Trois grands spécialistes de la Marine, François BellecFrançois Bellec, membre et ancien président de l’Académie de marine et vice-président de la Société de Géographie, est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages dont La mer, une grande aventure française (2021)., Jean-Michel DemetzLauréat du prix Samuel de Champlain en 2010, Jean-Michel Demetz a couvert pendant plus de vingt ans l’actualité du Québec et du Canada pour L’Express. et Dominique Le BrunÉcrivain de Marine, Dominique Le Brun est l’auteur d’une vingtaine de livres dont Surcouf. Le Tigre des Mers (Tallandier, 2022)., nous esquissent avec talent les portraits de navigateurs français du XVIe au XXe siècle qui ont chacun, à leur manière et en leur temps, contribué à faire progresser la science, la cartographie ou les connaissances géographiques. Ils sont au nombre de sept à incarner l’audace, la curiosité, le progrès, l’humanisme mais aussi parfois l’impérialisme français. L’étude de ces marins et de leurs voyages est une très belle porte d’entrée afin de mieux saisir le contexte géopolitique du XVIe au XXe siècle, les tensions et rivalités entre les puissances européennes faisant de ces territoires lointains des lieux particulièrement stratégiques.

Les auteurs rappellent à juste titre que les communautés maritimes européennes antiques et médiévales n’ont pas eu pas besoin de la haute mer pour essaimer ou s’accaparer des ressources. Il faut attendre l’initiative des Portugais qui, en 1434, franchissent le cap Bojador avant d’entreprendre de contourner l’Afrique pour d’atteindre les Indes. C’est le début des « grandes découvertes » qui amèneront rapidement à un partage des terres entre les Portugais et les Espagnols. Après le temps des découvertes, vient le temps de leur exploitation. Si le rôle de la France peut paraître secondaire au départ de cette grande aventure océanique, la science et la philosophie des Lumières vont donner une nouvelle motivation aux voyages, « prédateurs et et marchands firent place aux scientifiques humanistes – encore que les expéditions lointaines ne furent pas toutes exemptes de perspectives impérialistes » (p.8). A partir de là, de grands marins, de Jacques Cartier à Jean-Baptiste Charcot, sont à l’origine de la passionnante saga des explorateurs français !

 

Jacques Cartier

Jean-Michel Demetz débute avec le portrait du célèbre malouin Jacques Cartier. Certes, il n’est que le second explorateur du Nouveau Monde après le trop méconnu Giovanni da Verrazano (Jean de Verrazane) mais sa volonté va lui permettre de convaincre François Ier d’envisager, malgré « l’obsession italienne » du temps, l’exploration et le peuplement de l’Amérique du Nord. Après une entrevue avec Cartier au Mont-Saint-Michel en 1532, le souverain, en prince de la Renaissance ouvert aux idées nouvelles, montre en effet de l’intérêt pour le projet du marin. Il accepte de tourner son regard vers les nouvelles terres et richesses qui n’appartiennent pour le moment ni aux Espagnols ni aux Portugais. Le temps presse car Charles Quint lorgne désormais vers l’Atlantique Nord et l’Angleterre ou la Hollande se découvrent aussi des appétits impériaux au delà des mers !

Ses deux premiers voyages (1534 et 1535-1536) sont l’occasion d’établir des relevés précis des côtes du golfe du Saint-Laurent, de remonter le fleuve notamment jusqu’à Stadaconé (aujourd’hui Québec) ou Hochelga (aujourd’hui Montréal), de mieux connaître les mœurs et coutumes des tribus amérindiennes. Enfin, c’est Jacques Cartier qui popularise le nom Canada (« bourgade » dans la langue des Iroquoiens). Ainsi, il a ouvert la voie aux explorateurs français qui s’élanceront depuis les rives du Saint-Laurent à l’assaut de la vallée du Mississippi.

Pour Jean-Michel Demetz, l’histoire de Jacques Cartier, c’est aussi l’histoire d’une certaine désillusion française. Au fur et à mesure de l’avancée dans ces territoires sauvages, les Français se rendent compte « qu’on est loin des palais d’Orient aux toits d’or et aux pignons d’argent fantasmés ! » (p.38). Aussi, les tensions avec les Amérindiens apparaissent rapidement et le scorbut, lié au manque de vitamine C, fait des ravages. Avec ses désillusions, la dernière expédition, celle de 1541 avec Jean-François de La Rocque de Roberval, aux visées évangélisatrices et de peuplement, marquera une pause dans la politique volontariste de la couronne française désormais davantage préoccupée par les enjeux géopolitiques continentaux.

