Les géographes connaissent bien le Grand Atlas qui paraît tous les ans aux Éditions Autrement sous la direction de Frank Tétard, docteur en géopolitique, enseignant dans la secondaire ainsi qu’à Paris Sorbonne Abou Dhabi, coéditeur de l’excellente émission Les dessous des cartes.

L’introduction pose le nouveau paradigme de la crise sanitaire

« Ce à quoi nous assistons aujourd’hui tient plus de la fin d’un cycle que de la répétition de quelque chose de connu » selon Ivan Krastev. La question est de savoir comment le monde va en sortir. Va-t-il prendre un virage vert ? D’après les auteurs, lutter efficacement contre le réchauffement climatique permettrait de prévenir les épidémies, celles-ci étant largement corrélées à l’empreinte anthropique sur la planète. On serait dans un cycle où une épidémie surviendrait environ tous les 3 ans.

Les rapports de forces mondiaux sont-ils bouleversés par la crise du COVID-19 ?

La pandémie de coronavirus met le monde à l’arrêt

Partie de Wuhan en Chine, l’épidémie a paralysé les 3/4 de l’humanité contrainte au confinement pour éviter sa diffusion. Elle a touché 10,3 millions de personnes en juin 2020 et fait 505 518 victimes, sachant que l’Amérique est le continent le plus touché, les populations noires plus affectées en raison des inégalités sociales qu’elles subissent (système de santé, emplois moins qualifiés de « première ligne »). A contrario, l’Afrique semble moins atteinte, s’expliquant par la jeunesse de la population et son intégration plus restreinte à la mondialisation. Pour juguler la propagation du virus, un confinement généralisé s’est accompagné de fermetures des frontières, un arrêt des flux économiques et des déplacements humains limités. Le monde est passé en quelques semaines au tout internet entrainant une fracture sociale et numérique et l’exacerbation du rôle des GAFAM américaines. Les conséquences sont multiples : économiques dont un chômage massif et un effondrement du PIB mondial, politiques avec des tensions entre la Chine et les USA. Selon une étude publiée en juin 2020, le confinement aurait permis d’épargner 530 millions de vies.

Les États-Unis et la Chine, des superpuissances ?

Donald Trump dirigeant de l’État le plus touché par le virus, a choisi le repli sur soi : retrait des accords de Paris sur le climat, rupture de l’accord sur le nucléaire iranien, déplacement de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, retrait des troupes en Syrie. Au niveau commercial, le président a engagé une véritable guerre économique contre la Chine, accusant directement ce pays d’être responsable de la crise sanitaire actuelle. Les États-Unis voient leur image écornée, surtout depuis le démantèlement de l’Obamacare et les conflits sociaux lors de l’affaire George Floyd. Face à l’immigration, la réponse est la construction d’un mur à la frontière mexicaine aux frais du Pentagone. Depuis l’élection de Donald Trump, le modèle démocratique américain est remis en cause.

L’entrée dans l’OMC en 2001 a propulsé la Chine au rang de premier exportateur mondial et de deuxième puissance mondiale, première puissance industrielle (premier déposant des brevets). Le pays défend âprement ses intérêts politiques (tensions en mer de chine) et financiers (premier créancier des Américains). Sa forte croissance économique a permis une amélioration du niveau de vie de ses habitants quoiqu’il existe de fortes inégalités sociales et régionales. Des FTN liées au pouvoir investissent dans les pays riches pour capter les savoir-faire et dans les Sud afin de s’assurer l’approvisionnement en matières premières agricoles, minérales et énergétiques. Pour sécuriser ses exportations, le pays a lancé un programme de routes de la soie financé par des fonds souverains, des corridors logistiques terrestres et maritimes dans plus de 60 pays. Le but est aussi de nouer des alliances politiques et économiques et de s’affirmer comme puissance régionale et mondiale. Après des accords banquiers pour contrecarrer l’emprise financière des États-Unis, la Chine ouvre sa première base militaire à Djibouti en 2016. Elle devient le deuxième État dans ses dépenses militaires. Sa prétention de puissance passe aujourd’hui par sa gestion de l’épidémie de COVID-19 qu’elle se vante d’avoir bien maîtrisée tout en jugulant la mise au pas de Hong-Kong, malgré les manifestations pro-démocrates et la réaction de Londres, ancienne puissance tutélaire. L’économie mondiale ne dépend plus de la triade, mais des fameux BRICS dont la Chine. Le pays du milieu serait devenu la première puissance économique mondiale avec 18 % du PIB en 2018 devançant les USA pour 15,1 %. Cependant en 2020, les États-Unis restent la seule puissance globale détenant une capacité de déploiement militaire et d’innovation technologique inégalée, une influence culturelle encore forte et une forte puissance financière et monétaire car ils contrôlent le système financier international.

