Pour la préparation des concours (CAPES et Agrégations d’Histoire et de Géographie), les éditions DUNOD-Armand Colin (HACHETTE livres) ont publié plusieurs ouvrages (dans différentes collections : collection U et Horizon chez Armand Colin et Je prépare chez DUNOD) sur les espaces du tourisme et des loisirs. Ils se révèlent assez complémentaires.
Lors de la préparation d’une question de concours, la première étape consiste souvent à défricher le sujet pour en cerner à grands traits les principaux cadres. Pour les espaces du tourisme et des loisirs, le numéro de La Documentation Photographique écrit par Philippe DUHAMEL (Le tourisme, lectures géographiques) fera parfaitement l’affaire. Il s’agit ensuite, dans un second temps, de s’appuyer sur un « manuel » qui permet à la fois de préciser les termes de la question et de la problématiser avant d’approfondir et d’organiser les connaissances. Pour moi, l’ouvrage de Philippe DUHAMEL (Géographie du tourisme et des loisirs – Dynamiques, acteurs, territoires) dans la collection U chez Armand Colin peut être un bon choix car il présente de nombreuses qualités : les références et les exemples sont nombreux ; le discours est construit ; la bibliographie est à la fois nourrie et raisonnable. L’auteur est professeur de Géographie à l’université d’Angers et directeur du Département « Tourisme et Loisirs ». Il a présidé la Commission de géographie du tourisme et des loisirs de 2011 à 2017 et dirige actuellement le Festival international du Tourisme d’Angers.
Dans l’introduction, Philippe DUHAMEL rappelle que le tourisme est devenu un fait mondial, un « genre commun » (LUSSAULT). Il est à la fois la cause et la conséquence de la mondialisation. Il est particulièrement important de s’intéresser à la production des lieux touristiques, systèmes spatiaux et sociaux fluides et ouverts dans lesquels les loisirs prennent toute leur place. Les effets sur les espaces concernés sont nombreux et intenses, pouvant générer des conflits entre la multitude d’acteurs concernés. Un point épistémologique rappelle toutefois que l’approche géographique du tourisme est relativement récente.
Le chapitre 1 (Touristes et tourisme) traite de l’émergence du tourisme. Le mot apparait en 1811 en anglais (en référence au Grand Tour) et 1841 en français. Réservés d’abord à une élite, tourisme et loisirs se sont peu à peu démocratisés avec l’augmentation du temps libéré et l’explosion des mobilités. Se pose alors la question épineuse des définitions. Il existe des définitions officielles, statistiques du tourisme, des touristes (OMT, Eurostat, INSEE) peu opérantes en géographie. Le recours au concept d’habiter se révèle alors fécond. Habiter touristiquement le Monde signifierait alors partir à la recherche d’altérité, exprimée par le différentiel entre lieux de départ et d’arrivée. Plus simplement, pour Rémy KNAFOU (MIT), il s’agit d’une « recréation » par le déplacement.
Le chapitre 2 propose une Géohistoire des pratiques et des lieux touristiques. Les pratiques touristiques varient considérablement selon la lecture de la valeur d’un lieu, d’un espace en lien avec les contextes historiques, sociaux et/ou géographiques. Elles ont d’abord été fondées sur la découverte par la rencontre avec les autres, la valorisation des mondes humains et biophysiques. Le modèle s’est ensuite basé sur les 2B (Bon et Bien) : la qualité de l’eau et de l’air sur les littoraux et en montagne est vantée. Enfin, les 3S (Sea, Sand, Sun) sont aujourd’hui la règle en lien avec des pratiques de plus en plus « ludiques ».
Dans le chapitre 3, l’auteur présente les enjeux économiques et (géo) politiques. La mise en œuvre d’un projet touristique est fondée sur des pratiques et concerne une chaine d’acteurs qu’ils soient privés (producteurs, distributeurs de voyages, hébergeurs,…) ou publics ( aménagement/protection des territoires par les États ou les collectivités territoriales). Les enjeux économiques sont colossaux. Le tourisme représenterait de 5 à 15% du PIB mondial et concentrerait 10 % des emplois directs et indirects. Il apparait parfois comme la panacée pour des territoires en difficulté ou même comme un outil de développement et de lutte contre la pauvreté (programme ST-EP).
Le chapitre 4 dresse le portrait de l’écoumène touristique du Monde. L’ensemble des sociétés accèdent progressivement au tourisme international et national. Le tourisme a infusé la société dans le monde entier. On assiste à une véritable « mondialisation » du tourisme. Selon l’OMT, 50% des pays déclaraient une « absence de touristes » en 1985, 40% en 1990 et 10% en 1995. En même temps que l’écoumène touristique s’étend, l’évolution des flux et les stocks touristiques le reconfigure. De nouvelles destinations naissent comme Dubaï. Des fronts pionniers avancent sur les îles intertropicales et dans les déserts chauds et froids. On parle également de Dark Tourism ou de Slum Tourism dans les anti-mondes (R.BRUNET). Dans le même mouvement, les anciennes polarités touristiques se densifient et se diversifient.
