Pauline Guinard, maître de conférences à l’École Normale Supérieure, est une géographe qui a soutenu une thèse, en 2012, sur les espaces publics urbains sous le titre : Les Espaces publics au prisme de l’art à Johannesburg (Afrique du Sud) : quand la ville fait œuvre d’art et l’art œuvre de ville, sous la direction de Philippe Gervais-Lambony. Elle encadre depuis 2016 un séminaire portant sur la géographie des émotions.

Le présent ouvrage a été conçu comme un « manuel » (p.12) « destiné aux étudiants en géographie de premier cycle, ainsi qu’aux élèves de classes préparatoires littéraires (notamment ceux suivant l’option géographie), qui cherchent à se familiariser avec les objets, les concepts et les méthodes de la géographie culturelle dans toutes ses acceptions » (p.12). À ce titre, l’ouvrage s’inscrit dans le cahier des charges de la collection « Cursus » chez Armand Colin dont le segment est prioritairement les étudiants du niveau licence et maîtrise de l’Université.

L’objectif annoncé, dès l’introduction, est de « mieux faire connaître la géographie culturelle » et « d’éclairer les perspectives les plus récentes qui ont émergé au sein et parfois au-delà de la géographie culturelle ». L’ouvrage commence ainsi par deux chapitres très bien construits sur l’historiographie de la géographie culturelle et ses dimensions épistémologiques. En reprenant les travaux de Boris Grésillon[1], l’auteure décide de montrer la pluralité des géographies culturelles en les classant en deux grandes familles, celle de la géographie de la culture et celle de la géographie par la culture. À ces deux familles, elle en ajoute une troisième qui pourrait être celle de la géographie de la culture par la culture.

La géographie de la culture se proposerait d’analyser géographiquement des faits, des lieux et des événements culturels (musées, friches culturelles, quartiers culturels, politiques culturelles, festivals…). La géographie par la culture s’intéresserait à la compréhension de n’importe quels objets géographiques en s’intéressant à la manière dont ils sont perçus, représentés ou imaginés (paysages, villes, territoires, patrimoines, odeurs). Enfin, la géographie de la culture par la culture porterait son attention sur des objets culturels comme le cinéma, la littérature, la musique auxquels on s’attacherait à en étudier les discours, les imaginaires et les représentations portés sur les espaces évoqués. À mon sens, dans cette dernière catégorie viendrait également prendre place les émotions et le genre que l’auteure classe dans la seconde catégorie et qui sont pourtant des productions culturelles.

Après un chapitre sur les méthodologies mises en œuvre par les géographies culturelles, les chapitres 4 à 9 proposent un rapide tour d’horizon des objets et notions des abordées récemment par les géographies culturelles. Dans les six chapitres sont présentés six objets : paysage, territoire, genre et sexualités, art, fiction, émotions.

D’emblée, l’ouvrage s’annonce comme voulant combler une sorte de vide sur la question qui semblerait un parent pauvre de la géographie française actuelle. C’est peut-être faire oublier bien vite l’ouvrage de Paul Claval qui est cité en bibliographie cependant, Géographie culturelle. Une nouvelle approche des sociétés et des milieux, paru chez le même éditeur et dont la première édition date de 1995[2] et dont la dernière édition remonte à 2012. L’ouvrage de la collection « Cursus » ne comble que très peu les éventuelles lacunes qui auraient pu apparaître depuis 2012 dans le champ.

Comme manuel, l’ouvrage en présente les qualités. C’est un ouvrage didactique au format maniable. Chaque chapitre débute par une série de questionnements faisant office de problématique générale. Un encart permet de mettre en évidence un certain nombre de définitions de vocabulaires nécessaires. Enfin, chaque chapitre se clôt par une courte synthèse présentée sous la forme d’une liste de points importants, quelques notions à maîtriser et quelques lectures conseillées. Cependant, comme manuel toujours, il en a malheureusement les principaux défauts. Les savoirs y sont partiels même s’ils essaient de couvrir la grande pluralité des sujets. Il passe sous silence des approches très récentes sur le cinéma de fiction, les guides, la bande dessinée, les albums pour enfants ou les images virtuelles des cabinets d’urbanisme, etc. En revanche, les propres recherches de l’auteure, portant sur la géographie des émotions, sont de nombreuses fois citées.

La partie méthodologique qui peut, il est vrai, être une réelle plus-value dans l’ouvrage, tant cet aspect est encore rare dans la littérature scientifique en géographie, consiste en un inventaire non-exhaustif, sans entrer dans une théorisation explicite et permettant de constituer un réel apport pour les étudiants qui souhaiteraient se lancer dans la recherche ayant pour objet les productions ou les faits culturels. On aurait souhaité d’ailleurs que ces deux termes soient explicités et distingués clairement.

[1] Boris Grésillon, « Ville et création artistique. Pour une autre approche de la géographie culturelle », Annales de Géographie, 2008, vol. 660-661, n°2, p.179-198.

[2] Paul Claval, « Champ et perspectives de la géographie culturelle », Géographie et cultures, 1 | 1992, 7-38.