La Russie et le monde

Depuis l’arrivée de Vladimir Poutine, on assiste au retour de la Russie sur la scène internationale. Le pays semble présent sur tous les grands dossiers : l’Ukraine, la Syrie, l’Iran. Les Russes apprécient le retour de leur pays comme grande puissance. La politique étrangère menée relève du pragmatisme sachant que l’arsenal nucléaire a le même poids que pendant la guerre froide. L’impact de la guerre hybride lors des élections américaines a été exagéré. Le quatrième mandat du président vise à la maîtrise de l’espace post-soviétique dans le but d’accéder à un monde tripolaire. Cela passe par le développement d’infrastructures renforcées par le projet de routes de la soie lancé par la Chine.

L’Union européenne, enfin solidaire ?

Face aux conséquences du COVID-19, l’Union européenne a proposé un plan de relance d’un montant historique de 750 milliards d’euros, montrant une grande solidarité après une décennie d’eurosceptiques et après le Brexit voté en 2016. L’ampleur du choc dû à la pandémie ne peut être reprise ici, puisqu’une deuxième vague est annoncée. Cet endettement commun constitue une première et marque un tournant dans la mutualisation de la dette. La banque centrale européenne a réagi pour calmer les marchés et s’affirme comme la clé de voûte du système financier européen et de son économie. La crise s’est cristallisée sur le problème des migrants qui ont été 271 millions en 2019 selon l’ONU.

L’Europe est devenue une forteresse assiégée, les flux de migrants étant concentrés dans de vastes camps aux frontières comme en Turquie. Le droit d’asile a été revu dans plusieurs pays à cause du confinement, la France invoquant l’impossibilité de garantir les conditions sanitaires. La crise a cependant révélé l’importance de cette main-d’œuvre dans les emplois dits de première ligne, souvent pénibles et précaires. L’UE reste la première puissance mondiale. Elle réalise 40 % du commerce mondial des marchandises et 25 % des exportations.

Les défis de la mondialisation

La planète brûle

Ces 20 dernières années, l’évolution du climat se caractérise par une fréquence, une intensité, une étendue spatiale et une durée inhabituelle des extrêmes météorologiques : tempêtes sur la façade atlantique, cyclones aux Caraïbes, chaleurs extrêmes et fortes pluies dans le sud-ouest de la France, en Europe, grande sècheresse et incendies en Australie qui ont duré plus de 5 mois (record mondial de chaleur mesuré en décembre : 49,9°C, destruction de plus de 1 milliard d’animaux). Reste que ce genre d’aléas a eu lieu au cours de l’histoire. Il y a 20 000 ans, lors de la dernière glaciation, la température moyenne a augmenté de 5 degrés et l’élévation du niveau de la mer de 120 m. Mais ce changement s’est étalé sur 10 000 ans. Aujourd’hui on assiste à une rupture dans l’échelle du temps. 2019 a été la deuxième année la plus chaude dans le monde après 2016. Cependant les accords de Paris en 2015 (COP21), signés par presque la totalité des États sauf les USA et engageaient les États à limiter les GES, sont un échec. Des ONG demandent un tournant vert dans les plans de relance post-COVID.

La mondialisation renforce les inégalités

La carte des inégalités dans le monde ou celle des riches au Royaume-Uni montrent à quel point le monde n’a jamais été aussi riche. Cependant le modèle libéral est un facteur majeur de tensions et de crises à toutes les échelles. Un Norvégien produit 470 fois plus de richesses par an qu’un habitant du Burundi.

