Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à l’IEP de Lille dans le cadre de la prépa ENA.

Annoncé en avant première sur le site des Clionautes, http://www.clionautes.org/?p=1425

ce dossier de la documentation photographique consacré à l’histoire de l’islam a été réalisé en collaboration avec l’institut européen des sciences des religions, animé par Dominique Borne. Le principe de cette publication est familier à tous les enseignants. Après un dossier rédigé par un spécialiste de la question, et c’est le cas de Pascal Buresi, chargé de recherches au CNRS et auteur d’une géo-histoire de l’Islam, une série de commentaires de haut niveau est proposée sur les documents iconographiques qui forment la seconde partie de la revue thématique.

Sur la première partie, Pascal Buresi insiste largement sur la genèse de l’Islam, sur les contacts avec les autres religions monothéistes antérieures et sur les étapes de la constitution de cet espace qui n’a pas véritablement su s’étendre au delà des régions conquises lors de la première phase de l’expansion. On pourrait toutefois objecter à cette remarque que la foi islamique s’étend au Sud du Sahara et qu’elle reconcquiert une partie de la population issue de l’immigration maghrébine voire des européens comme certain footballeur d’un club méridional qui ne manque pas de faire la prière avant le match… Il est vrai que quelques éléments sur les les convertis auraient pu figurer dans cette publication.

Mais ce qui est le plus important réside dans le travail fondamental de Pascal Buresi sur les relations entre Islma et territoire, sur la relation formelle existant entre la foi et la paix que celle-ci est censée apporter aux peuples qui se soumettent. On oppose ainsi le Dar el Islam au Dar El Harb, le domaine de la guerre, ce monde ou les hommes ne sont pas soumis à Dieu.
Loin de présenter un monde musulman figé, le dossier montre un islam qui a été profondément transformé, à la fois dans le temps mais aussi et toujours dans l’espace. Cela explique les différences entre écoles juridiques, la plus proche de nous étant celle des malékites du Maghreb qui n’est rien d’autre qu’une adaptation locale de la sunna et des hadiths.

La partie consacrée aux relations entre religion et pouvoir permet aussi de lever bien des ambiguïtés. La succession du prophète s’est faite dans le sang et deux des quatre premiers califes ont été assassinés. Toutefois ce n’est pas très différent de ce qui se passait à la même époque chez les premiers descendants de Clovis. De la même façon, on apprécie aussi la clarté de l’explication concernant les divergences entre chiites et sunnites notamment sur l’impact du clergé dans le premier cas.

Autre notion fondamentale, la nahda, c’est à dire la renaissance. Celle-ci a bien été déclenchée par la prise de conscience du retard du monde musulman dans ses rapports avec l’Occident mais pas seulement. Elle prend, d’après Pascal Buresi, la forme d’une réapparition de l’islam dans la sphère publique par l’intermédiaire de confréries, de mouvements comme celui des Ulémas en Algérie qui marquent déjà une prise de distance par rapport à l’occident. Confréies et groupes soufis deviennent des contre pouvoirs même si les élites traditionnelles ont souvent servi de relais à la pénétration coloniale.

L’islam en tant que tel n’a pourtant pas joué de rôle majeur dans la décolonisation et les Ulemas étaient bien loin des moudjahidins lors de la guerre d’Algérie. Il est vrai qu’à priori, ils avaient plus de sympathie pour le mouvement de Messali Hadj.

En raison des liens étroits de la monarchie saoudienne gardienne des lieux saints, et des États-Unis, un islam révolutionnaire qu’ils soit chiite ou sunnite a pu se développer. Cet Islam radical s’appuie sur une reconquête au niveau des esprits, des prétiques et des attitudes individuelles pour ensuite revendiquer un accès au pouvoir.

C’est dans les dernières lignes de sa présentation que Pasacl Buresi livre tout de même le fond de sa pensée. Trop longtemps réduite à des explications religieuses et culturelle, la réflexion sur la crise qui secoue le monde arabo-musulman a fait l’impasse sur les facteurs économiques et sociaux. De ce fait, l’histoire du fait religieux se trouve ainsi limitée et l’Islam, plus peut-être que d’autres religions en pâtit aujourd’hui.

Seconde partie: thèmes et documents

Après la petite polémique soulevée par le floutage d’une miniature du prophète de l’islam dans un manuel de cinquième dont le site des Clionautes s’est fait l’écho, http://www.clionautes.org/?p=1390
nul ne doute que l’on attendait avec impatience le traitement de la question de l’image. Rien dans le Coran n’interdit son usage et c’est simplement la tradition qui en limite l’usage sans explicitement le prohiber et en tout cas pas plus que les deux autres religions monothéistes à leur débuts. De plus un transparent retroprojetable d’une mminiature persane présentant le visage du prophète est proposé et commenté dans ce dossier.

De la même façon, la question du prêt à intérêt, en théorie proscrit dans l’Islam, tout comme dans le Christinisme est réglée par un changement de nom. Le pêché du prêt à intérêt est ainsi remplacé dans les baques islamiques par l’expression «marge bénéficiaire calculée sur la valeur du bien»

La troisième partie du dossier est constituée par la pochette de transparents rétroprojetables et par des propositions d’activités. L’une d’entre elle évoque le statut de la femme en Islam avec une étude de photographie et un texte présentant une interprétation originale de la place du voile comme facteur d’émancipation en même temps que le symbole de l’islamisation de l’espace public. Le débat est déjà ancien et les arguments opposés ne convaincront pas les tenants de l’une ou l’autre des positions. Le voile permet aux femmes de sortir, d’être scolarisées, de travailler tout en préservant leur pudeur pour les uns, tandis que pour les autres, il marque de façon ostentatoire la soumission des femmes à une exigence masculine. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la proposition d’activité à partir de ce texte de Valentina Frate peut-être particulièrement animée dans certains cas !

Particulièrement bien venu, assorti de documents originaux et que l’on a pas déjà vu pourbeaucoup d’entre eux dans les manuels du collège (cinquième) ou du lycée, (seconde), ce dossier constitue également une mise au point solide que des étudiants de premie cycle universitaire pourraient consulter avec profit. de plus, un préparationnaire du Capes ou de l’agrégation aurait tout intérêt à pratiquer la documentation photographique en général et ce dossier en particulier, y compris dans le cadre de l’épreuve orale sur dossier.

© Clionautes – Bruno Modica