Contenu dans une petite enveloppe à bulles, elle-même contenue dans une moyenne enveloppe (à bulles également), elle-même contenue dans une enveloppe plastifiée pour le transport aérien, elle-même contenue dans une enveloppe plastifiée de chez DHL (donc remise en mains propres), ce tout petit livre (20 cm x 12 cm !) a traversé l’océan bien protégé d’éventuels attentats, cyclones et autres enfarinements.
Rédigé par deux enseignantes en poste, Anne Bérubé et Geneviève Racine, ce petit opus se veut un recueil de « trucs » pour tenir une classe lors de remplacements même (ou particulièrement) lorsque les élèves sont « difficiles », voire – je cite également – « insupportables ». C’est possible ça ?
Que retirer d’un tel ouvrage ?
Sur le fond, on constate que, pour de l’enseignement public, les « suppléants » se doivent de démarcher les établissements, CV en poche et sourire ultrabrite hissé, quitte à ce que ces tous frais émoulus camarades de promo deviennent de véritables concurrents. Dès lors, et s’ils seront amenés à officier dans tous les niveaux (du préscolaire au secondaire) et dans toutes les matières, c’est bien la géographie qu’ils devront prioritairement mettre à profit puisqu’en écho aux stratégies d’engagement et d’évitement des néotitulaires français du premier degré certes nécessairement affectés quelque part , ces suppléants devront « faire une étude des milieux et cibler les régions propices à l’embauche ». Faut-il y voir un message prémonitoire durable pour notre pays ?
Passons rapidement sur ce qui reste un peu futile dans ce genre d’ouvrages mais qui pourtant en remplit souvent une bonne partie, ces interminables listes de conseils de bon sens : à la tenue vestimentaire correcte, au temps de route calculé avec de l’avance, à l’entretien de sa forme physique et de sa culture générale…, viennent s’ajouter de nouvelles suggestions sur l’achat de surgelés pour être sûr de manger sur place et, par la même, de se faire des nouveaux potes ou encore l’achat d’un téléphone portable…vital pour un remplaçant, non ?
Quelques bonnes idées et une petite dose d’humour sauvent l’ensemble de justesse.
En effet, si les journées non passées en classe ne doivent pas être oisives, on sera ravi de lire, page 20, qu’après avoir épluché les dernières petites annonces, acheté quelques fournitures, rangé quelques paperasses et lu quelques versets des classiques de la pédagogie, notre suppléant plein de bonne volonté pourra s’écrier, je cite « Déjà 16 heures ? Une autre bonne journée de faite ! L’apéro est bien mérité ! »
Demander de l’aide aux élèves pour les tâches du quotidien est en effet un bon moyen de se les mettre dans la poche tout comme faire cesser un bavardage en saisissant l’objet du délit sans mot dire ou encore exagérer à outrance un bobo en faisant mine d’appeler les secours. Quant à fournir continuellement du travail pour avoir la paix, on ne peut qu’approuver.
Un chapitre sur des portraits d’élèves nous permet d’enrichir notre vocabulaire québécois : comme chez nous, on trouve des « agressifs », des « menteurs » ou des « comiques » mais leurs chialeurs sont des « geignards », leurs butés des « obstineux » et les blasés des « enfants téflon » ! Pourquoi me direz-vous ? Parce que toute démarche que l’enseignant pourra entreprendre pour mettre le récalcitrant de son côté « coulera comme du beurre dans une poêle antiadhésive »…Reste le « bizarre », mais n’est-il pas à la croisée de plusieurs catégories celui-là ?
L’ouvrage comporte également quelques développements sur les droits et devoirs, les parents, les sorties…
A prendre et à laisser en définitive.
La Cliothèque attend donc avec impatience les prochaines livraisons des Presses Universitaires de Laval, même si elles arrivent dans des coffres-forts fermés avec combinaison à chiffres, vérification digitale et rétinienne. L’occasion de nous moderniser…