 

Samuel Champlain

Jean-Michel Demetz  poursuit avec le portrait de Samuel Champlain, Saintongeais originaire de Brouage, oublié de notre mémoire collective (tout comme l’ancien port prospère qu’était Brouage) car « elle préfère occulter nos défaites ». Pour l’auteur, Champlain, « est un marin à cheval entre deux mondes, l’ancien et le nouveau, la France et le Canada. Il est aussi le passeur entre deux ères : c’est le produit de la Renaissance, mais il préfigure déjà l’ère des Lumières par la curiosité universelle, son goût de la tolérance, ses utopies » (p.57). Fort de son expérience dans la marine espagnole qui le fait voyager (Antilles, Mexique, …), Champlain offre un rêve colonial au nouveau roi Henri IV. Si la France a échoué à reprendre le Brésil aux Portugais, le Canada sera une revanche ! Les motivations commerciales autour de la traite des fourrures et religieuses à des fins évangélisatrices sont aussi à l’origine de cet intérêt.

L’auteur détaille les nombreux voyages de Samuel Champlain entre 1603 et 1615 qui sont l’occasion d’explorer ces territoires à la découverte de vallées et rivières inconnues avec l’espoir de trouver enfin la « mer salée » qui mènera aux trésors de l’Asie. Champlain fonde la cité de Québec ( « là où le fleuve rétrécit » en langue micmaque), noue des alliances avec les guerriers algonquins, montagnais et hurons contre les Iroquois, explore les rivières Ottawa et Mattawa, jusqu’au lac Huron, Ontario et Champlain (Vermont) !

Bien sûr les difficultés sont nombreuses : le froid glacial de l’hiver, le scorbut, la mauvaise volonté des marchands normands « seulement intéressés par le profit immédiat de la traite des fourrures » (p.81) qui torpille le plan de colonisation. A l’hiver 1620, Québec ne compte qu’une soixantaine d’âmes ! L’auteur ajoute le sentiment d’abandon lorsque, en 1629, Champlain est obligé de livrer la ville de Québec aux Anglais (finalement restituée à la France en 1632).

 

Louis-Antoine de Bougainville

Dominique Le Brun nous raconte ici une circumnavigation mémorable car, en plus d’être la première effectuée par un officier du roi de France, elle préfigure « les grandes expéditions maritimes à caractère scientifique de la seconde moitié du XVIIIe siècle » (p.97).

Les débuts de Bougainville sont dignes des meilleurs romans d’aventure : mousquetaire du roi, chargé d’une mission diplomatique en Angleterre et enfin aide de camp de Montcalm lors de la guerre de Sept Ans ! Cette traversée de l’Atlantique sert de premier apprentissage maritime. Si la capitulation de Montréal le 8 septembre 1759 sonne la fin du Canada français, Bougainville, bien que amère, n’est pas abattu. Bénéficiant du soutien de Catherine Hérault de Séchelles et de la marquise de Pompadour, Choiseul, en 1762, autorise Bougainville à établir un projet de colonisation des Malouines, « un nouveau Canada ». Suite à un premier voyage en 1763, Bougainville fait don de la colonie au roi de France « afin de protéger son établissement contre les appétits étrangers » (p.113) (anglais et espagnols). Après un second voyage en 1765, le retour à la Cour est brutal : un transfert de souveraineté des Malouines à l’Espagne est en négociation … en échange on lui propose d’effectuer traverser le Pacifique afin de chercher de nouvelles terres tout en passant par la Chine afin de prélever des plants d’épices à acclimater dans les îles de l’océan Indien. En revenant ainsi par l’océan Indien, il effectuerait un tour du monde, le premier accompli par un vaisseau de ma marine royale !

En embarquant des savants (un astronome, un cartographe, un naturaliste) à bord de la Boudeuse et de l’Etoile, il conçoit ce voyage comme une expédition scientifique. Après avoir franchi le détroit de Magellan, l’expédition arrive à Tahiti le 2 avril 1768. Le récit de ce premier séjour donnera naissance au mythe de la Nouvelle-Cythère ! C’est là aussi que Bougainville entend parler pour la première fois d’un navire anglais passé par là quelques mois plutôt. La situation dégénérant rapidement avec les Tahitiens, l’ancre est levée quelques jours plus tard. Débute alors un interminable retour vers la France ponctué de désagréments : agressivité des autochtones, maladies vénériennes liées aux idylles tahitiennes, soif, faim, … Le tour du monde se termine en véritable régate, Bougainville rattrapant et dépassant le Swallow de l’Anglais Carteret ! La Boudeuse arrive à Saint-Malo le 16 mars 1769 … 4 jours avant le navire britannique (l’Etoile arrive à Rochefort le 24 avril seulement).

