La collection « Géopolitique des États du monde », aux éditions Complexe, propose un concept particulier : une « entrée » par les Etats. Chaque parution se présente comme une introduction, à volonté très pédagogique, à un seul Etat, abordé sous les angles historique, géographique, économique, social, politique et culturel, avec les modifications d’échelle requis.
Avec un petit format carré, sur environ 150 pages, il s’agit d’un instrument accessible au plus grand public et directement utilisable par des élèves de lycée, voire de collège.

La parution du volume « Géopolitique de l’Australie » intervient après une quinzaine d’autres titres, portant sur Mexique, Congo, Pologne, Italie, Grèce, Serbie, Croatie, Afrique du Sud, Chine, Jordanie, Iran, etc. Soit à la fois des puissances émergentes importantes, des pays voisins du nôtre, d’autres situés au cœur de zones chaudes de l’actualité, mais aussi dans des angles morts encore loin d’être labourés.

Les auteurs sont plus ou moins connus. Ici, Fabrice Argounès est présenté comme « doctorant » en sciences politiques, spécialiste du Pacifique sud et des organisations internationales.

Au texte proprement dit s’ajoutent des informations supplémentaires en marge et de très nombreux encadrés (chiffres, dates, synthèses, mini-reportages, etc.). Dommage que ceux-ci ne soient pas récapitulés en fin d’ouvrage, où on trouve par contre un glossaire, une chronologie et un index des noms cités (pays, personnes, lieux géographiques en Australie). Et même, avec une rubrique « Sur la toile », quelques adresses de sites Internet sur le thème.

Ajout personnel à cette bibliographie, pour les amateurs de littérature et de géographie, et de roman « policier ethnologique » comme on l’a défini en l’occurrence : la lecture des livres d’Artur Upfield, avec son personnage de « traqueur métis aborigène », est d’un apport irremplaçable pour une connaissance du milieu australien, et de la société du bush dans le milieu du XX° siècle. Au moins aussi riche que Jim Harrison sur le cœur des Etats-Unis , ou Luis Sepulveda sur la Patagonie, ou James Ellroy sur la Californie du sud, par exemple.

Quoique assez abondante, la cartographie est très décevante et n’est vraiment pas suffisante pour mesurer les enjeux géopolitiques soulevés, à l’extérieur comme à l’intérieur : la première, « l’Australie et ses voisins » réduit très abusivement le cadre du Pacifique (ni Tonga, ni Polynésie par exemple : à peine repris dans une autre petite carte en fin de volume). D’autres sont bien rudimentaires (« Australie politique », ou « Grandes zones climatiques »), de très petite taille (conflit insulaires avec la Papouasie-Nouvelle Guinée) et les choix graphiques sont peu ambitieux (couleurs et figurés de « Principaux centres touristiques », ou « Carte économique »).

C’est une faiblesse compensée par les qualités propres à cette collection : un format standard, une pagination équivalente pour chaque parution, un prix unique et très accessible (moins de 15 Euros), et l’ambition de « permettre de mieux comprendre les stratégies des différents acteurs qui font bouger le pays traité, face aux défis qu’ils doit affronter ».
Il y a de nombreux apports susceptibles d’apporter des informations précises sur des questions importantes : le passé et la situation actuelle des aborigènes ; la gestion territoriale interne d’un pays à système fédéral, à tradition juridique britannique, et au contexte politique particulier ; les paradoxes économiques, avec le poids considérable de l’agriculture et des ressources minières pour un niveau de développement avancé ; la grande originalité du positionnement géopolitique de l’Australie dans le concert international : « nécessaire tropisme asiatique », poids du modèle américain, liens historiques complexes avec une Europe « intime et lointaine » et probable volonté de puissance comme « géant du Pacifique sud ». Une page rappelle les crispations avec la France (essais nucléaires, Nouvelle Calédonie proche). Les encarts sont utiles car ils permettent de combler beaucoup de lacunes sur des éléments importants de la culture politique ou historique des australiens (la grande figure de «Ned Kelly », le rôle de la Grande Flotte blanche, la hantise d’une menace communiste, autant que la question foncière, celle de la distance, ou des notions de bush et outback…).

Pour les amateurs de littérature

La focalisation sur un seul Etat est vraiment justifiée dans le cas de l’Australie : un vaste Etat- continent, dans une région pas forcément très bien connue, puisque littérature spécialisée et attention des médias à la situation de l’Australie ne sont pas des plus riches en France (à moins d’être à Nouméa, Papeete ou Wallis ?). La synthèse proposée ici est utile et, comme la collection toute entière, parfaitement adaptée à nos besoins comme à ceux de nos élèves (et donc des CDI).

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