Télérama propose un bel hors-série consacré à l’art urbain et articulé autour de trois grands axes intitulés respectivement « les pionniers », « les aventuriers du graffiti » et « les explorateurs du street art ».

Le magasine a choisi de présenter, de manière subjective et chronologique, quelques-unes des grandes figures, de l’un « des plus puissants courants artistiques du XXe siècle ».

Les pionniers

Parmi les « pionniers », ce sont les artistes Richard Hambleton, Ernest Pignon-Ernest et Gérard Zlotykamien qui sont retenus.

Richard Hambleton (1952-2017) a été le « compagnon de route » de Basquiat et de Keith Haring. Selon Olivier Granoux, c’est lui qui a « posé les bases de l’art urbain (p.7) ».

Il débute sa carrière artistique en dessinant plus de 600 fausses scènes de crime dans de grandes villes des États-Unis. Il dissémine ensuite dans l’espace urbain de New York des Shadowmen, des « hommes de l’ombre », peints rapidement, au pinceau et qui ont un aspect des plus inquiétants. En investissant de la sorte l’espace public, Richard Hambleton gagne le surnom de Godfather of street art, « le parrain du street art ».

Ernest Pignon-Ernest est un artiste engagé aux multiples combats. A propos de sa technique, Olivier Granoux (p.9) écrit qu’elle est artisanale : « il réalise ses dessins au fusain à l’échelle 1 sur du papier fragile ; collé en extérieur, celui-ci finit invariablement par se détruire au contact de la pluie, du soleil et du vent. Cet art contextuel et éphémère, fondé sur des actions dans l’espace public, présage l’esprit du street art ». Certains « street-artistes » se revendiquent aujourd’hui de son influence.

Gérard Zlotykamien a été proche de Yves Klein. A partir des années 70, il utilise une bombe de peinture et se met à réaliser sur les murs, et ailleurs, des personnages baptisés « les éphémères ». Aujourd’hui artiste reconnu, il a peint son premier grand mur à l’âge de 81 ans !

Les aventuriers du graffiti

La deuxième partie débute avec Henry Chalfant, photographe qui va, avec la photographe Martha Cooper, offrir une documentation riche sur le développement du graffiti à New-York. Leur livre Subway Art, paru en 1984, est considéré comme le premier opus traitant du graffiti.

Dondi White (1961-1998) fait ensuite l’objet d’un large focus. Le jeune homme a d’abord graffé sur des rames de métro. La qualité de son travail va être régulièrement mise en avant (il est surnommé « le grand maître du style ») et le travail de Martha Cooper et d’Henry Chalfant va le rendre célèbre en Europe. Pour autant, Dondi ne franchira pas l’Atlantique et ne pourra, aux États-Unis, vivre de son art. Vingt-cinq ans après son décès, sa production est aujourd’hui appréciée par les collectionneurs…

C’est ensuite au tour de Bando, de son vrai nom Philippe Lehman, de faire l’objet d’un article. Formé par un graffeur new-yorkais, Bando monte avec Scam le groupe Bomb Squad 2. Ils vont graffer dans Paris notamment sur les palissades des chantiers du Louvre et de Beaubourg. Bando va ensuite voyager et arrêtera de peindre au début des années 1990.

Le collectif 1UP, pour One United Power (« un pouvoir uni ») est également mis sous les projecteurs. Emmanuelle Dreyfus (p.29) écrit qu’il s’agit de graffeurs qui « ont fait du tag une opération commando à sensations fortes : peinture non pas à la bombe, mais à l’extincteur haute pression ; ascension vers des toits imprenables ; attaque en plein jour d’une rame entière de métro ». Leurs deux œuvres les plus célèbres sont la réalisation d’une fresque sur une épave de cargo en baie d’Éleusis et une autre fresque dans un quartier de Naples, sur un ensemble d’immeubles.

Enfin, ce deuxième volet se clôt sur le travail du français RCF1 et sur son pictogramme présentant une tête de fantôme épousant la forme d’un point d’exclamation.

Les explorateurs du street art

Dans la troisième et dernière partie, de nombreuses figures incontournables sont présentées ou interviewées, à l’instar de JonOne. L’Américain venu travailler et vivre en France, est aujourd’hui dans le « top 3 des streets artistes les plus chers ». Chevalier de la légion d’honneur, il a réalisé une toile intitulée Liberté, Égalité, Fraternité, inspirée de La Liberté guidant le peuple, et qui se trouve accrochée à l’Assemblée nationale.

Olivier Granoux propose un voyage dans Bristol à la rencontre des œuvres de Banksy qui y sont encore visibles (« La jeune fille au tympan percé » ; « well hung lover » ou encore « The mild mild west ») et offre également une contribution sur les belles réalisations animalières de Roa (p.58-61).

Le même auteur s’intéresse au travail de Rero. Ce dernier indique (p.50) : «je voulais garder la notion d’appropriation de l’espace que j’avais expérimentée à travers le graffiti, mais me débarrasser de toutes ses obligations calligraphiques (…). J’ai opté pour une typographie très lisible, la moins connotée possible, et dépourvue de style. J’ai choisi la police de caractères Verdana, très neutre et utilisée partout dans le monde, et décidé de la barrer d’un trait noir en référence aux toys (« tag on your shit »), pratique courante consistant à rayer ou à recouvrir les tags des autres graffeurs. Je voulais continuer à intervenir en extérieur, mais en employant un langage plus proche de moi et de mon époque ». Il en ressort un travail des plus intéressants.

Un article de Stéphanie Lemoine présente sept figures féminines de l’art urbain. On y croise, entre autres, Miss.Tic, Petite Poissone ou encore MadC.

Des articles sont encore consacrés à Kaws, aux fans d’Invader qui flashent partout dans le monde ses réalisations, à « l’oasis artistique » de Djerbahood et à une réflexion sur la légitimité (ou non) de présenter dans des « expositions officielles » des œuvres issues de la rue.

Grégoire Masson