Publié régulièrement depuis 2004, date de sa première édition, cet ouvrage de 126 pages, selon les cadres préétablis de la collection, est une référence majeure. Dans un volume assez restreint, le lecteur, enseignant de collège, de lycée, du supérieur, l’élève de lycée et ou l’étudiant, pourra trouver une très utile mise au point sur ce phénomène favorisé par la mondialisation, à savoir le commerce des drogues, dans un monde organisé en réseaux.

Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à l’IEP de LIlle dans le cadre de la prépa ENA.

Dans son introduction, Alain Labrousse, qui a dirigé l’observatoire géopolitique des drogues, présente la naissance de cette spécialité si particulière et pourtant tristement d’actualité. De la même façon, la géopolitique des drogues est à relier à une analyse plus globale, celle qui relie la criminalité et la mondialisation.

En quoi la mondialisation et ses conséquences ont-elles contribué à une transformation de la criminalité et des associations criminelles ?

Les associations criminelles qui préexistaient à la mondialisation, ont su en fait s’adapter de la plus remarquable des façons aux outils de la mondialisation. Routes commerciales sur de longues distances, transactions financières instantanées, paradis fiscaux et zones franches, garantie du secret bancaire sont des atouts essentiels pour les différentes mafias. Toutes les organisations criminelles, des plus anciennes comme la mafia sicilienne ou les triades chinoises, aux plus récentes comme la mafiovchina russe ou albanaises, ont toutes adopté le triptyque du profit : racket, trafic de drogue, blanchiment. Le trafic de drogue, car il permet des profits rapides avec des volumes peu importants, est bien plus rentable que celui des cigarettes. Toutefois, cette drogue légale qu’est le tabac a pu permettre à des mafias de réaliser l’accumulation primitive permettant de se livrer à des trafics plus rémunérateurs mais aussi plus risqués comme la drogue, les être humains, les armes.

Les drogues en tant que produits de consommation présentent des caractéristiques qui les rattachent à d’autres produits, licites ceux là, comme les fruits exotiques.

Produites dans ces zones climatiques spécifiques, avec une main d’œuvre à faible coût, elles sont essentiellement consommées dans des pays développés, même si elles ont tendance à se développer aussi dans les pays les moins avancés et les NPI.

Les drogues à base de produits naturels ( pavot, coca, cannabis), sont donc produites en application du principe des avantages comparatifs. ( Caractéristiques climatiques, coût de main d’œuvre, sécurité des exploitations, c’est à dire inefficacité des États, etc.)

C’est au niveau des circuits de transformation et des transports que la géopolitique, en tant qu’instrument d’analyse des territoires, des réseaux de communication et des conflits qui en découlent devient pertinente.

De la même façon, et pour reprendre le vocabulaire de la mondialisation, les associations criminelles, sicilienne et colombienne, ont connu un processus de délocalisations, de concentration et de diversification.
Elles sont confrontées dans ce domaine à des pays émergents. Les triades venues de Chine, une tradition criminelle très ancienne et largement internationalisée grâce aux diasporas, et la Russie, profitant des héritages soviétiques, armement et services secrets, forces spéciales.

L’ouvrage d’Alain Labrousse permet donc de faire le point sur l’ensemble de ces données, de façon forcément rapide mais toujours précise.

Les deux premires chapitres, « origine et diffusion des produits illicites dans le monde », et « mafias de la drogue et corruption du politique » permettent de situer les enjeux de la question. Comment l’argent de la drogue, plus de 300 milliards de dollars selon les sources, peut-il corrompre des secteurs des appareils d’État, y compris au plus haut niveau ?

Le troisième chapitre permet d’entrer de plein pied dans l’analyse géopolitique, avec la relation existant entre drogue et conflits. Source de financement pour des groupes de guerilla, moyen de subversion dans certain cas, avec l’exemple du Vietcong diffusant des drogues auprès des GI’s et des marines, le trafic de drogue pose des problèmes de partage de territoires, pour les zones de culture comme pour les circuits et espaces de diffusions. Nous partons de l’échelle régionale à l’échelle locale, voire du quartier, territoire des gangs.

Le quatrième chapitre permet de comprendre comment les forces armées révolutionnaires de Colombie et les Talibans en Afghanistan ont pu utiliser la drogue, cocaïne et héroïne, comme source de financement mais aussi comme instrument diplomatique.

Mais la lutte contre les trafics de drogue a aussi été utilisée comme élément d’une analyse géopolitique et permettant de fonder une stratégie régionale. La volonté étasunienne de contrôler le pré-carré d’Amérique centrale, les espaces d’Asie centrale aux enjeux pétroliers majuers, ont autorisés différents accomodements avec les principes du prohibitionnisme absolu des ladministrations républicaines comme démocrates. Une fois de plus, et malgré les engagements des instances internationales, le dernier mot revient à l’hyperpuissance mais elle se heurte dans sa volonté d’éradiquer le fléau à différents obstacles, comme la souveraineté des États, mais aussi les règles de fonctionnement de la mondialisation qu’elle défend par ailleurs.

Bruno Modica
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