Dépôt légal : mai 2017. ISBN : 978-2091649382
Dimensions : 18,1 x 1,6 x 24 cm
L’ouvrage est dirigé par Bernard Elissalde, professeur à l’Université de Rouen. L’équipe d’auteurs – sept en tout – est composée de praticiens de talent, historiens et géographes : Nicolas Balaresque, Yves Colombel, Philippe Dugot, Dominique Hamon, Frédéric Santamaria, auquel on prendra garde de ne pas oublier Vincent Thébault pour la coordination des comléments numériques, et bien sûr Bernard Elissalde.

La plupart d’entre eux, déjà auteurs chez Nathan, notamment dans des ouvrages de la même collection « Nouveaux Continents », enseignent dans les plus prestigieuses classes préparatoires de France, notamment au lycée Henri-IV à Paris. Quant à Bernard Elissalde, c’est un spécialiste bien connu de l’Europe, sur laquelle il a déjà beaucoup écrit. On pourra rappeler son Lexique de l’aménagement du territoire européen (2008) ou son Europe, Europes : Espaces en recomposition (2002).

A noter : Le livre en ligne est offert sur le site web de l’éditeur, pendant deux ans à compter de l’activation, grâce à un code unique : outre le livre en lui-même, des compléments sont disponibles, d’autres sont prévus 4 fois par an.

Commençons par saluer les insignes efforts des éditions Nathan : la collection « Nouveaux continents » est en effet d’une utilité remarquable pour les collègues, professeurs et étudiants. Cette utilité est doublée par une politique éditoriale de mise à jour régulière de ses titres – qu’il faut saluer. Nous en sommes ici à la 5e édition, ce qui permet d’avoir un texte au fait des dernières évolutions. Les problèmes posés par le Brexit sont ainsi largement étudiés. Calée sur les programmes des classes préparatoires ECS, cette collection « Nouveaux continents » pourra s’avérer précieuse aussi bien pour les étudiants de premier cycle universitaire, de préparation aux concours d’enseignements (en phase de démarrage), aux élèves d’écoles de commerce, et tant d’autres. Nos collègues professeurs y trouveront également matière à se maintenir à flot sur des questions qui évoluent rapidement.

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La Géopolitique de l’Europe s’attache à donner des clés de compréhension et d’interprétation des dynamiques qui prévalent aujourd’hui sur le continent européen. Le propos des auteurs « entérine le retour en force de la dimension politique et territoriale dans la compréhension du monde et fait un sort aux déterminismes implicites, qu’ils soient économiques ou historiques ». L’Europe en question dans l’ouvrage s’entend à l’échelle du continent, dont la partie orientale est partie intégrante et dont l’Union européenne actuelle ne constitue qu’une partie.

L’ouvrage, qui ne se borne pas à un empilement de données, loin de là, constitue au contraire une véritable interrogation sur l’avenir européen. Deux interprétations s’affrontent sur le sens de la construction européenne, perçue soit négativement comme un accompagnement adaptatif de la mondialisation, soit au contraire investie positivement comme un ajustement politique des dynamiques de l’économie mondiale. Or, en la matière, les certitudes se sont effritées (Brexit, crise financière, reconstitution de la puissance russe, évolution de la Turquie vers une dictature, terrorisme de masse).

« Conçues comme les transformations et les rythmes temporels des sociétés et de leurs territoires, les « géodynamiques de l’Europe » proposent de combiner les dimensions historique, institutionnelle et territoriale pour cerner les processus de transformation du continent européen. »

L’ouvrage est construit selon quatre axes principaux. Nous donnons ci-dessous les têtes de chapitres, ce qui permettra de se faire une idée précise du contenu, et d’attribuer à chaque auteur sa contribution).

PARTIE I. Identités et diversités en Europe

Cette première partie questionne l’unicité et la permanence apparentes du territoire et des peuples européens, afin de réfléchir sur les limites incertaines du continent. Elle permet de comprendre comment, à partir d’un passé éminemment conflictuel, une conscience européenne a progressivement émergé et a façonné une identité européenne plurielle, fondée sur la multiplicité des cultures et sur l’attachement à un certain nombre de valeurs, qui servent de creuset à la construction européenne.

CHAPITRE 1. UN CONTINENT PAR CONVENTION ? (Philippe Dugot)
l. L’isthme européen
Il. Un objet géographique discutable
III. Un ensemble à géométrie variable

CHAPITRE 2. LE(S) PROJET(S) EUROPÉEN(S) (Bernard Elissalde)
l. La lente émergence de l’idée d’Union
II. La diversité des déclinaisons politiques de l’idée européenne
III. Polyphonies du projet européen
IV. Affirmation de valeurs communes et critiques

CHAPITRE 3. ÉTATS, NATIONS, MINORITÉS, FRONTIÈRES ET FRACTURES EN EUROPE (Philippe Dugot)
l. Les frontières en Europe
II. Minorités, irrédentismes et autonomismes en Europe centro-orientale
III. En Europe occidentale : marginalité des revendications nationales et montée des régionalismes

CHAPITRE 4. FORCES D’ASSOCIATION VS FORCES DE DISLOCATION (Bernard Elissalde)
l. L’érosion de l’idéal européen
II. Le cas emblématique du Brexit
III. La réorganisation des schémas partisans dans les États membres et les critiques de l’UE

PARTIE II. Les politiques communautaires et leurs impacts géographiques et géopolitiques.