Ce retour triomphal s’accompagne de la publication du récit de son expédition Voyage autour du monde : par la frégate du roi La Boudeuse, et La Flûte l’Étoile. Mais, la nouvelle favorite du roi, la comtesse Du Barry, précipite la disgrâce de Choiseul et donc de Bougainville. Il participe tout de même à la guerre d’indépendance où il connaît la gloire dans la baie de Chesepeake en 1781 mais aussi le déshonneur suite au désastre des Saintes en 1782. Condamné à un simple blâme, il ne se verra plus jamais confier de commandement. Emprisonné sous la Terreur, le coup d’état du 9 thermidor le sauve. Sous le Directoire puis le Consulat, Bougainville est « réhabilité » devenant membre du Sénat en tant que représentant de la Marine.

 

Lapérouse

Le portrait de Jean François de Galaup nous est dressé par François Bellec. Se destinant à devenir officier de marine, il adopte alors le patronyme plus aristocratique de Lapérouse. La guerre de Sept sera son baptême du feu. Il voyage ensuite de Terre-Neuve à l’île Maurice en passant par Saint-Domingue, l’Inde ou Madagascar. Il connaît une ascension fulgurante lui valant d’être promu lieutenant puis capitaine de vaisseau. Lors de la guerre d’indépendance, son exploit de la baie d’Hudson lui vaut d’être repéré par Louis XVI ! Ce dernier, admirateur de James Cook, accepte, malgré des finances au plus bas, d’engager plus d’un million de livres dans une expédition qui terminera l’œuvre du marin britannique. Le roi « suit de très près l’élaboration du premier voyage scientifique français dans le Pacifique dont il est l’initiateur » (p.151).

En août 1785 débute le long et tragique périple de la Boussole et de l’Astrolabe. Les marins doublent le cap Horn, l’île de Pâques, Hawaï, se rapprochent des côtes de l’Alaska avant de faire route plus au sud pour arriver à Macao en janvier 1787 et aux Samoa à la fin de l’année. Des heurts avec les Samoans provoquent douze morts du côté de l’expédition française. C’est au départ de Botany Bay en Nouvelle-Galles du Sud que débute la tragique expédition le 10 mars 1788. Plusieurs preuves valident aujourd’hui une escale dans le sud de la Nouvelle-Calédonie et suggèrent une attaque des Canaques » (p.167). Sur les récifs de l’île de Vanikoro dans l’archipel des Santa Cruz, une tempête met fin à l’expédition, une partie de l’équipage survit.

En 1826-1827, Peter Dillon, capitaine armateur, trouve des fragments des épaves ainsi que les preuves qui attestent que des survivants ont vécu sur l’île de Vanikoro ! Quelques mois plus tard, c’est au tour de Dumont d’Urville de passer par là. Il y découvre les débris des navires de Lapérouse. Depuis, les recherches se sont multipliées et des fouilles sous-marines ont confirmé l’identité des deux épaves et ont mis au jour de nombreux objets, des reliques qui « restituent la vie à bord des deux frégates et matérialisent un naufrage entré dans la légende de la mer » (p.177). Aussi, les traces du camp des naufragés ont été découvert dont un squelette non identifié. Cet inconnu de Vanikoro a été inhumé dans la cour du château de Brest en 2011. Le mystère entourant la mort des survivants reste entier : malaria, massacre, départ de l’île pour une autre destination … ?

 

Jules Dumont d’Urville

Avec Dumont d’Urville, François Bellec nous raconte le destin d’un explorateur humaniste d’exception. Issu d’une famille de la vieille noblesse pauvre et malmenée par la Révolution, Jules Dumont d’Urville, développe très tôt une passion pour l’observation de la nature. Après de brillantes études, il décide à 17 ans de devenir contre-amiral. Dévorant les ouvrages de Cook et Bougainville, il veut servir lui aussi la science. Il se forme à Brest, au Havre puis à Toulon. Sombre et solitaire, il s’enferme dans les études et se marie avec Adèle en 1815.

