Etats-Unis, années 30, la crise économique et sociale. Voici le décor dans lequel se déroule la nouvelle bande dessinée d’Aimée de Jongh. Jeune autrice d’une trentaine d’années, elle a précédemment publié « L’obsolescence programmée de nos sentiments ». 

Les Etats-Unis au temps de la crise

Aimée de Jongh propose donc ici une bande dessinée sur un sujet qui peut sembler austère, à savoir la période du début des années 1930 aux Etats-Unis quand sévissait le phénomène des dust bowl. En quelques mots, il s’agit d’un phénomène qui a touché des grands espaces agricoles aux Etats-Unis et qui se caractérisait par des tempêtes de sable qui rendaient la terre infertile. L’album offre une approche très complète sur cette période des Etats-Unis. Il offre aussi une réflexion sur la photographie comme témoignage et son efficacité. 

Un album qui installe une histoire

L’ouvrage est composé de huit parties qui commencent toutes par une photographie d’époque. L’histoire se déploie sur près de 300 pages. Le parti pris graphique est d’offrir parfois des pages entières sans texte ce qui donne encore plus de force à l’image, notamment lors des tempêtes. Le cahier final offre à la fin une dizaine de pages pour approfondir le thème. Il propose aussi quelques images d’époque commentées, notamment certaines iconiques comme Migrant mother.

John Clark photographe

L’histoire se déroule autour d’un personnage central, John Clark, qui est photographe. L’album commence en Oklahoma en 1937 avec ce personnage en train de creuser la terre. Il s’interroge sur ce qu’il fait là et on remonte alors le temps pour le comprendre. Tout commence en 1929 avec la crise économique qui touche le pays. John Clark est engagé par le gouvernement pour documenter ce qui est en train de se passer dans les campagnes. La personne qui l’engage lui explique qu’une bonne photographie doit être parlante, quitte à arranger un peu la réalité si c’est pour mieux faire passer le message. Suit une explication du phénomène de dust bowl qui transforme une partie du territoire américain en Sahara. Avant de s’embarquer, le directeur de l’agence qui l’a engagé fournit même à John Clark une liste de sujets à documenter. 

La crise économique et ses conséquences

Le chapitre commence par une image de file de travailleurs qui attendent pour être embauchés. La crise qui sévit alors est la pire crise et elle n’épargne personne. John Clark constate que, paradoxalement, c’est cette même crise qui lui fournit un emploi. Après avoir dit au revoir à sa mère, il part en voiture, direction l’Oklahoma. Il  voit les paysages changer progressivement et devenir de plus en plus désertiques et abandonnés.

Photographier

Le photographe est impatient de commencer son reportage. Plusieurs dessins montrent ces  nuages de poussière qui occultent le soleil en pleine journée. Il croise des personnes en partance pour la Californie. John Clark découvre qu’il faut bien protéger ses pellicules contre le sable. Il a du mal à entrer en contact avec les populations qui se méfient de lui. Son accent ou son appareil photographique expliquent cette difficulté. Il ne peut pas se contenter de photographier des paysages même si cela fait partie du contrat. Certaines planches de l’album correspondent à de vraies photographies devenues iconiques depuis. Il finit par rencontrer un jeune garçon, Cliff, qui le ramène chez lui. Il peut enfin photographier des personnes et il n’hésite alors pas à appliquer ce que lui avait conseillé le directeur de l’agence. Il se trouve ensuite au coeur d’une tempête de sable et tous les clichés qu’il réalise alors sont inutilisables. 

La rencontre avec Betty

John Clark peut constater alors les dégâts provoqués par de tels épisodes. Il doit par exemple ôter le sable qui recouvre sa voiture avant de partir. Il décide aussi de changer de tactique en abordant les gens sans son appareil photographique dans un premier temps. Grâce à Cliff, il obtient l’adresse d’un couple sur le départ qu’il pourrait photographier. Il rencontre aussi surtout une jeune femme enceinte, Betty. Grâce au cheval de la jeune fille, il parvient à dégager sa voiture de la gangue du sable. 

La douleur des Watson

John Clark se rend chez les Watson, la famille que Cliff lui a indiquée comme étant sur le départ. Il s’agit de Noirs venus s’installer ici après avoir déjà quitté le sud profond pour éviter les lynchages qui existaient alors. Accueilli chez eux, il constate que les couverts sont retournés pour éviter la poussière. En discutant avec eux, il apprend qu’ils ont perdu deux filles à cause de la pneumonie provoquée par la poussière. 

Ce qui est arrivé à Betty

John Clark s’interroge de plus en plus sur le sens et l’utilité de sa mission. Il croise à nouveau Betty qui lui avoue son projet de partier en Californie, une fois qu’elle aura accouché. C’est lors de cette discussion qu’il apprend aussi qu’elle est veuve. Le photographe lui confie ses doutes comme lorsqu’il est entré dans une maison abandonnée et qu’il a réalisé plusieurs clichés. En y réfléchissant, il se considère à l’égal d’un voleur. Il lui confie aussi son histoire familiale agitée avec un père photographe violent qui est mort d’avoir consommé de l’alcool frelaté au moment de la prohibition. Quant à Betty, elle se remémore l’histoire de sa famille, du temps de sa grand-mère, quand la  terre cultivée permettait largement de vivre. L’auteure explique à travers un de ses personnages le phénomène du dust bowl en détail. Betty et John ont du mal à se quitter et elle l’invite à rencontrer sa famille. Elle est en fête car une de ses membres, Catherine, doit partir à la ville le lendemain pour se marier. 

Et après….

Pour celles et ceux qui ne veulent pas en savoir trop, vous pouvez arrêter là votre lecture. Pour les autres, l’histoire bascule ensuite dans le drame. Betty est malade pendant la nuit, atteinte d’une forte fièvre. Elle est fortement déshydratée mais pas moyen de l’aider car le puits de la famille est à sec. En plus, la voiture familiale tombe en panne au moment de partir pour le mariage. John prête alors son véhicule à la famille qui doit revenir ensuite avec de l’eau. Dehors, une nouvelle tempête sévit. Il est trop tard quand ils sont de retour et Betty est morte. John décide de tout plaquer. Il se débarrasse de ses pellicules et offre son appareil photographique aux Watson. Comme témoignage de son reportage, il expédie une boite pleine de sable puis il fait du stop en direction de New-York.

Cet album aborde un des aspects du thème 1 d’histoire de terminale. C’est surtout une véritable réussite qui marie dessin et photographie en n’hésitant pas à laisser une très grande place à l’image comme pour montrer les tempêtes de sable. Cette bande dessinée allie également de façon très convaincante histoires personnelles et histoire des Etats-Unis. Une réussite !