Auteur d’une thèse remarquée sur les images des rois de France pendant les guerres d’Italie, Didier Le Fur est l’un des historiens spécialistes des XVe et XVIe siècles français, sur lesquels il a publié Marignan 1515. Des biographies remarquées – Louis XII, Charles VIII, Henri II –, son travail en 2015 sur François Ier, aboutissement de quinze années de réflexion, a été unanimement acclamé par la critique. Son livre, Diane de Poitiers, a reçu le Grand Prix de la biographie politique en 2017. Son ouvrage Une autre histoire de la Renaissance montre une vision différente de cette période où on cherche à retrouver une splendeur passée, un âge d’or révolu.

N’en déplaisent à ceux qui décrient l’histoire événementielle dite histoire désuète de nos grands-pères, Didier Le Fur s’est amusé à collecter les images populaires incluant des personnages haut en couleur qui constituent ce qu’on appelle souvent « le roman national ». Si l’Église chrétienne a utilisé des représentations iconographiques pour l’enseignement des fidèles, le pouvoir royal a fait de même. Les enluminures médiévales témoignent de cet engouement pour l’illustration des hauts faits religieux, politiques ou militaires. Ensuite, ces images ont servi à glorifier un passé que l’on voulait commun. Les mises en scènes théâtralisent des événements qui sont parfois déformés, valorisés par leurs successeurs. Au XIXe siècle, la peinture d’histoire devient référence historique et source véritable. Les rois (Louis XVIII, Charles X mais surtout Louis-Philippe) sollicitent les artistes français pour représenter un passé qui manquerait d’images. Après avoir été présentées au salon, les œuvres sont exposées au musée royal (le Louvre) tandis que certains historiens, selon le modèle de Walter Scott, recomposent des vies et des émotions aux acteurs du passé. Dans cette histoire mémoire, il s’agit de montrer la prétendue progression de la civilisation française. Louis-Philippe va plus loin que ses devanciers, il conçoit un projet à Versailles, d’un musée à la gloire de l’histoire de la France, un gigantesque livre d’histoire écrite au pinceau. Sont alors créées les salles dédiées à la Révolution, à l’Empire, la galerie des batailles… L’entreprise est poursuivie par les régimes suivants qui ont aussi besoin de légitimité et de rassembler les Français autour de valeurs communes.

Beaucoup d’œuvres ont disparu et Didier Le Fur pense qu’il serait illusoire de prendre « la partie pour le tout ». Cependant l’auteur propose d’analyser cette iconographie qui a nourri les manuels scolaires pendant si longtemps et qui reste exposée dans nos monuments et nos musées, à travers des exemples, jugés remarquables et glorieux. Stimulant un imaginaire historique commun, il nous invite à voir Clovis, au origines de la France, Vercingétorix et le mythe des origines gauloises, Geneviève, la bergère, Jeanne d’Arc, la guerrière, Charlemagne, le civilisateur à la barbe fleurie, Saint Louis le parfait chrétien et enfin Henri IV, le préféré… L’évolution de la représentation de ces figures emblématiques peut nourrir bien des cours d’histoire en montrant les anachronismes, leur rôle mis en valeur variant suivant les époques et ce qui est retenu en dépit des erreurs et des incertitudes. Cet ouvrage est aussi une leçon de lecture de l’image à transmettre aux plus jeunes parfois bernés par la profusion de codes pourtant erronés.