Sur notre planète, s’affrontent plusieurs mondes mis en concurrence avec la libéralisation des échanges et des mouvements de capitaux. Les richesses sont mesurées par le PIB sous forme de patrimoine financier ou immobilier polarisés dans des espaces restreints. Ainsi les États-Unis sont 27 fois plus riches que toute l’Afrique. Selon le crédit suisse, 8 % disposent de 86 % des richesses. Ces structures sont largement dues au développement, depuis les années 1980-90 du régime d’accumulation financière. Ces inégalités sont des facteurs majeurs d’organisation spatiale. Les métropoles sont largement favorisées ; Londres centralise les 1 000 résidents les plus riches du Royaume Uni et 56 % de leur fortune.

Le système financier mondial : instable et spéculatif ?

Le système censé répondre aux besoins économiques, sociaux et territoriaux des États et des entreprises, est devenu hypertrophié et spéculatif. La dérégulation au profit d’une oligarchie a conduit à la crise de 2008. Le seul stock mondial des dettes publiques représente 160 000 milliards de dollars en 2016, 235 % du PIB mondial. Le marché mondial des actions est organisé par une soixantaine de bourses mais NYSE et NASDAQ en détiennent 41 %. Washington utilise le dollar comme instrument de puissance au service de ses intérêts comme l’embargo sur l’Iran suivi par le Européens.

Au cœur du système financier européen, le City de Londres fonctionne comme un socio-pôle de 455 000 salariés dont 62 % ont entre 20 et 40 ans très diplômés et très bien payés. Une certaine spécialisation de l’espace est même réalisé, au centre, les services financiers, à l’ouest le droit des affaires.

La course à l’innovation, le moteur de la puissance

La recherche et l’innovation demeurent très polarisées et s’intègrent dans des territoires spécifiques situés pour l’essentiel dans les métropoles mondiales. 5 États en concentrent 73 % dont les USA où l’innovation est un pilier de son hégémonie mondiale et la Chine qui dépasse la France dans le dépôt de brevets. La mondialisation des firmes entraîne des contradictions entre concurrence et collaboration, diffusion et rétention. Pour les dépasser, la polarisation métropolitaine semble la réponse adaptée grâce à la main-d’œuvre qualifiée et interconnectée. Les grands pôles américains concentrent un potentiel universitaire, des lieux comme la Silicon Valley. Ces territoires permettent la naissance des GAFAM et du BATX (acronyme chinois de Baiu, Alibaba, Tencent, Xioami), emblèmes de l’économie numérique et de l’intelligence artificielle en plein développement, souvent liées à des systèmes stratégiques. Sur 3 600 data centers employant 600 000 salariés, 42 % sont aux USA. Leur géographie reflète les hiérarchies de l’espace mondial. Le nouveau secteur de l’IA (intelligence artificielle) et sa capacité à stocker et analyser les données des individus voit son développement s’accélérer aux USA et en Chine, pays qui voit un moyen de contrôler le civisme de sa population, appliquant à chaque personne, une note sociale.

L’automobile, un secteur très mondialisé

Ce secteur est particulièrement touché par la crise du COVID-19. PSA et Renault adoptent donc des stratégies couplées. Peu présents en Amérique, ces constructeurs misent sur le marché européen et émergent. En Chine, ils possèdent les mêmes partenaires industriels (Dongfeng), la même localisation à Wuhan. Mais PSA domine en Asie et s’assure un redéploiement à l’international par une montée en gamme et la création de sa marque DS, tandis que Renault valorise les véhicules low-cost de Dacia et son association avec Nissan montre un positionnement sur les voitures électriques. Certaines marques de pays émergents percent. La Malaisie lance sa marque Proton en 1980 et exporte son premier modèle dans les pays de conduite à gauche en particulier au Royaume-Uni.

Le tourisme mondialisé face à l’épidémie de COVID-19

En 25 ans, le nombre de touristes internationaux a été multiplié par trois, à un rythme plus rapide que prévu. Cette croissance fulgurante confirme l’importance de ce secteur pour l’économie mondiale (300 millions emplois) et pour le développement économique des pays d’accueil. En 2019, le Moyen-Orient a connu la plus forte croissance. L’Europe reste la destination privilégiée avec 743 millions de touristes, la France dépasse à elle seule 91 millions de visiteurs (8 % de son PIB). Depuis une vingtaine d’année, on assiste à une diversification des pratiques et de l’offre touristique qui incorpore des lieux insolites aux marges de l’œkoumène tels que les déserts ou les régions polaires. La touristification du monde entraîne des aménagements, sources de conflits d’usage et de problèmes environnementaux. La crise sanitaire qui a fait annuler de grands événements comme les jeux olympiques à Tokyo et l’exposition universelle à Dubaï présage de grandes pertes pour l’économie mondiale que le tourisme local ne peut suffire à combler.

