L’auteur, Patrice Gourdin, est docteur en histoire, professeur agrégé de l’Université, enseigne les relations internationales et la géopolitique auprès des élèves-officiers de l’Ecole de l’Air. Il appartient au Groupe éthique et relations Internationales (GERI) de l’Ecole de l’Air. Il intervient également à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence.
La préface d’Yves Lacoste nous indique que l’auteur se situe dans le courant de géopolitique initié par le maître, il reprend dès son introduction la définition maintenant devenue classique : la géopolitique c’est « l’étude des rivalités de pouvoir et/ou d’influences sur un territoire donné ». La table des matières se présente sous la forme d’une série d’ « entrées » permettant de faire le point, un à un, des différents éléments constituant des rivalités de pouvoir. Soulignons d’emblée que le géographe pourrait être surpris d’un ouvrage débutant sur le relief, le climat, la végétation rappelant les analyses géographiques qui font partie du passé, mais on doit recommander au lecteur de ne pas s’en tenir là, l’ouvrage est un outil dont la lecture ne se déroule pas comme une analyse linéaire, mais avec des interactions multiples, bref il faut comme l’a toujours souligné Yves Lacoste commencer par faire de la géographie et mettre en interaction les différents paramètres, donc aller vers une analyse du « territoire » avec toute la richesse que sous entend ce concept.
Le lecteur par exemple s’intéressant à la question kurde pourra consulter plusieurs chapitres notamment celui sur le rôle du relief, les clivages claniques et tribaux, les clivages linguistiques, les ambitions de puissances régionales ainsi l’ouvrage par la richesse des informations incite le lecteur à comparer les problématiques géopolitiques.
Chaque thème étudié fourmille d’exemples d’analyse territoriale à des échelles différentes ainsi le chapitre sur le poids des intérêts économiques propose une réflexion sur les nouveaux enjeux géopolitiques en Afrique et le rôle des Etats Unis et surtout de la Chine dans cet espace ; on retrouve une analyse identique sur le rôle du gaz en Russie ou les enjeux économiques autour des paradis fiscaux.
L’ouvrage donne sous forme de fiche (mais ce n’est que quelques pages !) le résumé des méthodes d’analyse géopolitique, celles-ci sont sans doute intéressantes pour ceux qui sont peu initiés à l’analyse documentaire mais le lecteur historien ou géographe qui sait croiser les informations et critiquer les sources n’y verra que peu d’intérêts.
Les 130 dernières pages sont consacrées à des études de quatre cas de conflits majeurs : le Tibet, le Darfour, la Tchétchénie et l’Afganistan mettant en évidence la complexité de l’analyse géopolitique. Si on prend l’exemple du Darfour le plan du chapitre dévoile la méthode et l’usage qu’on peut faire du manuel : 1 Un carrefour pauvre mais disputé : il faut alors prendre en compte les conditions générales du Sahel et particulière du Darfour, une région de montagne bénéficiant d’eau et de sols fertiles, disputée du fait des conflits « traditionnels » dans ces régions entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires ; 2. Une population hétérogène et marginalisée, nombreuse (croissance démographique ) marquée par des oppositions traditionnelles ethniques et claniques ( voir chapitre du manuel) ; 3 : L’Etat mal aimé renvoie aux chapitres sur les rivalités politiques et le sentiment national ( dans ce cas absence de sentiment national) et nous indique que la «nation » soudanaise n’est pas encore constituée en tant que tel d’où des oppositions entre « arabes » et non arabes; 4. Les enjeux internationaux renvoyant aux chapitres sur le nouveau rôle de la Chine et des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de la France (avec le Tchad) en Afrique mais aussi en changeant d’échelle (essentiel en géographie !), le rôle de l’Egypte de la Libye, de l’Erythrée.
L’ouvrage s’achève par une importante bibliographie, forcément incomplète mais qui a l’avantage de répertorier les ouvrages essentiels sur quelques grandes questions avec le souci de citer les publications reflétant la variété des points de vue surtout pour des questions sensibles comme le proche et le moyen orient.
Nous pouvons donc dire que cet ouvrage est une contribution à la réflexion géopolitique, un peu « didactique » peut être, mais nous pensons qu’il peut être très utile aux collègues de lycée, ainsi qu’aux étudiants des classes préparatoires aux écoles de commerce ainsi qu’aux étudiants d’histoire, de géographie et d’économie. L’auteur qui connaît les travaux de l’Institut de géopolitique de Paris 8 n’ignore pas l’importance des études de cas qui ont pour fonction de démontrer la complexité des enjeux parfois cachés, son manuel peut permettre de construire ce savoir pour une discipline qui devient de plus en plus importante dans l’enseignement supérieur mais aussi l’enseignement secondaire et permet d’associer (et éventuellement de démontrer ) les liens étroits entre les disciplines géographiques et historiques.