La construction européenne commence bien avant la signature du traité de Rome, et n’est pas terminée. Ce choix original (on pourrait même dire unique) d’association pacifique d’un nombre croissant de pays n’a jamais suivi une trajectoire linéaire. Des forces contradictoires, agissant à plusieurs échelles, œuvrent constamment soit dans le sens d’une plus étroite association, soit au contraire en favorisant les processus centrifuges. La configuration actuelle et le cadre législatif sont le résultat provisoire de phases d’accélérations ou de longues périodes d’apparent statu quo. Les grandes lignes de la construction européenne s’articulent autour de trois points essentiels : l’approfondissement, les élargissements successifs et l’intégration.

CHAPITRE 5. L’UE PAR ASSOCIATIONS, ÉLARGISSEMENTS ET RETRAITS : CONSTRUCTION ET DÉCONSTRUCTION (Bernard Elissalde)
l. La multiplication des tentatives d’association au lendemain de la guerre
Il. Les traités de Rome et la naissance de la CEE
III. L’Union à 28 membres : un saut quantitatif et/ou un changement de nature
IV. L’Union européenne, jusqu’où ?

CHAPITRE 6. MODES DE GOUVERNANCE ET PRISES DE DÉCISION DANS L’UNION EUROPÉENNE (Bernard Elissalde)
l. L’organisation institutionnelle de la prise de décision
Il. Les pratiques négociatrices de la gouvernance européenne
III. Vers quelle architecture institutionnelle ?

CHAPITRE 7. LA CONSTRUCTION PAR APPROFONDISSEMENTS (Yves Colombel)
l. Construction, intégration, approfondissement
II. Un positionnement original dans le commerce international
III. La PAC : un nom générique pour des politiques contradictoires
IV. L’UE a-t-elle une politique énergétique ?

CHAPITRE 8. LA SOLIDARITÉ ENTRE LES TERRITOIRES EUROPÉENS : LA POLITIQUE DE COHÉSION DE L’UE (Frédéric Santamaria)
l. La solidarité entre les territoires : une facette de l’intégration européenne
II. La politique de cohésion, expression de la solidarité territoriale européenne
III. La solidarité territoriale européenne questionnée.

CHAPITRE 9. L’AMÉNAGEMENT À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE (Frédéric Santamaria)
l. Définir une action européenne en matière d’aménagement de l’espace
Il. Une action en rapport avec le projet européen
III. Un contexte complexe.
IV. Un projet ancien soumis à une volonté politique velléitaire.

Partie III. Crises et résiliences dans l’Union européenne

Les dynamiques territoriales en Europe résultent des formes prises par l’intégration de l’espace européen au sein des réseaux de production, d’échanges et de transactions de toutes natures. Les firmes transnationales y sont des acteurs importants. Dans le cadre de la libéralisation des échanges et de la montée des concurrences, elles utilisent cet espace européen à la recherche d’avantages comparatifs et de nouveaux marchés. Depuis la crise de 2008, l’espace européen est traversé de dynamiques plus violentes encore, dont cette partie fait le point sur différents thèmes.

CHAPITRE 10. LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE (Bernard Elissalde)
l. Les origines de la politique de l’environnement de l’Union européenne
II. Vers un modèle environnemental européen ?
III. L’incomplétude de l’action pour l’environnement

CHAPITRE 11. L’ENJEU DÉMOGRAPHIQUE EN EUROPE (Philippe Dugot)
l. Un tableau démographique préoccupant.
II. Les conséquences de la crise démographique
III. Une « solution » migratoire très discutée
IV. Les paradoxes démographiques de la situation européenne

CHAPITRE 12. FORCES ET FAIBLESSES DE L’UE DANS UNE ÉCONOMIE GLOBALISÉE (Nicolas Balaresque)
l. La puissance persistante des entreprises et du commerce européen
II. Des institutions aux compétences sans égales, mais à l’efficacité variable
III. Une capacité à peser qui s’adapte.

CHAPITRE 13. CRISES ET ÉBRANLEMENT DU SYSTÈME MONÉTAIRE ET FINANCIER EUROPÉEN (Nicolas Balaresque)
l. Les incertitudes du pari de l’euro
II. La tourmente mondiale et la crise de la dette souveraine
III. Les réponses techniques et politiques.

CHAPITRE 14. LES SYSTÈMES PRODUCTIFS INDUSTRIELS DANS L’UE : CRISES ET REDISTRIBUTIONS SPATIALES (Yves Colombel)
l. Désindustrialisation ou redéploiement sectoriel ?
II. La très grande hétérogénéité des situations
III. Vers une politique industrielle commune ?

