S’appuyant sur une bibliographie fournie et fort de ses enquêtes sur le terrain, l’auteur, chercheur associé à l’ESID/CNRS mais aussi président du forum mondial de la Paix, a pour ambition de présenter les relations entretenues entre les trafics d’armes et les conflits en Afrique, plus particulièrement ceux qui secouèrent le continent entre les années 60 et 2000.

S’appuyant sur une bibliographie fournie et fort de ses enquêtes sur le terrain, l’auteur, chercheur associé à l’ESID/CNRS mais aussi président du forum mondial de la Paix, a pour ambition de présenter les relations entretenues entre les trafics d’armes et les conflits en Afrique, plus particulièrement ceux qui secouèrent le continent entre les années 60 et 2000.

En préambule, constat est fait d’une situation humaine, matérielle, environnementale désastreuse dans les pays ravagés par ces affrontements. L’introduction, longue d’une trentaine de pages, permet ensuite de faire le point sur les caractéristiques du phénomène guerrier en Afrique. : grand nombre de guerres, de pays impliqués, longue durée des conflits.
Longtemps les guerres eurent pour toile de fond l’affrontement Est/Ouest : des deux côtés, on soutient des mouvements de libération, des guérillas. Depuis la fin de la guerre froide, la plupart des conflits observés sont des guerres civiles concentrées dans une diagonale des crises identifiée par de nombreux spécialistes courant de la Corne de l’Afrique au golfe de Guinée, à laquelle on peut ajouter la zone Côte d’Ivoire/Sierra Leone.
La plupart ont des répercussions sur les états frontaliers ; tel fut le cas du conflit qui ensanglanta la RDC en mettant aux prises des factions congolaises au gouvernement légal, les uns et les autres soutenus pour des raisons stratégiques, économiques et politiques par des pays voisins.
La participation active n’est pas le seul biais par lequel les pays limitrophes des états en guerre peuvent être impliqués :
– La réception des réfugiés qui peuvent mettre en danger les équilibres du pays hôte.
– L’accueil de groupes rebelles.
– L’utilisation de leur territoire comme zone de transit pour les ONG, l’ONU, les marchands d’armes, les trafiquants en tous genres.

A l’origine de toutes ces guerres, des injustices, des inégalités aggravées par la crise économique et le sous-développement. Les gouvernements ont le plus souvent été incapables de résoudre ces difficulté, gangrenés qu’ils étaient par la confusion bien privé/bien public, une corruption endémique, des rivalités pour le pouvoir et les richesses de leurs pays.

Pour alimenter les combattants, des flots d’armes furent déversés sur le continent par les deux blocs puis le nombre de fournisseurs s’amplifia, se diversifia dans les années 90.
La question est de savoir si ce sont les armes qui déclenchent le conflit ou si le conflit attire les armes ?
Pour un grand nombre d’experts, il semble évident que le trafic d’armes n’est pas un élément fondamental dans le déclenchement des conflits mais il accentue évidemment les risques ; nombreux sont ceux qui pensent qu’il existe une relation forte entre le trafic d’armes, la possession d’armes et l’éclatement de guerres : ils considèrent que si la part du budget national consacrée à l’armement est forte, la tentation d’y recourir en cas situation conflictuelle s’en trouve accrue.
L’auteur affirme lui qu’il reste difficile d’évaluer l’impact exact du trafic d’armes sur le déclenchement mais pour lui aucun doute, ses effets négatifs sur le développement économique et social du continent sont avérés.

Suite à ces réflexions d’ordre général, l’auteur se lance dans une longue description des conflits ayant touché le continent africain dans les quarante dernières années.
Un premier chapitre intitulé « des luttes de libération nationale aux revendications territoriales ou contestations des tracés frontaliers issus de la colonisation » passe en revue le conflit du Sahara occidental, oublié et qui n’a pas trouvé d’issue contrairement au conflit Tchad/Libye qui a trouvé son épilogue et des conflits toujours « chauds » (Ethiopie-Erythrée, Somalie).
Pour le premier, ce qui fonde la revendication, ce n’est pas la référence à des frontières précoloniales mais la volonté d’un peuple ; le conflit aujourd’hui est dans une impasse : les deux parties se sont accordées sur l’organisation d’un référendum d’autodétermination mais celle-ci achoppe sur les conditions de son déroulement depuis 1993.
Autre conflit largement développé : le conflit entre l’Ethiopie et l’Erythrée. L’indépendance de cette dernière en 1993 coupa à l’Ethiopie tout accès direct à la mer mais malgré cela, les premières relations furent cordiales. Des divergences en politique étrangère, économiques entraînées par l’introduction de la nouvelle monnaie érythréenne, la Nafka, le sentiment de supériorité de l’Ethiopie envenimèrent celles-ci . Finalement c’est un différend frontalier qui mit le feu aux poudres, chaque belligérant soutenant chez l’adversaire des groupes rebelles.
Enfin 30 pages sont consacrées au conflit somalien. Des raisons structurelles expliquent son déclenchement (une division en clans très affirmée, des valeurs martiales imprégnant la société, la présence d’armes en grande quantité) auxquelles on peut ajouter une raison conjoncturelle, la fin de la dictature qui marqua le coup d’envoi d’une lutte pour le pouvoir entre les différents partis bientôt eux-mêmes divisés en factions pour en arriver à l’éclatement et à la quasi-disparition de l’état somalien.