Chargé de cartographier les îles de la Méditerranée, il découvre avec fascination une statue exhumée quelques semaines plutôt sur l’île de Milos. Il presse l’ambassadeur à Constantinople de saisir l’opportunité d’acquérir ce chef d’œuvre. Cette Vénus est offerte à Louis XVIII qui la confie alors au musée du Louvre. Chevalier de la légion d’honneur, remarqué par l’Académie des sciences, il entre à la Société de géographie. Il est un interlocuteur familier de l’élite scientifique (Arago, Humboldt, …). En 1822, il embarque comme second sur la Coquille pour un voyage de près de 3 ans ! De retour, il est comblé d’éloges, il ramène 3000 plantes dont 400 nouvelles et 1100 espèces d’insectes.

Déjà prêt à repartir, il propose un voyage et veut se concentrer sur la Nouvelle-Guinée, le ministre de la Marine ajoute la Nouvelle-Zélande et le directeur du dépôt des cartes les îles de la Loyauté. Avec l’accord de Charles X, il embarque sur l’Astrolabe le 25 avril 1826. Le 5 octobre, il fait tomber l’ancre en Australie puis se dirige vers la Nouvelle-Zélande, les Tonga, les îles Fidji, les îles Loyauté, la Nouvelle-Guinée. Si les travaux d’hydrographie et les découvertes naturalistes sont au rendez-vous, des incidents perturbent le voyage (désertions, amorce de mutinerie, …). De retour en Australie, il apprend l’histoire de Peter Dillon, il se lance lui aussi sur les traces des épaves de l’expédition de La Pérouse. De retour en France, le 25 mars 1829, après un voyage de 35 mois, il est fait capitaine de vaisseau et publie le Voyage de la corvette L’Astrolabe. A nouveau, cette expédition est un succès grâce à « l’incomparable moisson de milliers de plantes et de spécimens de zoologie et d’entomologie à laquelle s’ajoutent 6000 dessins » (p.208). Cette mission a aussi permis d’identifier une soixantaine d’îles, îlots et rochers. Ainsi, Dumont d’Urville propose à la Société de géographie la distinction entre Océanie, Polynésie, Micronésie et Mélanésie.

Après une mission de prestige (il organise en effet le transport de Charles X et de la famille royale hors de France), le nouveau roi Louis-Philippe lui demande de porter le pavillon français en Antarctique. A bord de l’Astrolabe et la Zélée, il effectue la descente jusqu’aux îles Shetland du Sud. L’apparition du scorbut oblige l’expédition à faire repos au Chili avant de faire route vers l’Océanie. C’est depuis l’Australie qu’il met la voile vers le sud le 1er janvier 1840. Le 20 janvier, l’équipage aperçoit une terre dénudée. Le lendemain une douzaine d’hommes marchent sur cette terre et plantent un drapeau afin d’en prendre possession au nom de la France. Cette terre, en hommage à la femme qui l’attend et brisée par la mort de quatre de ses enfants, portera la nom de terre Adélie. De retour, il est promu contre-amiral et publie le Voyage au Pôle Sud et dans l’Océanie. Auréolé de gloire, il est finalement victime avec Adèle d’un tragique accident ferroviaire le 8 mai 1842.

 

Joseph-René Bellot

François Bellec nous raconte le destin du trop méconnu Joseph-René Bellot.

Il grandit à Rochefort dans une famille modeste. Il est très vite remarqué pour son intelligence et sa soif de connaissances. La municipalité décide de l’aider en lui octroyant une bourse lui permet d’entrer au collège avec comme ambition de devenir officier de Marine. Il se forme dans une période exaltante pour la Marine « qui vit sa transition à la vapeur et installe un empire océanique » (p.229) dans les océans Indien et Pacifique. Il parcourt les différents océans de Madagascar à Montevideo. La connaissance de la disparition de l’expédition de l’Anglais John Franklin dans l’Arctique canadien le bouleverse. Il offre ses services à Lady Franklin afin de contribuer à une opération de sauvetage. Sous la conduite de William Kennedy, il effectue à bord du Prince Albert son premier voyage dans l’enfer blanc en 1851. A travers les icebergs, il se fraye un chemin et effectue même un périple de 1800 km en traîneau durant 3 mois. Entre l’île Somerset et la péninsule Boothia, Bellot découvre un détroit qui recevra son nom. S’il ne trouve aucune trace trace de l’expédition recherchée, le retour est triomphal : « leur exploration méthodique permet d’éliminer un territoire du domaine à investiguer » (p.246).

