« Si l’enjeu principal consiste, dans les régions intertropicales et boréales, à lutter contre la déforestation et la dégradation des ressources forestières, les forêts et les forestiers des régions tempérées se voient soumis à des objectifs qui peuvent paraître contradictoires : augmenter la captation du carbone atmosphérique pour accroître la séquestration dans la biomasse et dans les sols tout en fournissant une part croissante des ressources nécessaires à la production des biens matériels et de l’énergie dont les sociétés humaines ont besoin, et renouveler progressivement les forêts pour leur permettre de s’adapter aux conditions climatiques de demain. »1

C’est à ces enjeux qu’est consacré cet ouvrage collectif issu d’une étude réalisée par l’Inra, expertises scientifiques et analyses prospectives.

Rôle des filières forêt-bois dans l’atténuation du changement climatique

Les écosystèmes forestiers jouent un rôle majeur dans l’évolution du climat, par leur importance dans le cycle du carbone : 4 milliards d’hectares dans le monde qui représentent 31 % des surfaces terrestres soit 60 à 75 % du carbone de la biomasse végétale continentale. Les auteurs présentent à grand trait le cycle du carbone et le rôle des activités humaines. (intéressant croquis p.15)

Pour la France, La forêt métropolitaine s’étend sur 16,7 millions d’hectares, soit 30 % du territoire. Une superficie en augmentation, un doublement depuis le minimum historique vers 1830. Les auteurs dressent un tableau de cette forêt : nature des boisements, place dans le paysage, privée ou publique et de la filière bois, encore largement artisanale.

Enfin les grandes lignes leviers forestiers d’atténuation du changement climatique sont décrits : séquestration carbone d’environ 70 Mt /an. Quelle orientation choisir à partir de quatre leviers

• le stockage de carbone dans l’écosystème ;

• le stockage de carbone dans les produits à base de bois ;

• la réduction des émissions de CO 2 des activités humaines en substituant des produits à forte capacité d’émissions par des produits à base de bois sous forme de matériau ;

• la réduction des émissions de CO 2 des sources d’énergie en substituant les énergies fossiles par du bois-énergie.

Comment évaluer ces politiques ?

L’étude se limite à l’étude en France métropolitaine à l’horizon 2050.

Le bilan carbone actuel de la filière forêt-bois

Capacité d’atténuation des compartiments de la filière forêt-bois

L’ouvrage décrit les modes d’évaluation du stockage de carbone dans l’écosystème forestier, en fonction de la nature du boisement, dans le bois mort et dans les sols forestiers à partir des études de l’ONF.

Une autre de source de stockage existe dans les produits du bois (charpentes, meubles…), difficile à évaluer du fait de la durée de vie des produits estimée à 20 ans pour le bois d’œuvre et de 5 ans pour le bois d’industrie. Les hypothèses permettent d’estimer les stocks en 2016 à 300 pour le bois d’œuvre et 80 MtCO 2 eq pour le bois d’industrie.

Enfin il s’agit d’évaluer les émissions de gaz à effet de serre évitées par substitution du bois à des énergies ou matériaux plus polluants. Si le bois énergie semble assez facile à chiffrer c’est beaucoup plus diversifié et complexe pour les matériaux.

Bilan carbone actuel de l’ensemble de la filière forêt-bois française

On constate un bilan carbone déjà important en mesurant l’écart entre accroissement et prélèvement, ce bilan est estimé à 88 MtCO 2 eq/an (Croquis p. 42).

Les facteurs d’évolution du bilan carbone se déclinent selon les modes de gestion forestière dynamique des peuplements, plus un arbre est vieux plus il stocke du carbone. Les auteurs montrent des biais dans les calculs : bois importés et exportés mal pris en compte.

L’évolution est aussi soumise à l’évolution du climat lui-même : impact du changement climatique sur la croissance des arbres comme aux choix en matière de mix énergétique et à la place du bois comme matériau de substitution.

Bilans carbone et effets économiques de trois scénarios de gestion forestière à l’horizon 2050

Trois scénarios de gestion forestière ont été élaborés pour étudier les différents leviers d’atténuation des émissions de CO 2 (puits forestier, stockage de carbone dans les produits bois, effets de substitution).

Trois scénarios de gestion forestière à l’horizon 2050

Les auteurs décrivent ces trois scénarios, un tableau de synthèse permet une comparaison rapide (pp. 52-53).

Le premier se caractérise par une extensification et un allégement des prélèvements », dans certains cas on parle même d’un abandon de la gestion pour une partie des forêts, processus, déjà bien engagés en haute montagne, avec comme objectif de s’appuyer sur la capacité naturelle de la forêt à s’adapter par opposition à la gestion « agronomique » de la période d’après-guerre.

