Alors que se profile la mise en place de la réforme du lycée avec, notamment, un nouvel enseignement de spécialité appelé Histoire-Géographie, géopolitique et sciences politiques, parait cet ouvrage de Barbara Loyer, professeure à l’Institut français de Géopolitique et membre du comité de rédaction de la revue Hérodote. Autant dire qu’il tombe à pic pour faire le point sur un domaine, la géopolitique, qui est une composante importante de ce nouvel enseignement.

Un ouvrage clair avec de nombreux éclairages

L’ouvrage est structuré en trois parties : la méthode géopolitique, les concepts et la géopolitique, les géopolitiques. Dans l’introduction, l’auteure souligne l’engouement pour le terme de géopolitique qui a tendance à remplacer aujourd’hui l’expression de « relations internationales » dans un contexte marqué par la mondialisation. L’objet de la géopolitique « n’est pas tant l’espace en tant que tel, mais les rivalités et les manoeuvres qu’y développent des groupes antagonistes ». Il précise, au début de chaque chapitre, ses objectifs et propose un certain nombre de focus, d’études de cas. A la fin de chaque chapitre, le lecteur dispose d’une synthèse, de lectures conseillées ainsi que d’une liste de notions clés.

La méthode géopolitique

Cette première partie aborde trois aspects : la question du savoir géographique puis comment aborder l’analyse des convictions qui s’opposent dans un conflit et enfin comment tenir compte des acteurs dans une rivalité. Barbara Loyer commence en  parlant des outils du géopoliticien et de sa méthode qui consiste à cerner des ensembles spatiaux, les décrire, et avoir une démarche pluridisciplinaire. Ainsi, la délimitation des lieux ne va pas toujours de soi : où s’arrête le centre-ville, où commence la banlieue ? Ensuite, l’auteure aborde le diatope qui est une représentation formée par la superposition schématique des différents plans sur lesquels sont cartographiés les phénomène observés. Cela permet notamment d’articuler phénomènes internes et internationaux comme dans les migrations actuelles en Méditerranée. Barbara Loyer insiste ensuite sur le fait que l’analyse géopolitique ne cherche pas à dire qui a raison mais montre combien il existe de positions différentes sur un problème. L’image du kaléidoscope qu’elle emploie se révèle pleinement pertinente. Elle isole ensuite de façon très intéressante des exemples de représentations géopolitiques et s’attarde sur la nation comme représentation géopolitique majeure mais avec de multiples facettes. Enfin, l’auteure cible quelques acteurs et proposent de distinguer ceux qui encadrent la population, ceux qui participent aux décisions et enfin les médias et réseaux sociaux. 

Les concepts

Dans cette partie, Barbara Loyer se consacre à quelques termes clés de la géopolitique en commençant par territoires et frontières. C’est l’occasion d’une typologie qui distingue des territoires sacrés, des territoires ressources ou encore des cyberterritoires. La frontière fait également l’objet d’explicitations en rappelant que, depuis la fin de la Guerre froide, 27 000 kilomètres de frontières nouvelles ont fait leur apparition. Le chapitre 5 se focalise sur guerre et géopolitique. Après la nécessaire définition, la question tactique est abordée. On découvrira sans doute quelques acronymes comme ROIM renseignement d’origine image). On trouvera également un paragraphe sur guerre et démocratie. Ce dernier terme fait d’ailleurs l’objet du chapitre suivant en examinant ses rapports avec la géopolitique. Autant dire que celui-ci pourra s’avérer très utile dans le cadre du nouvel enseignement de spécialité afin de ne pas avoir uniquement une vision historique de la démocratie. Ce terme peut recouvrir des représentations contradictoires car parfois utilisé comme synonyme d’égalité, de justice ou de souveraineté. 

La géopolitique, des géopolitiques 

L’objectif dans cette dernière partie est, selon les mots de l’auteure, de « faire apparaitre certains aspects singuliers de la démarche selon les contextes ». Tout d’abord se pose la question de la géopolitique locale comme le montrent les conflits d’aménagement du territoire. Barbara Loyer approfondit ici  la question du jeu des acteurs. La ségrégation est un exemple de question géopolitique locale mais l’auteure traite aussi de la géopolitique électorale. Le dernier chapitre est consacré à la question des risques en soulignant que la mondialisation des activités augmente la part d’inconnu. Il peut s’agir de risques économiques, stratégiques ou juridiques notamment.

Des focus et des études de cas très pratiques

L’ouvrage comprend, comme on l’a dit, un certain nombre de focus, plus courts et donc plus nombreux, et d’études de cas, plus détaillées. On pourra ainsi en signaler plusieurs qui pourront rendre d’utiles services dans le cadre de nos enseignements. Ainsi, parmi les focus, on peut signaler : La banlieue en France, Que peut-il se passer en Catalogne ?, Le contrôle effectif par le Maroc du territoire d’un Etat voisin ou La violence et la démocratie. Du côté des études de cas, on pourra se pencher sur  « Les réfugiés du Darfour au Tchad », ou encore Les buts de guerre contradictoires des différents groupes djihadistes. 

Cet ouvrage est donc indéniablement à conseiller, que ce soit dans une optique de formation continue professionnelle ou afin d’actualiser un certain nombre de connaissances dans le cadre du nouvel enseignement de spécialité. 

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes