Ambitieuse entreprise prosopographique initiée par Louis Bergeron et Guy Chaussinand-Nogaret et à présent pilotée par Mathieu Marraud, la collection des Grands Notables du Premier Empire ajoute un nouveau dictionnaire départemental à son palmarès. Consacré aux élites impériales du Loiret, il a pour auteur un retraité érudit du Ministère de l’Économie et des Finances, recommandé par sa thèse de doctorat en histoire sur la noblesse et les notabilités orléanaises.

C’est à la fois un agrément, une responsabilité et un embarras pour le signataire de cette recension, qui a par ailleurs contribué à la même collection de référence, que de jeter un regard, sans doute plus aiguisé que d’autres, sur ce travail qui témoigne d’un labeur savant incontestable. Une copieuse synthèse introductive, étayée par force tableaux et histogrammes, précède un corpus de soixante-dix-neuf notices biographiques de Grands Notables. La performance est d’autant plus significative qu’elle a été confrontée à un obstacle de taille : la perte presque intégrale des fonds des Archives départementales du Loiret, brûlés lors des combats de juin 1940. Pour suppléer partiellement à ces destructions, l’état-civil et les dépôts notariaux constituaient un vaste océan à explorer, en renfort des sources imprimées. Sous cet angle, l’effort mené par Alain Duran mérite d’être salué à sa juste mesure.

Grâce à lui, le Loiret entre en possession d’un outil de référence dont les bons services seront assurément appréciés des adeptes de l’histoire locale. Logiquement, le tableau des élites impériales qui s’en dégage est dominé par les figures de l’aristocratie urbaine orléanaise. On peut malgré tout regretter certaines faiblesses de forme et de fond. Le format du type fiche signalétique donné aux notices biographiques n’encourage pas à une étude suivie. La présence d’un index serait une initiative heureuse s’il n’était pas désaccordé de la pagination. Enfin, malgré l’agrément des illustrations présentées, le lecteur peine à s’accommoder d’une typographie de petite taille.

Sur le fond, le répertoire des notables constitué par l’auteur se fonde sur un examen sélectif de la liste des 550 contribuables les plus imposés du Loiret de 1808, combiné aux savants calculs d’une méthode régressive extrapolée à partir des sources fiscales de la Restauration. Cette approche est le palliatif adopté pour remédier à l’absence de la liste canonique des Soixante citoyens les plus imposés du Loiret sous l’Empire, détruite aux Archives départementales du Loiret et que l’auteur assure également absente des Archives Nationales. Le récapitulatif des sources sollicitées confirme en tout cas que les fonds de ces dernières ont été nettement moins mis à contribution que la documentation locale, malgré les pertes subies par celle-ci. Cette sous-utilisation s’est étendue jusqu’à ignorer les dossiers souvent précieux de la Légion d’honneur, pourtant librement accessibles sous forme numérisée sur le site Leonore.

L’auteur a aussi omis de consulter les séries F1b (personnel administratif) et F1c (élections et esprit public) des Archives Nationales, pourtant très riches et aptes à compenser en grande partie les fonds administratifs anéantis en 1940 aux Archives départementales. La lacune est d’autant plus préjudiciable que des découvertes structurantes auraient pu y être accomplies. Une «Liste des personnes les plus marquantes du département du Loiret» signée le 1er juillet 1813 par le préfet figure ainsi dans le carton F/1cIII/Loiret/2. Mieux encore, en élargissant l’investigation, il aurait été possible de mettre la main sur la fameuse «Liste des Soixante plus imposés du Loiret» en date du 5 fructidor an XIII, archivée dans la liasse AF/IV/1427. La disparition supposée de cette référence fondatrice était donc réversible. Ces diverses carences alimentent donc quelques regrets sur les apports manquants qui auraient pu sensiblement bonifier la somme documentaire malgré tout sérieuse et appréciable rassemblée par Alain Duran.

© Guillaume Lévêque