Le deuxième chapitre aborde les conflits où les questions de compétition pour le pouvoir, les richesses sont centrales. il s’agit des conflits congolais, rwandais, libérien et somalien.
Dans le cas de la RDC, l’origine du conflit fut la rébellion réussie de Kabila contre Mobutu.
Puis suite au génocide rwandais, des milliers de Hutus se réfugièrent à l’est de la RDC. Parmi eux, des opposants au régime Tutsi de Kigali que Kabila ne réduisit pas.
Eclata la 2ème guerre du RDC initiée par le Rwanda, soutenu par le Burundi et l’Ouganda. A l’écrasement des rebelles, s’ajoutèrent le soutien aux opposants à Kabila et surtout l’exploitation des richesses minières de l’est de la RDC. Cette guerre prit encore de l’ampleur du fait de l’intervention du Zimbabwe, de l’Angola auprès de Kabila.
Si ce conflit ne s’achève qu’en 2003, c’est en partie du à la très forte relation entre les ressources exploitées par les belligérants et l’acquisition d’armes. Un rapport du GRIP (groupement pour la paix et la sécurité) a listé les pays fournisseurs d’armes : on y trouve des pays participant au conflit (Zimbabwe, Namibie, Ouganda…) et d’autres profitant du conflit (Belgique, Bulgarie, Russie…).
Malgré l’arrêt des combats, les armes continuent à affluer vers ce pays dans la mesure où le gouvernement de transition n’a pas le contrôle de l’ensemble de son territoire notamment à l’est où des groupes armés exploitent les ressources à leur profit.
Mamadou Aliou Barry poursuit son historique des conflits avec :
– le conflit rwandais qui, selon lui, n’est pas un conflit ethnique mais de position dans la société. Ici aussi les transferts d’armes par des pays tiers (la France) ont alimenté les combats.
– Suite à la disparition du régime de Samuel Doe, une guerre entre factions, dont celle de Charles Taylor, éclata au Libéria. Les armes achetées le furent grâce aux trafics de bois, d’or, de diamants.

Dans sa deuxième partie consacrée aux conséquences des guerres et de l’accumulation des armes, l’auteur rappelle à nouveau que les armes sont un facteur de déstabilisation, d’absence de développement. Leur présence en quantité explique que les décideurs y recourent facilement plutôt que d’engager des négociations, alimentant ainsi une culture de la violence.
Au final les coûts de l’ensemble de ces guerres sont incommensurables : des millions de morts, encore plus de réfugiés et de déplacés, des centaines de milliers de personnes mutilées, violées… Les conséquences économiques ne sont pas moindres : l’argent public a été détourné au profit des seigneurs de la guerre, les investisseurs ont fui les zones de combats et plus largement l’Afrique. Enfin, dans tous les pays concernés, les institutions se sont effondrées comme en Sierra Leone, en Somalie ou sont privées d’une grande part de leur légitimité.

Dans sa conclusion, l’auteur revient sur la relation peu évidente entre trafics d’armes et déclenchement des conflits tout en précisant que l’accès aux armes facilite le recours à la violence. Le trafic d’armes est donc un danger pour l’Afrique d’autant plus que les armes d’un conflit en cours de résolution sont le plus souvent recyclées dans un autre conflit.

La lecture de ce livre laisse perplexe. L’auteur passe au crible les différents conflits ce qui permet rectifier des à priori diffusés par les médias mais il est parfois difficile de saisir la relation entre ces développements et le sujet du livre : cette remarque vaut surtout pour le premier chapitre (conflit du Sahara occidental, conflit Tchad/Libye).
Autre problème, en étudiant les conflits les uns après les autres, Mamadou aliou Barry n’évite pas les redites surtout dans le chapitre 2 (conflits RDC/Rwanda).
Enfin, le petit nombre de cartes (une petite dizaine) ne permet pas une compréhension aisée. Toutefois pour le candidat à l’agrégation, l’ouvrage fournira des études de cas sur les conflits africains.

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