A l’occasion des 100 ans de la création de l’Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBFT) et des 20 ans de la fondation des Gueules Cassées, les éditions du Signe publie une bande dessinée sur « l’histoire d’une association qui a tenu toutes ses promesses humanistes ».
Les premières planches mettent en scène et présentent les trois pères fondateurs des Gueules Cassées. Albert Jugon (1890-1959) blessé dans l’Argonne en septembre 1914. Bienaimé Jourdain (1890-1948) mutilé au visage en juin 1915 (et non en 1914, dans la BD à la page 4), et facilement identifiable avec son masque sur la partie droite de sa tête. Enfin, le colonel Picot (1862-1938), blessé en janvier 1917, à qui on doit l’expression « gueule cassée ».
L’Union des Blessés de la Face, ayant pour devise « Sourire quand même », est créée le 21 juin 1921. Elle rassemble 4 000 membres à la fin de cette année. Il s’agit d’apporter un soutien moral, social et matériel à ces anciens combattants défigurés. Dans un premier temps, des galas de bienfaisance sont organisés pour aider au financement de la prise en charge des frais médicaux et au paiement de pensions. La reconnaissance par l’État du préjudice d’une blessure à la face n’intervient qu’en 1925.
Dans les années 20, l’association cherche un lieu de convalescence proche des hôpitaux parisiens aux grands mutilés de la face. C’est ainsi que s’ouvre en 1927, le domaine des Gueules Cassées, au château de Moussy-le-Vieux, au nord de Paris. En 1934, le domaine du Coudon à La Valette-du-Var, près de Toulon, est acheté.
Le statut de grand invalide de guerre est reconnu en mars 1935.
Dès 1931, le succès de la souscription nationale assortie d’une tombola, appelée « La Dette », puis la Loterie nationale, à partir de 1933, vont contribuer au développement de l’association des Gueules Cassées, et lui permettre de pérenniser son existence, tout en restant au contact de la société. L’UBFT est aujourd’hui encore actionnaire de la Française des Jeux (presque 10 % du capital), dont les dividendes constituent une ressource financière importante.
L’album montre bien que les gueules cassées ne concernent pas seulement les poilus de la Grande Guerre. L’association prend également en charge des soldats mutilés des guerres de Corée, d’Indochine, d’Algérie et les militaires blessés en Opérations extérieurs (OPEX). Plus récemment sont intégrés les gendarmes, les policiers, les pompiers, les douaniers et les personnels pénitentiaires blessés dans le cadre de leur mission relevant de la sécurité publique.
Notons que les architectures sont minutieusement restituées : la gare d’Argenteuil où germe l’idée d’une association, le château de Moussy-le-Vieux, l’hôpital Foch de Suresnes, la maison où vécu le dernier poilu Lazare Ponticelli (mort en 2008) au Kremlin-Bicêtre.
Cet album très réussi, au ton juste, précis dans son récit historique, s’inscrit pleinement dans le devoir de mémoire, et donc au maintien du souvenir du sacrifice de ceux qui se sont battus pour la France. L’esprit de solidarité et de fraternité qui anime l’association est bien mise en avant. L’engagement et l’œuvre (en matière de chirurgie réparatrice) des docteurs Morestin et Virenque sont aussi évoqués. Cette bande dessinée rend compte parfaitement de l’énergie déployée par les dirigeants successifs de l’association, ainsi que la diversité des actions menées au fil des années, jusqu’à aujourd’hui.
La fin de l’album insiste davantage sur les différents partenariats avec d’autres organismes, associations ou fondations. S’afficher dans l’espace public et être présent dans la mémoire collective, contre l’oubli ou l’indifférence, n’est pas si simple.
Au fil des inaugurations, des commémorations, et des actions de mécénat, on saisit les enjeux et les finalités de l’association, au cours des décennies.
Peut-être que certains aspects, comme par exemple les éléments sur l’organisation des souscriptions et lotos, ainsi que la multitude des acteurs de ce récit, pourront échapper quelque peu à la compréhension de nos élèves, mais les finalités et l’engagement de l’association seront indéniablement bien perçus. Pour leur part, les professeurs d’histoire-géographie apprécieront les nombreuses références historiques.
Saluons donc ce travail très documenté et fort bien mis en image, qui souligne tout le mérite de cette nécessaire association qui a finalement pour vocation de préserver la dignité, de ces mutilés atrocement défigurés.