Collectif, Images économiques du Monde 2007, Armand Colin, 2006, 450 p.

Compte-rendu par Jean Philippe Raud Dugal, professeur au lycée Edmond Perrier à Tulle

Ce nouvel opus des ‘Images économiques du monde’, le cinquante et unième, se veut un outil d’analyse et de compréhension du monde. Placé sous la direction de F. Bost, M. Carroué (voir CR http://www.clionautes.org/?p=1140 ), C. Girault, J. Radvanyi (voir CR http://www.clionautes.org/?p=1156 ), T. Sanjuan et Olivier Sanmartin, il entre directement en concurrence avec l’Etat du monde (voir CR http://www.clionautes.org/?p=1181 ) et l’ »Atlas du Monde Diplomatique mais s’en démarque aussi par un choix éditorial affirmé. Plutôt que de dresser un bilan qui se veut complet ou politique, les auteurs ont choisi de s’intéresser à un sujet géopolitique, géostratégique et géoéconomique de premier ordre : le pétrole et le gaz.

Dans cette première partie de l’ouvrage, Philippe Sébille-Lopez, déjà auteur de ‘Géopolitique du pétrole’, ouvrage très riche publié en janvier dernier chez Armand Colin, insiste tout d’abord sur les défis que les nations doivent relever pour leur approvisionnement en hydrocarbures (gaz et pétrole). L’explosion de la demande et le rôle nouveau joué par la Chine et d’autres économies émergentes dans ce marché mondial aboutie à un marché pétrolier ‘à flux tendus’. Les fortes concentrations géographiques de gaz dans des régions souvent difficiles d’accès expliquent ainsi la recherche de nouveaux approvisionnements, en Afrique principalement. Mais, c’est le prix du transport qui pose le problème le plus délicat. Il influe plus particulièrement sur le prix de cette matière première. Le pétrole, quant à lui, est présenté d’entrée comme un enjeu géostratégique majeur pour les Etats-Unis. Ses rapports d’interdépendance avec de nombreux pays, au premier rang desquels se trouve le Venezuela, explique la volonté de diversifier son approvisionnement vers l’Afrique, le Moyen-Orient et la mer Caspienne. L’auteur ainsi évoque le fait que « la guerre contre le terrorisme, et le redéploiement des forces américaines dans le monde qui l’accompagne, sert utilement de paravent à la stratégie des Etats-Unis en matière de sécurisation de leurs approvisionnements en hydrocarbures ». Mais, la véritable nouveauté pour Philippe Sébille-Lopez est l’émergence grandissante de la Chine dans la « course » au pétrole. Premier consommateur mondial de charbon, le pays aujourd’hui est second pour le pétrole même si la production nationale est plus importante que les importations. C’est plutôt sur le moyen terme que les problèmes vont se poser. « La Chine est néanmoins en état d’urgence au plan de ses approvisionnements énergétiques et sa dépendance va inévitablement se renforcer ». L’auteur choisit de développer plus particulièrement sa stratégie spatiale avec ses voisins sans trop faire référence à l’émergence de la présence chinoise en Afrique et son rôle nouveau de bailleur de fond de certaines parties géostratégiquement capitales pour elle de l’Afrique. C’est avant tout l’Union Européenne qui se trouve en position de faiblesse ; même le Royaume Uni a commencé à importer du pétrole en 2005. Dossier assez complet et intéressant car il aborde les principaux défis présents et donne une perspective future aux problématiques de hydrocarbures. On pourra regretter néanmoins que les stratégies propres des pays producteurs de pétrole et de gaz face aux importateurs occidentaux aient été simplement entrevues.

L’ouvrage propose ensuite une analyse de plusieurs thématiques, riches en statistiques de toutes sortes, concernant les Hommes. L’approche se veut ici arbitrairement et volontairement continentale. Des mises au point sur la pauvreté, la sous-alimentation, la problématique des OGM, les migrations internationales dont il est dit que « les nouveaux migrants ne correspondent plus aux profils du passé », les migrants ayant des liens souvent très ténus avec les pays d’accueils, mais aussi le fait urbain dans le monde et le phénomène de métropolisation, pour finir par les enjeux environnementaux et sanitaires, sont autant de grilles de lecture ouvertes sur les stratégies des acteurs de la mondialisation et permettent aux acteurs que nous sommes de saisir les principales problématiques géographiques nouvelles.

La présentation d’un état du monde par continent, pays après pays est une constante pour les auteurs de cet ouvrage. Plus traditionnelle, bien que passionnante si on entreprend une lecture méthodique, cette partie prête par moment à quelques sourires comme le tableau des élections de mi-mandat aux Etats-Unis où on nous prédit peu de changements au Sénat. La politique a souvent des règles qui échappent aux géographes même les plus éminents. On notera de même une très belle synthèse offerte par Robert Marconis sur la France avec de nombreuses cartes et des analyses pertinentes qui peuvent donner des idées intéressantes aux candidats aux concours de l’enseignement comme le passage, très politique, de l’aménagement du territoire à la compétitivité des territoires depuis la transformation de DATAR en DIACT en décembre dernier

L’ouvrage se clôt par des études thématiques successives qui s’intéressent principalement aux flux (IDE, transports) et acteurs (principalement les FTN) et aux secteurs d’activités, de la mondialisation économique actuelle. C’est ici que se trouve l’innovation majeure de cet ouvrage avec l’analyse, bien que trop courte, de la recherche et du développement. On retiendra aussi une thématique particulièrement intéressante signée par Jean Pierre Charvet sur l’agriculture ; « de plus en plus bio et de biotechnologies » qui devrait servir de base aux professeurs de seconde pour des études de cas tout à fait pertinentes.

Mise au point universitaire de très bonne facture, cet ‘Images économiques du monde 2007′ donne du grain à moudre pour une réflexion approfondie et renouvelée et propose aussi des données brutes intéressantes (16 000 en tout). Le dossier sur le pétrole est particulièrement réussi comme les nombreuses cartes qui le démarque de certaines publications un peu ternes. L’analyse des facteurs déterminants des concurrences, contradictions et conflits qui agitent et structurent notre planète sont ainsi parfaitement mis en exergue et permettent une porte d’entrée à d’éventuels approfondissements. De plus, le rajout d’une rubrique sur le R&D se révèle une excellente initiative pour intégrer les changements rapides que révèlent ces quelques 450 pages. Néanmoins, la partie qui se voulait synthétique sur les « six grandes villes du monde » se révèle décevante. Très courtes, ces mises au point effleurent à peine la réalité de ces villes et de leur importance.
On ne saurait trop conseiller à tous les collègues de Géographie et de Sciences Economiques mais aussi aux étudiants à l’Université de parcourir cet ouvrage qui trouvera tout naturellement sa place dans tous les CDI du secondaire.

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