Paris : une ville globale comme une autre ?

Depuis la mondialisation et la nouvelle division internationale du travail (DIT), les villes dites globales et centres du commandement, concentrent la richesse par leur attractivité économique, culturelle et touristique. Elles sont l’interface avec les autres villes qui fonctionnent en réseau. Dans ce monde urbain qui ne cesse de se comparer, Paris se situe au 4ème rang en 2017 après Londres, New York et Tokyo. Elle est très bien notée pour son accessibilité (au cœur d’un hub européen) et sa main-d’œuvre hautement qualifiée, mais au 28ème rang pour sa qualité de vie. Les IDE en sa faveur ne cessent de s’améliorer.

Les grands enjeux de 2021

Le droit à la mobilité

Le nombre de passagers aériens a doublé en 15 ans, 4,5 milliards par an. Ils proviennent essentiellement d’Asie, d’Amérique ou d’Europe. Le faible nombre d’Africains prenant l’avion expliquerait la plus faible contamination de la pandémie sur le continent.

Pour les 2/3 des habitants de la planète, le droit à la mobilité n’existe pas, faute d’accès aux visas même si les riches des pays pauvres peuvent circuler en le monnayant ou par leur qualification. Si migrer est considéré par les philosophes depuis le XVIIIe comme un droit universel, la réalité est tout autre.

Le droit d’asile fragilisé en Europe

Selon le rapport du HCR publié en juin 2019, 70,8 millions ont été déplacés pour des motifs de persécution, de violence, de conflits ou de violation des droits de l’homme. Parmi celles-ci, 3,4 millions sont vénézuéliens et 26 millions sont des réfugiés originaires des trois pays : la Syrie, l’Afghanistan et le Sud-Soudan accueillis surtout en Turquie, au Pakistan et au Liban où 1 habitant sur 4 est un réfugié. 52 % des réfugiés sont des enfants. La majorité des réfugiés correspond des déplacés internes. Les autres séjournent dans un pays limitrophe. Malgré la garantie du droit d’asile par l’article 18 de la charte des droits fondamentaux, l’UE rend de plus en plus difficile l’accès à son territoire depuis la crise de 2015 et cherche à externaliser la rétention des migrants dans des pays tiers comme la Turquie. En France, les demandes ont explosé. Une mobilisation particulière vis-à-vis des femmes victimes de violence a été effectuée permettant la protection de mineures risquant des mutilations sexuelles.

La protection des données, à l’heure de la société numérique

A l’issu d’un débat public, la CNIL considère que pour « garder la main » sur l’intelligence artificielle, deux principes nouveaux  devraient être retenus : la loyauté et la vigilance, qui pourraient constituer une nouvelle génération de « droits système ». Les individus sont de plus en plus soucieux des risques relatifs à leurs données personnelles. Le nouveau cadre juridique européen, (le RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018, ouvre la possibilité d’actions collectives. Dans le cas du COVID-19, il requiert des États européens l’utilisation de données « anonymées » et « agrégées » afin de ne pas porter atteinte aux personnes concernées. Ailleurs, la géolocalisation des malades permettant la surveillance du respect du confinement ou de contenir le virus peuvent entraîner des dérives.

Peut-on encore produire et manger de la viande ?

Marqueur social dans certains pays, la consommation de viande ne cesse d’augmenter dans le monde. La volaille exempte de tout interdit alimentaire est privilégiée. Cependant ce type de repas est remis en cause dans les pays riches en raison de certains élevages intensifs « hors-sol » nourris par des produits d’origine lointaine, avec un désastreux bilan écologique. En effet, il est reproché à la production de viande de générer d’importants volumes de GES et de consommer de très abondantes quantités de grains, de ne pas tenir compte du bien-être animal. L’OMS recommande de ne pas trop en manger pour la santé. Les trois premiers producteurs sont les États-Unis, le Brésil et l’Union européenne, le premier exportateur mondial étant l’Inde.

