Glénat publie Gustave Caillebotte, une œuvre de Laurent Colonnier. Ce dernier est un artiste multitâche : dessinateur de presse (Marianne, Le Point…), scénariste et auteur de bande dessinée. Pour celle qui nous intéresse, il a travaillé seul. Un petit dossier biographique complète cet ouvrage : Gustave Caillebotte, un illustre inconnu par Dimitri Joannidès, historien de l’art qui a collaboré à la collection « Les grands peintres », toujours chez Glénat (une dizaine d’albums déjà parus).

Cette œuvre n’est pas une biographie de Caillebotte. Nous suivons son parcours artistique, « professionnel » et familial à partir de 1875. Cette date marque le rejet par le jury de l’Académie des Beaux-Arts d’une de ses œuvres, jugée exceptionnelle bien des années plus tard, Les Raboteurs de parquet. Puis l’auteur narre les quelques années suivantes, évoquant les relations de Caillebotte avec sa famille et le rôle, souvent méconnu par le grand public, de celui-ci dans le développement et l’affirmation de l’impressionnisme. En filigrane, de manière très pudique, apparaît aussi une des raisons de la moindre reconnaissance contemporaine de Gustave Caillebotte : son homosexualité, qui le met en porte-à-faux, notamment vis-à-vis de sa mère au mode de fonctionnement très traditionnel.

À travers ses quelques pages, Laurent Colonnier nous raconte d’abord le Caillebotte artiste, à travers la réalisation de ses tableaux les plus fameux : Les Raboteurs de parquet, Rue de Paris, Temps de pluie, Le Pont de l’Europe

Par sa manière révolutionnaire de peindre, extrêmement réaliste, le voilà rejeté du cénacle étatique de l’Académie des Beaux-Arts. Il devient un « intransigeant », nom que se donne un ensemble de peintres, eux aussi exclus de la norme et du bon goût académique : Monet, Manet, Renoir, Pissaro, Degas… Des peintres ô combien reconnus aujourd’hui, mais qui ont connu les difficultés liées à ce manque d’ouverture intellectuelle des critiques de l’époque : pauvreté, alcoolisme, violence. Atmosphère que rend particulièrement bien l’auteur, qui nous dépeint un Paris en révolution haussmannienne et dont la population la plus guindée n’est pas prête à prendre en pleine face la réalité crue que lui offrent ces artistes, peintres comme écrivains (Zola, défenseur de l’impressionnisme, est très présent à travers les pages). Mais aussi le Paris des guinguettes des bords de Seine et de Marne, le Paris de Montmartre et des cabarets, sources d’inspiration sans fin des impressionnistes.

En parallèle, Laurent Colonnier nous offre l’autre visage de Caillebotte : celui du mécène et du collectionneur. Il est issu d’une famille bourgeoise, qui a fondé sa richesse sur le commerce de draps et fait fortune en fournissant l’armée de l’empereur Napoléon III. De cet argent, Caillebotte en tire plusieurs avantages : il peut être un artiste et créer ce qu’il veut ; il peut financer ses amis soit en achetant leurs toiles, soit en effaçant leurs dettes ; soit en louant des ateliers voire des appartements pour pourvoir exposer. Au grand dam de quelques membres de sa famille.

Dernier élément extrêmement positif de cette BD : le dessin. L’auteur a retranscrit sa passion pour Caillebotte en étant particulièrement méticuleux sur les couleurs et les tracés, odes à cet art et cet artiste qu’il semble aimer. Le rendu est issu d’un travail extrêmement précis : mélange de lavis, pastel, peinture, crayons de couleur, approfondi par informatique pour donner à cet ensemble une ambiance particulière et réussie.

Cette BD peut être utilisée dans plusieurs cadres scolaires. En Quatrième, comme en Première, en histoire comme en français, les professeurs et les élèves pourront évoquer, à travers quelques planches, l’âge industriel, le mécénat, les transformations haussmanniennes et évidemment les grands courants picturaux et littéraires.



Une œuvre à mettre indiscutablement entre toutes les mains, accessible, à la fois vulgarisatrice et technique, qui rend un hommage vibrant à un artiste trop souvent mis en retrait de ses contemporains.
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Mathieu HENRY, pour Les Clionautes ©