Le chapitre 5 s’intéresse à la mise en tourisme des lieux et à leur développement. Être touriste c’est habiter le territoire des autres, venir dans un lieu avec un projet fondé sur des pratiques. Faire du tourisme, c’est fréquenter les lieux et les transformer par notre présence. La localisation d’un lieu touristique dépend donc des projets des touristes, mais également des qualités intrinsèques du lieu et surtout de la posture des sociétés locales à l’égard du tourisme. Pour Rémy KNAFOU, il n’y a pas de développement touristique possible sans accord tacite ou réel de la société locale ou au moins une partie d’entre elle. On ne peut donc pas proposer une typologie des lieux touristiques basée uniquement sur des critères biophysiques ou paysager (littoral/montagne/campagne/ville). L’équipe MIT propose 3 critères : présence/absence d’hébergement, présence/absence de population résidente permanente, diversité des services urbains. Elle dégage alors 4 types de lieux touristiques élémentaires : site/comptoir/station/ville touristique.
Le chapitre 6 se pose enfin la question d’un tournant récréatif du Monde ? On assiste en effet à une démultiplication des acteurs, des pratiques et de lieux. L’auteur remarque par exemple une « inflation patrimoniale » contemporaine autour d’enjeux mémoriels et/ou culturels. Les croisières maritimes sont en croissance, les pratiques sportives se développent, le shopping devient une activité importante dans et à proximité des villes… Face au tourisme de masse, des pratiques collaboratives apparaissent, le tourisme durable, éthique ou responsable est valorisé. Tout pourrait ainsi être « touristifié ». Toutefois les tensions, voire les conflits se multiplient face à l’afflux de touristes (Barcelone, Amsterdam,…) et également autour de l’usage des ressources naturelles (eau, paysage,…).
Au final, cet ouvrage de Philippe DUHAMEL présente de manière dynamique et problématisée les enjeux de la mondialisation spatiale du tourisme. Les nombreux exemples peuvent être approfondis facilement grâce aux renvois en bibliographie. On regrettera tout de même le manque de cartes, de croquis à grande échelle pour les illustrer.
Dans une troisième étape de préparation d’une question de concours, après le choix et la maîtrise d’un manuel, l’important est de compléter et de préciser ses connaissances sur certains domaines tout en se constituant une banque d’exemples (cartographiés si possible). Au-delà de la consultation d’articles souvent disponibles sur internet, l’ouvrage dirigé par Edith FAGNONI (professeur des Université en Géographie à Paris-Sorbonne, directrice de l’UFR de Géographie et Aménagement) dans la collection Horizon chez Armand Colin (Les espaces du tourisme et des loisirs) peut s’avérer utile. Sa philosophie générale est différente du précédent ouvrage car il rassemble plusieurs participations de spécialistes, la plupart géographes. Le discours est donc moins construit. Mais plusieurs chapitres permettent de se pencher sur certains thèmes précis : tourisme d’affaires (Sylvie CHRISTOFLE), tourisme et métropolisation (Sébastien JACQUOT), tourisme et « disneylandisation » (Sylvie BRUNEL), Tourisme, risques et catastrophes (Magali REGHEZZA-ZITT)… Une vision plus régionale du tourisme est également abordée : les régions touristiques de la France (Philippe VIOLIER), le tourisme en Asie (Benjamin TAUNAY), dans les Amériques (Elodie SALIN), en Afrique continentale et insulaire (Brigitte DUMORTIER), dans les îles tropicales (Jean-Chritophe GAY), en milieu polaire (Antoine DELMAS). La partie Débats est également intéressante. Des cartes et des croquis peuvent également servir de base à des réalisations personnelles (Le Grand Berlin du Tourisme, p.155 ou Macao, p.255). En tout cas, un ouvrage dont la table des matières devra être bien connue pour les épreuves orales.
L’ouvrage d’Anthony SIMON (agrégé en géographie et maître de conférence en géographie et tourisme à l’Université Lyon 2) dans la collection Je Prépare chez DUNOD (Les espaces du tourisme et des loisirs) ne présente pas les mêmes qualités que les deux précédents. La partie « connaissances fondamentales » comporte 5 chapitres généraux (définition, géohistoire, statistique, acteurs) et 4 chapitres thématiques (littoraux/montagnes/campagnes/villes). A noter que les références bibliographiques sont un peu anciennes. Quelques études de cas intéressantes sont proposées (sur le trekking dans les Andes du Pérou par exemple). C’est surtout la partie 2 « Méthodes et sujets corrigés » qui peut être utile pour la dernière étape de préparation d’une question de concours : le travail sur des sujets. Elle est essentielle pour travailler la problématisation, l’organisation et l’articulation entre connaissances et exemples. A ne pas négliger, ce travail permet aussi de vérifier et d’améliorer la mémorisation. Plusieurs sujets de composition sont ainsi proposés : pour le CAPES externe (Tourisme et aménagement de l’espace), pour l’Agrégation Externe d’Histoire (Les espaces mixtes du tourisme et des loisirs), pour l’Agrégation Externe de Géographie (Marges et périphéries de l’espace touristique), ainsi qu’un exemple de commentaire de document pour le CAPES Externe (Les espaces productifs du tourisme en France). Des propositions sont également faites pour les épreuves orales. Des problématiques sont suggérées et les plans sont suffisamment détaillés pour s’en inspirer et y intégrer ses propres connaissances et exemples. Des croquis sont aussi proposés. L’auteur donne également des conseils pour réussir les épreuves des différents concours.
Ces 3 ouvrages se révèlent donc complémentaires et fournissent, chacun à leur manière, les enjeux de l’étude géographique des espaces du tourisme et des loisirs et des clés pour réussir les épreuves du CAPES et de l’Agrégation, au moins pour cette question.