Ce nouveau hors-série de la revue Archéologia trouve son origine dans une exposition consacrée au dieu Mithra et réalisée dans le cadre d’un partenariat entre le musée royal de Mariemont, le Musée Saint-Raymond de Toulouse et l’Archäologisches Museum de Francfort.

L’ensemble des textes du présent volume émane des trois commissaires de l’exposition, à savoir Richard Veymiers, Nicolas Amoroso et Laurent Bricault.

Le propos débute sur une interview (des responsables de l’exposition) consacrée au bien fondé d’offrir une exposition d’envergure au culte romain de Mithra et de revenir sur nombre d’idées reçues encore véhiculées à propos de cette divinité ( ce « grand entretien » comporte, en outre, une frise chronologique et une carte de répartition des mithréums dans le monde romain dès plus intéressantes). Suit une présentation liminaire des principes d’organisation du polythéisme romain et de la place occupée par Mithra dans ce cadre.

Les premiers monuments mithriaques sont « redécouverts » entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle à Rome et l’image du Mithra tauroctone est celle qui impressionne le plus les contemporains de ces découvertes, à l’instar du relief du mithréum du Capitole conservé aujourd’hui au Louvre. Le premier grand ouvrage scientifique consacré à la divinité est la grande œuvre de Franz Cumont qui publie, entre 1896 et 1899, les Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra.

A propos du mythe de Mithra, les auteurs relèvent que l’ensemble de la documentation iconographique disponible à ce jour permet de dénombrer 49 scènes différentes en lien avec le culte du dieu. Ces 49 scènes ne figurent jamais toutes sur un seul et même monument.

On peut toutefois, estiment les historiens, dégager une trame de quatre « grands moments » dans la geste de Mithra. Les auteurs (p.25) écrivent ainsi que « deux temps distincts sont combinés dans le récit : l’évocation d’un cadre mythologique gréco-romain qui sert d’introduction et le parcours divin de Mithra depuis sa naissance jusqu’à son ascension sur le char du soleil. Le parcours du dieu est lui-même divisible en quatre grandes séquences : l’entrée en scène de Mithra ; la capture du taureau ; la mise à mort de l’animal (la tauroctonie) ; la relation entre Mithra et le Soleil ».

Près de 150 sanctuaires de Mithra (mithréums) sont aujourd’hui attestés dans le monde romain. Dans ces lieux de culte, on trouve une salle principale, de forme rectangulaire, comportant des banquettes où se réunissent les dévots pour des rituels communautaires : le speleum. Les sanctuaires du dieu se retrouvent en milieu urbain mais également dans l’espace rural voire dans des sites naturels.

Les adeptes du dieu, exclusivement des hommes, semblent s’être désignés entre eux sous le terme de syndexi, « ceux qui sont unis par une poignée de main ». Les rites mithriaques étaient secrets et les auteurs notent (p.37) « que la participation de chaque adepte dans le culte était conditionnée par le grade qui était le sien dans la communauté. Dans l’Empire, de la fin du Ier au début du Ve siècle, les groupes se subdivisaient au moins en trois catégories d’adeptes, celles des novices (les « Corbeaux »), celle de la majorité des membres (les « Lions »), enfin celle des chefs de communautés (les « Pères ») ».

En certains lieux (Rome, Ostie, Doura Europos), au cours du IIIe siècle, a pu être observée une augmentation du nombre de grades, ceux-ci s’élevant à sept.

Deux rites majeurs apparaissent au sein de la communauté mithriaque : celui de l’initiation individuelle du nouvel adepte, initiation qui comporte une forte charge émotionnelle et la célébration de banquets collectifs.

Dans leur grande majorité, les communautés mithriaques sont composées essentiellement de marchands et de fonctionnaires (les soldats ne représentent que 10 % des quelques 1100 dévots aujourd’hui recensés par l’épigraphie).

Mithra n’a jamais été accueilli dans le panthéon officiel de Rome et l’existence d’une communauté mithriaque n’était jamais pérenne. Certaines communautés mithriaques n’ont pas attendu le christianisme pour péricliter puisque l’on observe la disparation de certains groupes au IIe, au IIIe et au début du IVe siècle. Les causes de ces disparations peuvent être internes ( décès d’un Pater par exemple ou encore causes financières) ou externes ( recul des limites de l’Empire, épidémies…). Les dernières communautés s’évanouissent en tout cas au début du Ve siècle.

La fin du dossier évoque la postérité de Mithra chez les écrivains et les artistes avec, à titre d’exemple, le superbe Picasso-Mithra d’Ernest Pignon-Ernest.

Ce numéro hors-série d’Archélogia constitue une excellente synthèse pour qui s’intéresse aux questions relatives aux divinités romaines et il offre une base documentaire de première ordre pour des collègues désireux d’aborder éventuellement le culte de cette divinité lors d’une séquence consacrée au monde romain.

Grégoire Masson