8. Les frontières sont un des enjeux sécuritaires des États africains, tant pour la sécurité des populations que pour la lutte contre le terrorisme sur un continent où la logistique entre capitales et frontières est un défi permanent d’autant que la cartographie est souvent inachevée. Ces périphéries sont souvent des sanctuaires pour des groupes armés (frontière Burkina Faso / Mali / Niger ou rives du lac Tchad) ce qui a conduit à la création du G5 Sahel.

En guise de conclusion on peut reprendre cette phrase de Michel Foucher : « En même temps une frontière bien gérée est une des conditions du développement, dans un monde plus ouvert. C’est la condition d’une Afrique souveraine. »9

 

Une petite bibliographie complète l’ouvrage et pourra être utile aux candidats aux concours.

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1 Cité p. 5

2 Sur ces sujets voir la conférence du festival de géopolitique de Grenoble : Le défi de l’intangibilité des frontières africaines (1964-2014)

3 Sur ce thème voir la conférence du festival de géopolitique de Grenoble : Afrique : vers une nouvelle configuration territoriale

4 Tableau p. 39

5 Sur ce thème voir la conférence du festival de géopolitique de Grenoble : Afrique de l’Ouest: frontières intangibles et intégration sous-régionale

6 Sur ce thème voir la conférence du festival de géopolitique de Grenoble : Tchad, Soudan, Libye : guerres sans frontières ?

7Tableau p. 62

8 Sur ce thème voir la table ronde du festival de géopolitique de Grenoble : Nature des frontières ? Sont-elles refuge, ouvertes ou fermées ?, avec Michel Foucher, Emmanuel Ruben et Olivier Weber, animé par Eric Fottorino

9Cité p. 74