Mettre fin à toutes formes d’esclavage

L’esclavage désigne un système socioéconomique reposant sur l’exploitation d’êtres humains, fonctionnant sous la contrainte et par la violence. En 2020, 40 millions de personnes sont victimes de l’esclavage dans le monde. Malgré son abolition selon la convention de Genève de 1926, l’esclavage perdure sous différentes formes et se renforce même,  le travail forcé, la servitude pour dette, l’exploitation sexuelle. Une victime sur quatre est un enfant. 71 % sont des femmes. Certaines organisations criminelles mondialisées vivent de la traite des êtres humains.

Le pétrole : la chute libre

Depuis la crise de 2008 et sans autre régulation que l’offre et la demande, le prix du pétrole n’avait pas connu une baisse aussi importante qu’en 2020. Les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial, talonné par l’Arabie saoudite, le premier importateur étant la Chine. Un accord entre la Russie et les membres de l’OPEP conduit en 2016 à une réduction de la production mais Donald Trump a réagi car les prix trop élevés qui en découlent, réduisent sa politique d’affaiblissement de l’Iran. Au printemps 2020, le prix du baril chute pour même être négatif en Amérique. La politique du G20 de faire des stocks stratégiques permet une stabilisation des cours mais la baisse de la demande fragilise les États dont la rente pétrolière est vitale comme le Nigeria ou l’Algérie dont 90 % de leurs revenus d’exportation couvre la moitié de leur budget. Elle risque d’encourager la consommation de brut au détriment des énergies renouvelables.

Quel Royaume-Uni après le Brexit ?

La sortie a eu lieu le 31 janvier 2020. S’ouvre alors une période de transition et de négociations allongée par la crise sanitaire. Négociateur pour l’Europe, Michel Barnier prône un accord ambitieux où les Britanniques acceptent des règles du jeu équitable sans exceptions et mesures dérogatoires. Un protocole annexe vise à préserver une frontière ouverte entre l’Irlande du Nord et la République irlandaise. Il instaure un mécanisme de « filet de sécurité » permettant de maintenir l’Irlande du Nord dans le marché intérieur bien que le Royaume-Uni n’y soit plus.

Printemps arabe, deuxième vague

2019 est l’année du retour de la contestation dans le monde arabe en raison des fortes inégalités sociales, de la corruption et de l’accaparement du pouvoir. En février 2019, le « Hirak » (soulèvement) algérien se mobilise contre la réélection d’Abdelaziz Bouteflika. Ce soulèvement est celui de la jeunesse qui ne se reconnait plus dans un pays dirigé par une gérontocratie qui s’accroche au pouvoir. Cependant, pour l’instant rien n’a changé même si la crise sanitaire a bloqué les avancées.

Au Soudan, la hausse des prix alimentaires a entraîné un soulèvement qui a conduit au renversement d’Omar el-Béchir au pouvoir depuis 1989. Un accord entre civils et militaires s’est établi dans l’attente d’élections prévues. Mais la situation s’aggrave avec l’effondrement économique, les pénuries et l’instabilité de régions comme le Darfour.

Libanais et Irakiens se sont soulevés contre le système politique accusé de corruption et d’ingérence étrangère.

Tensions, crises et conflits

Tensions croissantes en Asie

Si les tensions bilatérales en Asie du Sud-Est sont apaisées après la fin de la guerre froide, elles s’accélèrent en mer de Chine avec le poids de la puissance nucléaire de la Corée du Nord. L’Europe est potentiellement à portée des missiles intercontinentaux que le pays a testés. La capacité militaire de la Corée du Nord est source d’une nouvelle course aux armements comme au Japon. En effet, s’opèrent des tensions entre la Chine et le Japon, mais aussi entre la Chine et l’Inde pour des raisons territoriales dans une triangulation impliquant le Pakistan. Les tensions stratégiques alimentent le développement quantitatif des capacités notamment navales. Les États-Unis demeurent le principal facteur d’équilibre par son réseau de bases et ses alliances avec le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, les Philippines et Singapour.

Le Sahel : la guerre comme horizon ?

