La géopolitique est tendance. Le terme apparait de plus en plus dans les médias mais à quoi correspond exactement ce terme et cette discipline ? Vincent Piolet, docteur en géopolitique et auteur de « Paradis fiscaux, enjeux géopolitiques », et Nicola Gobbi, dessinateur notamment de « A vos râteaux ! De la terre à l’assiette, petit récit d’une transition réussie », s’emparent donc du sujet pour le faire comprendre au lecteur.
Plateau télé
Le scénario de la bande dessinée s’appuie sur une émission de télévision où défilent sur le plateau les différents auteurs qui viennent expliquer leurs travaux. Le présentateur est Hérodote que l’on peut considérer comme le père de la discipline même si elle ne portait pas alors ce nom. Pour embrasser la discipline, autant sortir tout de suite le pluriel. Si on doit la définir de façon basique, disons qu’il faut un territoire, des acteurs et un rapport de force. Une des questions fil rouge qui taraude la discipline est celle du déterminisme et du possibilisme. Il faut aussi citer les travaux pionniers de Friedrich Ratzel et l’influence de théories comme celle du pangermanisme.
France, Allemagne : deux visions
Là où l’Allemagne pense prédestination, André Chéradame oppose le principe des nationalités hérité de la Révolution française où c’est la communauté politique qui fait le peuple. La Première Guerre mondiale rebat les cartes des rivalités de pouvoir entre les Etats. Prolongeant les travaux de Friedrich Ratzel, le Suédois Rudolf Kjellén définit la géopolitique comme la « science de l’Etat en tant qu’organisme géographique, tel qu’il se manifeste dans l’espace ». C’est l’époque aussi de Karl Haushofer qui mit plusieurs de ses analyses au service du discours politique nazi avant de s’en éloigner, mais tardivement. Il met en avant l’idée de panisme, à savoir que les peuples doivent se constituer en unités politiques selon des critères de langue, religion, d’ethnie ou de culture.
L’influence des Etats-Unis
Aux Etats-Unis, une théorie connaît une grande popularité. C’est celle de la Destinée manifeste. Le pays se développe, le territoire s’agrandit, ce qui est le signe de la réalisation de la Destinée manifeste de leur nation. C’est un capitaine de l’US Navy qui développe la théorie du sea power appelée à une grande postérité. La doctrine Monroe s’exprime aussi et se traduit par la volonté pour les Etats-Unis que les Européens cessent d’intervenir chez eux. La politique du pays peut se lire également à travers le cas du Panama dont les Etats-Unis font un protectorat.
D’Hakford Mackinder au Grand jeu
Ce penseur anglais remet en question la centralité du sea power. Il développe l’idée de pivot géographique. On peut contrôler le monde si l’on trouve la zone qui est le point de bascule de toutes les forces. Cette zone appelée « heartland » a évidemment varié dans l’histoire. S’appuyant dessus mais la dépassant, Nicolas Spykman développe l’idée du « Rimland ». Il faut plutôt porter l’attention sur ce qui entoure le heartland et qu’il nomme donc « Rimland ». L’expression « Grand jeu » quant à elle désigne la rivalité coloniale entre la Russie et la Grande Bretagne en Asie au XIXe siècle.
Au temps de la Guerre froide
Cette période a été féconde en théories géopolitiques. L’ouvrage s’arrête sur George F Kennan qui a intégré l’idée du « Rimland ». Ainsi équipé intellectuellement, on peut mieux comprendre le plan Marshall ou l’exemple de la guerre de Corée. Dans la même logique se trouve la pactomanie ou l’idée de l’endiguement. Notons que les Etats-Unis larguent plus de 7 millions de tonnes de bombes sur le Vietnam, c’est-à-dire disx fois la quantité larguée pendant la guerre de Corée.
Et les Français dans tout cela ?
Elisée Reclus et Vidal de la Blache partagent une vision possibiliste de l’Homme. Il faut aussi relever que la géopolitique connut longtemps une désaffection car elle apparaissait comme liée au souvenir des guerres mondiales. Le livre convoque ensuite le géographe Yves Lacoste. Il a rebattu les cartes de la discipline en développant une méthode géopolitique originale. Il crée en 1976 la revue « Hérodote » et développe l’idée de représentation . Il s’agit d’une idée qui finit par transformer le réel. Il illustre sa théorie avec l’exemple israélo-palestinien. Il revient sur plusieurs étapes de ce conflit.
Après la chute
Les années 90 sont marquée par la chute de l’URSS. Le monde des idées politiques est bouleversé par cet évènement. L’ouvrage évoque les travaux de Francis Fukuyama qui montrent la suprématie définitive de l’idéal du libéralisme. Sa théorie a été rapidement critiquée. Samuel Huntington avance l’idée d’ « un choc des civilisations ». Celles-ci sont localisées sur une carte et on mesure combien ce découpage apparait grossier ou approximatif. Cette théorie s’inscrit en tout cas dans une vision clairement déterministe.
Et après le 11 septembre ?
Pour beaucoup, les attentats du 11 septembre illustraient la confrontation entre l’Islam et l’Occident. On voit ensuite l’offensive des néo-conservateurs aux Etats-Unis qui se traduit par l’intervention en Irak en 2003. D’autres idées émergent à l’époque comme celle de soft power développée par Joseph Nye. Lorsque ce dernier se combine au hard power, on parle alors de smart power. L’ouvrage évoque ensuite les analyses de Zbigniew Brzezinski à travers son livre « Le grand échiquier ».
La géopolitique est donc une méthode d’analyse qui éclaire sur les luttes de pouvoir entre différents acteurs. La géographie est son terrain de jeu au départ mais il faut aussi convoquer l’histoire, la sociologie et l’économie pour en comprendre les enjeux. Le livre se termine par un retour sur les différents penseurs cités avec un texte qui résume leur apport.
Cet ouvrage peut donc être utile en 1ère HGGSP lorsque l’on fait découvrir aux élèves ce qu’est la géopolitique. Il expose les principales étapes pour mieux comprendre les spécificités de cette discipline.