Le second scénario vise à des « Dynamiques territoriales » : force de la demande sociétale en biomasse (agroécologie, écotourisme, économie circulaire) mais, le vieillissement des peuplements en place, les accidents sanitaires liés au changement climatique et les faibles capacités de la filière (faible récolte et stockage, renouvellement par régénération naturelle) pourraient conduire à une évolution moins favorable.

Enfin dans le troisième scénario on parle d’« Intensification et augmentation des prélèvements » dans un contexte d’augmentation de la consommation des bois feuillus, les innovations technologiques, les démarches de normalisation et d’investissements des multinationales étrangères comme des filières industrielles françaises. Les auteurs décrivent une autre gestion forestière qui prévoit prévoit une augmentation progressive des prélèvements jusqu’en 2050 et un programme de plantations à haute productivité.

L’étude vise aussi à évaluer la plausibilité des scénarios de gestion et du plan de reboisement de ces trois visions très contrastées de l’avenir de la forêt en fonction des freins et des leviers de réalisation. Les auteurs montrent notamment l’intérêt et limites du plan de reboisement

Bilans carbone des stratégies de gestion forestière à l’horizon 2050

Ce chapitre vise à dresser le bilan selon le scénario choisi.

Les auteurs décrivent les niveaux de prélèvement, les variations du stockage de carbone sur pied en forêt (croquis p. 74), si la croissance du stock pour les trois scénarios semble assurée jusqu’en 2030/2035 à plus long terme les résultats semblent moins sûrs.

Par contre ils constatent le faible poids du stockage de carbone dans les produits bois. Quel que soit le scénario la répartition serait d’environ 38 % pour le bois-énergie, 28 % pour le bois d’industrie et 34 % au bois d’œuvre. Enfin ils tentent d’évaluer les émissions évitées par substitution.

En conclusion un bilan carbone largement positif, mais divers selon les hypothèses retenues.

Freins et leviers économiques à la mise en œuvre des scénarios de gestion forestière

Ce chapitre tente une approche économique des différents scénarios en opposant les deux extrêmes « Extensification » et « Intensification »

En matière de comportements des acteurs on constate une gestion passive ou très proactive. Si les prélèvements sont assez proches divers facteurs influent : incitations économiques (subvention pour les chaudières bois-énergie par ex), l’évolution de la demande, la capacité d’investissement des filières de transformation du bois-industrie.

Les auteurs tentent une évaluation de l’évolution de l’équilibre emplois-ressources de la filière à l’horizon 2050 de des impacts de l’intensification de la gestion sur les résultats économiques de la filière.

Effets d’une aggravation du changement climatique ou de crises majeures sur les bilans carbone à l’horizon 2050

Cette troisième partie intègre à la réflexion un nouvel élément le poids du changement climatique dans ces évolutions.

Effets d’une aggravation du changement climatique

Selon les scénarios définis par le GIEC les effets varient. Les auteurs ont choisi pour leur étude le scénario le plus pessimiste le RCP-8.5 qui pourrait conduire à un réchauffement global compris entre + 2,6 °C et + 4,8 °C.

L’impact sur la productivité des forêts est à mettre en relation avec les effets sur la photosynthèse conduisant à un arrêt de la croissance du feuillage des arbres et du sous-bois. L’impact de la sécheresse se mesure par les anomalies de productivité, variables selon les essences. On va donc vers un moindre stockage de carbone dans l’écosystème (croquis p. 112).

Il est de même du stockage dans les produits du bois et pour les effets de la substitution (graphiques p. 116)

Estimation des impacts de crises forestières majeures

Depuis cinquante ans, les tempêtes et les incendies, en Europe comme dans le monde , ont modifié les modes traditionnels de gestion.

Il est donc important d’ingérer les crises dans les études (fréquence et intensité de l’aléa, vulnérabilité du système, impact écologique et socio-économique).

L’étude s’appuie sur trois exemples : en 2003 des incendies consécutifs à la sécheresse, les tempêtes qui s’accompagnent d’attaques de scolytes et d’incendies en 1999, les invasions biologiques sur les chênes ou les pins. Des données prospectives sont proposées pour la période jusqu’en 2050.

 

En conclusion les auteurs reviennent sur la démarche utilisée et son originalité mais aussi sur les investigations scientifiques complémentaires à envisager.

 

Un ouvrage technique sur lequel les enseignant pourront s’appuyer pour la dimension prospective.

Annexes

Détermination des surfaces concernées par le plan de reboisement du scénario « Intensification »

Choix des zones à intégrer dans un plan de reboisement

Affectation des essences dans les strates

Références bibliographiques

Liste des auteurs et experts scientifiques de cet ouvrage.

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1 Cité dans la préface de Daniel Bursaux, directeur général de l’IGN et Philippe Mauguin, président-directeur général d’INRAE, p. 7