La déstabilisation de la Libye après 2011 a été une onde de choc qui a précipité le Sahel (le rivage en arabe) dans une crise sans fin. Les milliers de mercenaires soldés par Kadhafi puisent dans les arsenaux et se déversent vers les faibles États sahéliens. Le Mali est particulièrement vulnérable par la non-résolution du problème touareg. Les organisations djihadistes fusionnent dans la seule Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et conquièrent le nord Mali. L’opération SERVAL, sous l’initiative française balaye une partie de ces groupes tandis que Daesh les concurrence au Sahel et Boko Haram au Nigeria, au Tchad et au Cameroun. La France lance en août 2014, l’opération Barkhane dont le but est de briser les groupes djihadistes au Sahel. Face à l’immensité du territoire, les autorités françaises ont mis en place une force africaine composée de cinq pays (Mauritanie, Tchad, Mali, Niger et Burkina Faso). Cependant, l’ingérence européenne est largement critiquée par les opinions africaines. Avec 11 alliés européens, le France lance la Task Force Takuba visant à l’autonomisation des armées locales. Issus des forces spéciales, 500 hommes combattent aux côtés des armées malienne et nigérienne. Or les États aujourd’hui faillis tentent des dérives autoritaires alors que leur démographie s’avère galopante, ce qui les prive d’un espoir de stabilité économique. Par exemple, le Niger qui comprend aujourd’hui 20 millions d’habitants devrait dépasser les 45 millions de personnes en 2030.

Moyen-Orient : le choc des puissances

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dominent le Moyen-Orient par leurs dépenses militaires annuelles mais aussi par la possession des principaux sanctuaires musulmans. Fondée en 1962, la ligue islamiste mondiale finance la promotion de l’islam salafiste par le biais de la formation des imams et la construction de mosquées. Les EAU utilisent la manne du pétrole pour développer la touristique Dubaï et la culturelle Abou Dhabi. Le Qatar finance Al-Jazeera pour exercer son influence. Accusé de soutenir les Frères musulmans, cet État subit un embargo des pays voisins à cause de ses relations diplomatiques avec l’Iran surtout depuis la reconnaissance de Mohamed Ben Salam comme successeur du roi Abdallah. L’Iran est une puissance régionale d’importance. Elle a misé depuis 1979 sur l’islam chiite soutenant le Hezbollah libanais, la Syrie de Bachar el-Assad et le nouvel Irak.

Avec un arsenal militaire conséquent, la Turquie compte par son poids démographique. Héritière d’un empire considérable, l’arrivée du AKP au pouvoir en 2002 entraine la volonté de renouer des relations diplomatiques avec ses voisins. La guerre en Syrie lui a permis de pénétrer sur le territoire et de défaire les Kurdes du PYD. Les Turcs s’éloignent de l’OTAN au profit de la Russie et d’Israël. Ce dernier est moins isolé depuis ses relations nouées avec Donald Trump qui a reconnu Jérusalem comme capitale au mépris des accords avec les Palestiniens.

Le Yémen, une guerre oubliée

Pays gagné par la révolte en décembre 2010, il réunit tous les motifs d’insurrection comme le régime autoritaire d’Ali Abdallah Saleh, élu président du Yémen du Nord en 1978 avant d’être le principal artisan de la réunification en 1990 avec le Yémen du sud. Cependant une guerre se produit en 1979. Une division idéologique s’opère entre les deux Yémen : le Nord se rapproche des Occidentaux tandis que le Sud s’allie aux Soviétiques. Avec la médiation des pays du Golfe, la passation de pouvoir au vice-président aboutit à une sortie de crise. Cependant, une rébellion houthiste empreinte à Hussein Al Houthi assassiné en 2004, chiite zaydite, revendique le pouvoir et conteste la réunification du Yémen. Les houthistes sont soutenus par l’Iran tandis que le Sud s’appuie sur l’Arabie saoudite et ses alliés sunnites. Une guerre totale s’est alors déclenchée avec un bilan humain catastrophique, plus de 100 000 morts et 3,5 millions de déplacés sur une population de 28 millions d’habitants. Depuis la crise du COVID, rien n’est résolu.

La tragédie syrienne

La carte de l’occupation du sol syrien par des forces étrangères montre une souveraineté en miettes ! Tout bascule dans ce pays quand la Russie décide d’intervenir : ses forces aériennes bombardent les foyers de résistance à l’instar de ceux de la ville d’Alep-centre. Vladimir Poutine impose son calendrier alors que Trump décide de retirer les troupes américaines qui luttent contre Daesh. La Russie doit s’accommoder de trois acteurs aux intérêts bien différents : la Turquie veut combattre les forces kurdes à sa frontière sud, l’Iran veut rester en Syrie pour affirmer sa puissance tandis que Bachar el-Assad considère qu’il est le maître du jeu. La Syrie est dévastée et traumatisée par 10 ans de guerre tournée sur les civils. La violence du régime n’a plus de limites usant d’armes chimiques contre son peuple.