Il repart en 1853 à bord du S.M britannique le Phoenix toujours à la recherche de Franklin. L’expédition emporte notamment un canot en caoutchouc. Le bateau pneumatique est en effet une invention récente, inspirée des outres en peaux de phoques gonflées d’air des balsas du Chili ! Un mouvement de glace emporte finalement Joseph-René Bellot et d’autres compagnons dans le canal Wellington. Le vent l’aurait précipité dans une crevasse.

L’auteur rend hommage « à un voyage de reconnaissance géographique inscrit, comme l’expédition de Lapérouse, au martyrologe de l’exploration du monde » (p.254).

 

Jean-Baptiste Charcot

Dominique Le Brun clôture l’ouvrage avec le destin du célèbre Jean-Baptiste Charcot et ses expédions ambitieuses en Antarctique et en Arctique.

Il grandit à Neuilly dans un milieu intellectuel, son père n’est autre que Jean-Martin Charcot à qui l’on doit l’identification d’une maladie neurodégénérative à laquelle il laissera son nom. Très tôt Jean-Baptiste annonce son désir de devenir marin mais son père refuse, il suivra donc des études de médecine. En 1900, il réussit à embarquer comme médecin de marine. La fortune dont il va hériter va lui permettre de se bâtir un destin exceptionnel … sur la mer. En quête du navire idéal, il essaye plusieurs Pourquoi pas ? Il effectue plusieurs trajet jusqu’en Irlande et aux Féroé. Le ministère de la Santé lui demande de retourner aux Féroé pour une mission officielle afin d’étudier l’apparition du cancer dans ces îles. Il s’acquitte de sa tâche et, en 1902, il met le cap sur l’Islande puis Jan Mayen.

Sa vocation d’explorateur polaire s’affirme, il souhaite partir à la recherche du Nordenskjöld puis explorer la péninsule Antarctique vers la terre de Graham et la terre Alexandre Ier. Grâce à une souscription il obtient les fonds nécessaires, il rebaptise alors Le Pourquoi pas ? en Le Français. Il part en 1903, le Nordenskjöld ayant été tiré d’affaire, il peut se consacrer à l’exploration. Il s’initie à l’exploration polaire, effectue des relevés et conduit un programme de recherches. Après avoir passé la terre Adélaïde, il se prépare à entrer dans la mer de Bellingshausen. Un accident écourte cette expédition qui reste un succès : « la cartographie d’un bon millier de côtes inconnues et 75 caisses notes, mesures et échantillons divers. Aujourd’hui encore, le Muséum d’histoire naturelle de Paris continue d’en apprécier les richesses » (p.280). Un nouveau financement va lui permettre de repartir avec Le Pourquoi pas ?  afin de reprendre l’exploration interrompue. Il explore la baie Marguerite, découvre l’île Jenny mais, en vain, tente d’approcher la terre Alexandre Ier. Un nouvel accident va écourter cette mission qui est elle aussi un succès scientifique . Il a cartographié 3600 km de côtes, trois fois plus que lors de la précédente campagne !

Durant la Première Guerre mondiale, Charcot ne reste pas inactif, il devient « corsaire » contre les sous-marins allemands au nord-ouest de l’Écosse. Malade, il occupera même sa convalescence à inventer un bateau-piège ! Après la guerre, Charcot se dirige vers le Groenland et se prend de passion pour l’univers arctique. Il noue des relations d’amitié avec les Inuits. Assurant la logistique de la Mission polaire française au Groenland, au début des années 1930, il se rend à plusieurs reprises à Rovensvinge, la station scientifique. En effectuant un détour par Ammassalik, il fait la rencontre d’un ethnologue encore inconnu : Paul-Emile Victor. Le 16 septembre 1936, un véritable cyclone balaie l’Islande, Le Pourquoi pas ? s’éventre contre les récifs et disparaît sous les flots. Il n’y aura qu’un seul survivant qui pourra raconter avec précision les dernières heures du mythique navire et de son capitaine.

 

 

Cet ouvrage réussit avec brio à nous plonger au cœur de l’aventure océanique française du XVIe au XXe siècle au travers de sept portraits de marins et explorateurs de renom. Une lecture passionnante qui nous fait voyager des ports de Saint Malo ou de Brouage à la terre Adélie en passant par le golfe du Saint Laurent ou le Groenland.

 

Pour les Clionautes, Armand Bruthiaux