L’essentiel est dit et chiffré
Après un chapitre à valeur introductive sur une histoire de l’alimentation de l’âge pré-agricole à l’âge industriel, l’auteur entame par un chapitre intitulé « Le mal des extrêmes «. C’est le lieu de rappeler alors quelques chiffres de base : ainsi, la part de la population mondiale sous alimentée est passée de 32 % en 1960 à 14 % en 2010. Il ya 500 millions d’obèses soit 1 adulte sur 13 et en 30 ans ce nombre a doublé. L’ouvrage se révèle très clair rapide et précis sur ces attendus, notamment en terme de définitions. Ensuite est abordée l’autre extrême donc avec les multiples dimensions de la surnutrition. Christine Glorieux, une des auteurs, met en évidence les facteurs économiques, sociaux mais également culturels qui expliquent ce phénomène. Elle rappelle aussi dans un autre chapitre que chaque année il disparaît 12 millions d’hectares de terres cultivées à cause de l’avancée du périurbain, des infrastructures. N’oublions pas quand même que, dans le même temps, les défrichements et gains de terre se montent à 13 millions d’hectares.
Questions sensibles
S’il est bien un thème qui fait beaucoup parler et écrire c’est bien celui de l’achat de terres agricoles dans un autre pays ou land grabbing . Alain Nonjon rappelle d’abord prudemment qu’on a du mal à avoir une estimation de l’ampleur du phénomène : concerne-t- il 10 ou 20 millions d’hectares ? En tout cas on peut donner quelques idées claires à savoir : la diversité des pays impliqués, la rapidité du mouvement ou encore son caractère planétaire. Le Cambodge a quand même vendu en 2009 l’équivalent de la Bretagne. Le livre aborde évidemment aussi la question des OGM. En 2009, 25 pays adoptent les OGM. 15 PED contre 10 pays industrialisés se lancent dans les productions. Plus étonnant peut-être, le cas du Costa Rica, souvent cité en matière de développement durable, et qui exporte des graines transgéniques. Alain Nonjon consacre toute une partie à ce qu’il appelle « la biocratie américaine ». Cette partie d’article est particulièrement intéressante et il évoque notamment le rôle des universités américaines comme celle de Purdue dans l’Indiana ou de Lincoln dans le Nebraska.
La Chine évidemment !
On la retrouve fatalement à plusieurs endroits dans le livre avec très souvent des chiffres qui donnent le vertige. Ainsi, un Chinois mangeait en 1980 13.7 kilos de viande contre 55 en 2005 ! En Chine, le surpoids atteint désormais le quart de la population avec 200 millions de personnes auxquelles il faut rajouter 90 millions d’obèses. On apprendra peut-être que selon le climat et la variété on peut obtenir de une à quatre récoltes par an de riz. La consommation s’élève à 90 kilos par personne et par an aujourd’hui. Quant au blé, la Chine en a produit 113 millions de tonnes entre 2008 et 2009 alors que l’Union européenne, à titre de comparaison, en était alors à 151. Pourtant les données provisoires de 2009 2010 font apparaître cette fois une stricte égalité à 139 millions de tonnes.
Une écriture qui laisse la place aux questions ouvertes
Les auteurs choisissent à plusieurs reprises de procéder sous forme de questions, ce qui dynamise l’écriture et permet aussi dans un cadre restreint de souligner les enjeux et questions qui se posent. Il en est ainsi par exemple pour la question du land grabbing évoquée plus haut. Les dimensions du problème sont bien mises en évidence : Comment évaluer les terres disponibles ? Comment ne pas accélérer un processus d’exode rural car quatre hommes et une hyper mécanisation peuvent remplacer 2000 familles pour gérer 1000 hectares ?
C’est le même genre d’écriture ouverte qui est choisie pour les OGM ou pour les biotechnologies.
Il y a un revers à cette écriture ouverte car on pourra peut-être déplorer le manque de ligne directrice de l’ouvrage qui se présente davantage comme une suite d’éclairages. L’écriture à plusieurs mains aurait nécessité aussi un peu de lissage car à douze pages d’intervalles, et dans deux chapitres différents, on retrouve la même mention du fait que les biotechnologies représenteront dans 15 ans 20 % du PIB américain. On peut d’ailleurs formuler la même remarque, mais à l’intérieur du même article cette fois, (page 123 et 127) à propos de la place du riz en Asie.
Des études de cas
Certains chapitres du livre sont des études de cas. Choisissant une échelle particulière elles s’intéressent par exemple à la question de l’Amazone à travers la problématique de l’élevage et de la déforestation. On trouve également deux exemples d’itinéraires de denrées alimentaires à savoir la banane et la tomate. En trois pages on suit par exemple le périple de la banane entre la plantation et l’assiette. On dispose également de tout un chapitre sur le blé qui met en évidence quelques unes de ses caractéristiques majeures : plante peu exigeante, demande mondialisée et céréale stratégique. C’est aussi un marché où cinq pays assurent plus de 80 % des exportations. L’article précise aussi le retour sur le marché mondial de la zone des Terres noires qui en 2010 ont exporté plus de 35 millions de tonnes de blé soit un tiers en plus que les Etats-Unis ! Un autre article enfin s’intéresse au riz et de la même façon permet un tour d’horizon rapide et une entrée concrète tout en soulignant de notables différences et par exemple le fait qu’il s’agit d’une céréale peu échangée. Le livre se conclut aussi par la mise en évidence de nouvelles tendances : l’exigence de la qualité dans les pays riches : en France l’appellation AOC représente plus de 80 % de la production viticole en valeur et 57 % de la superficie des vignes.
Ce livre se lit donc avec facilité et apporte de nombreux éclairages sur une question qui semble à la fois bien connue et sur laquelle il y a sans cesse besoin d’actualiser ses connaissances. Des problématiques autour des produits se révèlent très parlantes et applicables dans le cadre des cours.
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