La Russie, retour au Moyen-Orient

A la faveur des erreurs des Occidentaux, ce pays revient sur le plan politique au Moyen-Orient le but est de rehausser le prestige des Russes au niveau international afin de renforcer la position de Vladimir Poutine sur la scène nationale. Ce dernier qui a fait modifier la constitution pour s’assurer le pouvoir jusqu’en 2036, assure son soutien aux régimes en place, garants de la stabilité régionale. Il reste le soutien militaire de l’axe chiite, Iran – Irak – Syrie alouite – Hezbollah libanais. Moscou noue des liens avec la Turquie, pourtant en opposition. Entre 2015 et 2018, neuf sommets ont eu lieu avec Israël (un million de russophones émigrés de l’URSS depuis 1990). Enfin, la Russie s’érige en défenseur des chrétiens d’Orient depuis que le patriarche russe ne reconnaît plus la prééminence du patriarcat de Constantinople.

Amérique latine, contestation sociale et instabilité politique

Les crises de gouvernabilité, les scandales de corruption et les inégalités sociales ont mobilisé les citoyens d’Amérique du sud dans la rue. La société chilienne s’est dressée contre la cherté de la vie et le système ultralibéral mis en place par Pinochet qui génère de grandes inégalités. Un référendum récent penche en faveur d’une révision de la constitution.

En Bolivie, le président Evo Morales est obligé de démissionner après des affaires de corruption alors qu’il avait réussi à faire changer la constitution pour être réélu. La sénatrice Jeanine Anez a assuré l’intérim. Les élections d’octobre 2020 ont donné victorieux le dauphin d’Evo Morales.

Depuis l’instauration de l’État d’urgence en mai 2016, le Venezuela s’enfonce dans le chaos en provoquant une fuite massive de la population vers les pays voisins. La chute des prix du pétrole et l’incapacité étatique à résoudre la crise économique ont entrainé une paupérisation dramatique et une inflation de 9 500 % selon la banque centrale vénézuélienne.

 

Vers des « guerres climatiques » ?

Le lien de causalité entre changement climatique et conflictualité n’est pas établi. Si les vagues de chaleur, sécheresse et incendies ont augmenté et déclenché des manifestations, plusieurs facteurs sont à prendre en compte comme la spéculation sur le prix des céréales. Le GIEC reste prudent sur la croissance supposée des phénomènes extrêmes depuis 1950. Il estime que le changement climatique a un faible effet sur la conflictualité mais peut avoir un effet amplificateur sur l’instabilité de certaines zones du globe.

Juger les guerres et les génocides

La Cour pénale internationale, la CPI, est entrée en vigueur à La Haye en 2002, mise au point par une conférence internationale tenue à Rome en 1998 qui rassemblaient 124 États. Malgré le retrait de certains pays comme les USA, elle fonctionne et elle se dit complémentaire des États.

Retour sur l’histoire

Dans cette section, les auteurs reviennent sur des événements qui rappellent en miroir des moments de notre histoire récente : la peste noire, la guerre de Sécession, la naissance de la République d’Irlande, la mise en scène de l’Empire colonial français lors de l’exposition de 1931, la naissance de l’Europe, la construction du mur de Berlin, l’arrivée de la gauche au pouvoir en France et enfin les attentats du 11 septembre 2001. Chacun y verra un lien avec des événements récents.

Et demain ?

Des droits sur la nature ?

Le droit à l’environnement est aujourd’hui codifié dans plus de 300 traités multilatéraux ce qui génère un droit fragmenté. Sont admis le droit de pollueur-payeur, les responsabilités différenciées. La France a joué un rôle précurseur lors de la COP-21 et l’accord de Paris sur le climat en 2015. Plus de 100 pays ont inscrit la protection de l’environnement dans leur constitution. L’ONU pousse les gouvernements à agir. Mais si les droits sont reconnus, le grand défi reste leur application. Notons que les 50 % des pays les plus pauvres produisent seulement 10 % des GES.

