Laurianne Martinez-Sève, professeur d’histoire grecque à l’université de Lille, spécialiste du Proche-Orient hellénistique et du royaume séleucide et Nicolas Richer, professeur à l’École normale supérieure de Lyon, spécialiste de l’histoire grecque archaïque et classique et plus particulièrement de Sparte, sont déjà les auteurs d’atlas aux éditions Autrement (Atlas de la Grèce classique Ve-IVe siècle av. J.-C., l’âge d’or d’une civilisation fondatrice pour N.Richer ; Atlas du monde hellénistique : Pouvoir et territoires après Alexandre le Grand pour L. Martinez-Sève) dont la réunion a permis de constituer ce Grand Atlas de l’Antiquité grecque classique et hellénistique. Pour ce travail, les auteurs ont été accompagnés par deux cartographes indépendantes ayant déjà collaboré à plusieurs ouvrages des Éditions Autrement : Claire Levasseur pour la partie classique et Madeleine Benoit-Guyod concernant la période hellénistique.
L’objectif de l’ouvrage est de donner à voir, au travers de quelques 200 cartes et documents en couleur (schémas, plans, infographies, généalogies), les caractéristiques essentielles du monde grec de l’époque classique à la période hellénistique. La taille de l’ouvrage (173 x 250 mm) permet de gagner en lisibilité, la présentation étant plus aérée et la taille de la police plus importante. Ce sont toutefois les cartes qui font prendre conscience que ce changement de taille pour l’ouvrage était indispensable pour une meilleure lisibilité, car aucune d’entre elles n’use de caractères trop petits. Cependant, on peut regretter la lourdeur de certaines cartes, notamment celles consacrées aux batailles qui auraient pu être subdivisées pour les rendre plus dynamiques.
L’ensemble est divisé en deux parties qui correspondent pour chacune d’entre elles aux deux Atlas d’origine : une première partie portant sur la Grèce classique et la seconde traitant du monde grec hellénistique. Chaque partie, débutant par une introduction, est elle-même subdivisée respectivement en 5 et 6 chapitres.
La Grèce classique (N. Richer)
Cette partie comporte cinq chapitres : les ressources et les hommes ; la Grèce balkanique et son évolution politique au Ve siècle ; les Grecs d’Occident aux Ve et IVe siècles ; l’affirmation de nouvelles puissances au IVe siècle et les pratiques de la guerre ; l’évolution culturelle et les grands sanctuaires.
Dans l’introduction, N. Richer revient sur la possibilité que l’union du monde grec face à la menace d’une invasion perse ait contribué au début du Ve siècle à une prise de conscience collective des Hellènes. Les échanges entre les collectivités hellénophones depuis l’époque archaïque ont certainement favorisé cette prise de conscience grâce à un « même sang et même langue, sanctuaires et sacrifices communs, semblables mœurs et coutumes » selon Hérodote. La période de la Grèce classique se caractérise par l’importance que joue la cité des Athéniens, même si le milieu de la période marquée par la guerre du Péloponnèse a vu la défaite d’Athènes face à Sparte. L’auteur rappelle également que l’époque dite classique (Ve-VIe siècles) est une dénomination qui rappelle à quel point cette période constitue un « temps de référence », tant par ses réalisations matérielles qu’intellectuelles.
L’auteur débute par un état des lieux des matières premières et des ressources halieutiques du monde grec ancien. Ces ressources, inégalement réparties, ont joué un rôle important dans l’histoire pour les cités qui les contrôlaient. L’agriculture tient également une place importante dans l’économie grecque et façonne le paysage de la région.
Le chapitre suivant présente les évolutions de la Grèce balkanique à partir de ses différents espaces (le Péloponnèse, l’Attique, la Béotie, la Thessalie, la Crète ou encore les cités grecques de l’Est) dont les cités de Sparte et d’Athènes tiennent la première place. Des études à différentes échelles sont proposées comme la présentation du Péloponnèse avant d’étudier la Laconie et plus précisément Sparte. Certaines doubles pages permettent de faire le point sur l’organisation politiques de quelques cités comme la réforme de clisthénienne et les institutions politiques à Athènes. Au sein de cette partie que l’auteur aborde les différents conflits qui ont jalonné la période étudiée (notamment les guerres médiques et la guerre du Péloponnèse entre 431 et 404).
Un cours chapitre permet de présenter les Grecs d’occident en réalisant un focus sur la cité de Syracuse.
Le quatrième chapitre permet de comprendre le rééquilibrage politique qui s’opère dès la première moitié du IVe siècle av.J.-C., suite à la défaite d’Athènes à la guerre du Péloponnèse en 404. Plusieurs pages sont consacrées aux évolutions des tactiques militaires (fortifications des villes, importance des port et construction de longs murs).