CHAPITRE 15. LES DYNAMIQUES SPATIALES DE L’UNION EUROPÉENNE (Bernard Elissalde)
l. L’urbanisation de l’espace européen
II. Échanges et réseaux : les connexions avec l’espace mondial
III. Un espace hétérogène : métropoles, périphéries et développement local

Partie IV. Une puissance européenne ou des puissances en Europe ?

Les débats et les enjeux évoqués plus haut conduisent à une réflexion sur la puissance européenne, et donc à aborder la place et l’action de l’Union européenne et des États européens au sein des rapports de force intercontinentaux et des hiérarchies internationales. Pendant quatre siècles (de 1492 à la Première Guerre mondiale), l’Europe a été au centre de la mondialisation, tandis qu’aujourd’hui, elle n’en est qu’un acteur parmi d’autres. La construction européenne s’est édifiée en privilégiant la dimension économique, et donc en choisissant de compenser l’affaiblissement politique dans le monde de la guerre froide par une compensation et une transposition des conflits du champ militaire à celui des rivalités économiques. Les relations de l’UE avec ses voisins, notamment russe et turc, sont également analysées.

CHAPITRE 16. EXISTE-T-IL UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE EUROPÉENNE ? (Bernard Elissalde)
l. La politique étrangère et de sécurité commune, entre choix et nécessité
II. Pourquoi pas de puissance militaire européenne ?

CHAPITRE 17. LA PLACE DE L’UE DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES (Dominique Hamon et Bernard Elissalde)
l. L’identité internationale de l’Union européenne
II. La participation de l’UE à la gouvernance mondiale et dans les instances internationales
III. L’UE, puissance civile
IV. Les interventions dans la géopolitique environnementale
V. La diplomatie coopérante et les « grands partenariats stratégiques » de l’UE

CHAPITRE 18. LES RELATIONS AVEC LA RUSSIE ET AVEC LES MARGES EUROPÉENNES (Bernard Elissalde)
l. Où est la Russie au début du XXIe siècle ?
II. Partenariats et échanges avec la Russie.
III. L’enjeu des États de l’Entre-Deux : l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie

CHAPITRE 19. QUELLES RELATIONS ENTRE LA TURQUIE ET L’EUROPE ? (Bernard Elissalde)
l. La Turquie moderne entre deux continents.
II. La société turque et l’Europe : une page se tourne ?
III. La Turquie, puissance régionale émergente
IV. Les négociations d’adhésion : l’UE dans l’expectative

CHAPITRE 20. L’EUROPE ET SON VOISINAGE MÉDITERRANÉEN (Philippe Dugot)
l. Qui sont les voisins méditerranéens de l’Europe ?
II. Des enjeux importants pour l’Europe
III. Les ambitions et les limites d’une politique de voisinage

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Peu de critique à faire sur un ouvrage écrit – souvent fort bien – par des auteurs de grande qualité. Peut-être certain auteur (se reconnaîtra-t-il ?) pourrait-il intégrer à son vocabulaire usuel ces petits mots qu’on nomme connecteurs logiques, ce qui évitera à son lecteur de les restituer à sa place (sain exercice !) ? Peut-être la partie sur l’aménagement aurait-elle gagné à l’analyse d’exemples régionaux précis plutôt que se cantonner à des empilements (indispensables, hélas) de projets dans lesquels le jargon de Bruxelles fait merveille ?

Si les problèmes les plus récents sont abordés avec bonheur, on reste un peu sur sa faim à propos de l’analyse du déclin de l’Europe. Cette notion – centrale à bien des égards – aurait mérité un débat plus développé, dont on peut avoir l’impression qu’il a été esquivé, le terme de « déclin » étant, il est vrai, fortement connoté – hélas – par une certaine droite qui, se l’étant accaparé, en a rendu l’examen conflictuel.

Peut-être les rabats en couleurs auraient-ils pu être mieux utilisés qu’à des cartes de pays et de relief aisément consultables partout ? Peut-être aussi pourra-t-on conseiller aux cartographes maison de cadrer leurs cartes avec plus de précision, ce qui les rendra plus facile à utiliser ?

La bibliographie aurait pu être plus étoffée, mais sans doute a-t-on pris le parti d’en demeurer à celle d’un ouvrage de synthèse généraliste.

On notera enfin quelques incohérences typographiques de ci de là… ce qui est bien peu sur un livre de 400 pages. Le livre lui-même a perdu son caractère un peu rigide, avec un papier plus léger mais aussi glacé qui permet à l’objet de demeurer ouvert à toute page. Ainsi moins épais, il tiendra moins de place dans votre bibliothèque – mais ce sera une place de choix !

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Place de choix en effet, pour cet ouvrage dont l’utilité ne se dément pas au fil des éditions. Que vous prépariez, en cette rentrée qui s’annonce, un cours en 4e, en 3e, en 1re, en Terminale, en école de commerce ou en prépa ECS, cette Géopolitique de l’Europe doit figurer sur votre bureau, prête à l’emploi. Une synthèse actuelle et indispensable. Bonne lecture !

Christophe CLAVEL
Copyright Clionautes 2017.

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