L’espoir d’une vie plus longue

Le nouveau défi pour demain est de faire reculer la mort chez les adultes après avoir gagné la bataille de la mortalité infantile dans les pays riches. Les gains à attendre restent faibles car les maladies cardiovasculaires et les cancers sont les causes principales de décès. La prévention et les traitements précoces permettent de prolonger la vie ainsi que la lutte contre les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson). Devenir centenaire semble moins rare qu’auparavant.

Demain, un monde sans pétrole ?

Quitter le fossile pour une énergie « plus propre » exige la gestion de la consommation et le développement des sources alternatives tout en permettant à tous les pays d’accéder au niveau de vie le plus élevé possible. L’Union européenne a fait de la lutte contre les émissions de CO2 avant 2050, une priorité. La transition énergétique passe par l’amélioration de l’efficacité énergétique et la mise au point de motorisation alternative. Elle peut se faire en fonction des moyens technologiques, de l’acceptation de la population à les utiliser et de l’évaluation des risques environnementaux. Les énergies alternatives ont l’avantage d’être renouvelables.  Plus coûteuses, elles offrent une grande souplesse d’installation. La transition passe par le nucléaire dans des pays comme la France, vu « sa propreté climatique » mais il n’est pas accessible à tous les États et le problème des déchets demeure. La part des énergies renouvelables dans le monde est de 19,2 %. Le pays le plus engagé reste la Suède avec 54,5 % dans sa consommation d’énergie finale en 2017.

Changer de modèle agricole

Le changement climatique oblige les agricultures du monde à sortir de l’agriculture basée sur l’intensification par des engrais de synthèse, la concentration des exploitations et la mécanisation. Les solutions passent par les écosystèmes locaux et régionaux. L’agrobiologie s’interdit les OGM, les pesticides de synthèse et les engrais minéraux. En cultivant les variétés locales, elle assure le brassage génétique nécessaire à l’adaptation des plantes au climat. Or en 2015, seule 1,1 % de la surface agricole était convertie à l’agriculture biologique. La FAO promeut l’agroforesterie. Elle associe dans une même parcelle des arbres, des cultures ou des pâturages. On cultive dans les allées des arbres qui limitent l’érosion des sols et facilitent l’infiltration des eaux. Côté climat, le couvert végétal séquestre le carbone. A l’échelle locale se développe la permaculture, un concept qui vise à réaliser des écosystèmes.

Demain, cultiver en ville, même à Paris

Développer l’agriculture en ville pourrait permettre de nourrir au maximum 10 % de sa population. Elle participe à la végétalisation des villes et favorise la rétention d’eau, le recyclage des déchets organiques et le maintien de la biodiversité. En Ile-de-France, le nombre de jardin collectifs témoigne d’un « désir d’agriculture » des citadins. Depuis 2016, des projets « Parisculteurs » sont sélectionnés : produire des épices sur les toits, ménager des parcelles au cœur de la métropole. Cependant, l’agriculture périurbaine régresse. La métropole du Grand Paris a pour perspective de sanctuariser les terres agricoles existantes et de valoriser les circuits courts. Néanmoins, il reste du chemin à parcourir face à l’urbanisation toujours plus conquérante.

Un monde toujours plus urbain, mais des villes sans voitures

En 2020, 55 % de la population mondiale vit en ville. La croissance urbaine s’effectue surtout dans les mégapoles des Sud. New York constitue la seule métropole du monde occidental tandis que Tokyo serait devancée par New Delhi en 2035 avec 43 millions d’hommes. A cette date, il existerait 120 villes de plus de 5 millions.

Comment répondre aux besoins des populations en termes de logements, d’infrastructures, d’emplois, d’éducation et de santé. Paris a fixé à 2024 la fin des moteurs diesel et à 2030, celle des moteurs essence. A Pékin, après un certain de laisser-faire dans la gestion du trafic automobile, afin de soutenir l’industrie, la ville a décidé de se limiter à 100 000 immatriculations par an. Aujourd’hui un péage urbain est en projet. Depuis 2005, Londres fait payer un forfait journalier. La plupart des métropoles organisent leur hyper centre en favorisant les transports doux. Certaines actions visent à dégrader les voies rapides pour les adapter à d’autres usages. La Norvège s’est fixée l’année 2025 où seuls les véhicules électriques seront autorisés sur son sol, le parc étant alimenté par une énergie d’origine hydroélectrique. La ville de demain accueillera des voitures autonomes dont les essais semblent concluants.