Pour finir l’auteur met en avant ce qui fait l’unité du monde grec. Ainsi sont présentés les différents sanctuaires d’Olympie, de Delphes ou encore d’Épidaure. Les évolutions culturelles ne sont pas en reste, en effet une double pas est consacrée aux principaux écrivains, savants et artistes grecs.
Le monde hellénistique (L. Martinez-Sève)
La partie rédigée par L. Martinez-Sève compte six chapitres : Alexandre à la conquête du monde ; un monde en mouvement ; les Séleucides et leurs voisins ; les Lagides ; Le monde égéen ; le monde occidental.
En ouverture, l’autrice pose le problème des sources pour travailler sur cette période. En effet, il s’avère que celles-ci sont extrêmement variées et inégalement réparties, conséquence directe de l’étendue des conquêtes d’Alexandre le Grand. Les documents grecs ont dans un premier temps été privilégiés au détriment des textes babyloniens et des textes démotiques égyptiens. La vision du monde hellénistique était par conséquent biaisée. Aujourd’hui l’historien de l’époque hellénistique dispose d’une documentation éclatée dans l’espace et rarement homogène ce qui rend difficile les généralisations et les analyses synthétiques, ainsi les approches régionales ont souvent été privilégiées. Toutefois, l’apport de l’ensemble de ces sources a permis de renouveler cette histoire et particulièrement dans le fonctionnement politique des royaumes.
Le premier chapitre est centré sur Alexandre et retrace chronologiquement les différentes étapes de ses conquêtes comme ses premiers combats pour faire respecter son autorité en Macédoine et à l’extérieur des frontières. Les affrontements avec le Perse Darius III sont présentés comme des moments clés avec les batailles d’Issos en 333 av. J.-C. ou encore la bataille de Gaugamèles en 331. Mais Alexandre a montré qu’il était également un grand homme politique en structurant et en contrôlant l’espace conquis.
Le deuxième chapitre est consacré au monde hellénistique. C’est un monde qui connaît de véritables bouleversements entre la mort d’Alexandre en 323 et le partage de l’empire entre les diadoques et l’annexion de l’Égypte par Octave en 30 av. J.-C. L’objectif de l’autrice est de rendre lisible, au travers d’une approche chronologique, une époque confuse où les mouvements territoriaux étaient incessants.
Les quatre chapitres suivants sont des études régionales : le royaume des Séleucides, celui des Lagides, le monde égéen et enfin le monde grec occidental.
Des royaumes nés du partage de l’empire d’Alexandre, le royaume des Séleucides est de loin le plus vaste. C’est un ensemble très mouvant et divers dont les cartes permettent de comprendre la fragilité. L’établissement de colonies et de garnisons a permis de d’organiser cet espace et de l’administrer avec les communautés locales. Toutefois, aucun des rois n’a réussi à contrôler l’intégralité de cet espace qui n’a jamais présenté d’unité. En conséquence, les guerres furent incessantes et ont permis le développement d’États périphériques comme le royaume de Pergame ou encore le royaume hasmonéen, qui ont progressivement pris le dessus.
Le royaume des Lagides est le royaume hellénistique qui a connu la plus longue histoire, dont l’apogée se situe au IIIe siècle av. J.-C. L’Égypte était le cœur de cette puissance terrestre et maritime et les Lagides sont devenus la 32e dynastie pharaonique. Les pages consacrées à ce royaume présentent tour à tour l’organisation du pouvoir, l’économie ainsi que les évolutions politiques et sociales des Lagides.
Le royaume de Macédoine est dominé par les Antigonides qui conservent l’organisation mis en place par Philippe II. Ce royaume est resté stable jusqu’à la domination romaine, bien que ses souverains aient tenté d’imposer leur autorité aux cités grecques restées indépendantes. Une double page est consacrée aux confédérations où des cités grecques (achéenne, étolienne) ont réussi à surmonter leur sentiment d’individualisme pour contrebalancer la puissance antigonide.
Le monde grec occidental n’avait pas été englobé dans l’empire d’Alexandre. Cet espace a été peu affecté par les bouleversements du monde hellénistique. Les cités grecques, notamment de Gaule et de Catalogne, ont conservé une organisation politique traditionnelle jusqu’à leur intégration à l’empire de Rome.
Au final, cet atlas se révèle être d’une très grande richesse, tant par le travail de cartographie que par les courts résumés qui les accompagnent. On peut toutefois regretter que ce travail ne commence pas avec la Grèce préclassique. En fin d’ouvrage nous retrouvons les annexes qui comportent chronologie, glossaire, généalogies des dynasties hellénistiques et bibliographie.