Les espaces périurbains ont le vent en poupe ! Voilà que Télérama a fait la Une de son numéro de rentrée sur cet espace. Si le titre « Loin des villes, un rêve qui tourne mal » joue moins sur le catastrophisme que le précédent numéro (« Halte à la France moche », février 2010, N°3135), le tableau dressé demeure toutefois assez sombre. Il faut dire que le très médiatique « La tentation du bitume » a inspiré les auteurs du dossier !
Les auteurs d’Habiter les espaces périurbains veulent croire à l’avenir de cet espace et s’attachent à comprendre ce qui pousse les Français à venir s’y installer. Ils se refusent à n’y voir que l’expression d’une individualisation de l’espace et croient aux logiques collectives qui s’y maintiennent. C’est parce que c’est un espace en devenir qu’il faut mieux « parler d’espace – laboratoire plutôt que de ‘terrain’ ». Tout jugement de valeur doit être laissé de côté, sans compter le fait que toutes les populations périurbaines ne se ressemblent pas. Arnaud Gasnier montre qu’à La Bazoge (Sarthe), la population y est très diverse. Cela va des CSP + installées sur de grandes parcelles boisées à des populations précaires, locataires de maisons de village.
Pour rendre compte de cette diversité, des enquêtes qualitatives et quantitatives ont été réalisées dans le cadre du PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) PERIURB. Celles-ci ont porté sur les stratégies résidentielles des ménages et elles ont montré qu’il n’y a pas de déterminisme du marché du logement et de l’emploi. La rationalité du choix résidentiel n’est pas toujours au rendez-vous. Des contraintes de toutes sortes (y compris culturelles) pèsent sur les ménages. La part du hasard n’est pas négligeable, non plus (importance du « coup de cœur »). Les auteurs rejettent la position de Jacques Lévy (2003) et refusent de stigmatiser les habitants périurbains comme des individualistes. « Le repli côtoie l’ouverture, l’entre soi s’oppose au vivre ensemble. »
C’est l’ouest de la France qui a été étudié avec ce PUCA et plus particulièrement la région autour du Mans. Les cartes réalisées lors de ce programme de recherche permettent de constater la rapidité de l’étalement de l’aire urbaine du Mans entre 1982 et 2006. Les bassins d’emploi périphériques sont désormais intégrés à l’aire mancelle. Celle-ci est parcourue par des flux liés au travail, au lieu d’étude (renforcement des polarités secondaires dans le cas des collèges périurbains), aux loisirs, shopping compris. On est loin d’un modèle centre / périphérie : les flux internes au périurbain étant nombreux et d’autant plus variés en fonction de la position géographique du périurbain (proche ou lointain, périurbain des petites et moyennes ou périurbain des grandes villes).
L’enquête PERIURB montre très précisément la diversité des modes d’habiter. L’ouvrage constitue un recueil précis des habitudes des périurbains. Et c’est plus particulièrement dans le dernier chapitre où Rodolphe Dodier rend compte de ces comportements. Dans la lignée de l’HDR (http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00430480) qu’il a soutenue en 2009, il fait vivre, par son récit, les habitants du périurbain en mettant en œuvre des exemples concrets. La typologie des modes d’habiter le périurbain (cf. petits croquis portant sur les pratiques spatiales des périurbains) comme les exemples mobilisés peuvent servir de supports à l’enseignant de classe de troisième ou de première qui a à enseigner l’espace périurbain dans sa classe de géographie. Rodolphe Dodier veut croire que « l’archétype périurbain, dans sa façon d’être exprimé dans la littérature scientifique ou plus encore dans les discours des urbanistes, ne coïncide pas exactement avec la réalité des habitants des espaces périurbains. » La périurbanité n’est en rien un état de seconde zone. Encore faut-il pour éviter d’enseigner une caricature du périurbain prendre le temps d’expliquer aux élèves que tous les périurbains ne sont pas des vilains individualistes pollueurs d’extrême droite. Pas évident quand on dispose moins de 4 heures dans l’année pour enseigner cette question à des élèves de troisième !
Catherine Didier-Fèvre ©Les Clionautes