Cette revue qui n’a jamais été présentée dans ces pages propose un numéro d’été particulièrement intéressant et riche sur les grands sujets internationaux du moment. Avec la saison des vacances, il peut être en effet opportun de s’interroger sur le rôle du tourisme dans le maintien des dictatures. Les liens entre les secteurs économiques liés au tourisme et les régimes en place sont évidents par exemple en Tunisie. De la même façon, avec l’apport massif de devises, les gouvernements peuvent développer des infrastructures qui bénéficient aux populations, même indirectement.
Ce dossier se garde de tout manichéisme et, Jean-Paul Marthoz le directeur éditorial s’interroge sur la pertinence du boycott ou sur le fait de savoir si le tourisme est un levier de la transition démocratique. En effet, en favorisant les contacts, en diffusant des modes de vie et des comportements différents, il peut contribuer à la désagrégation du contrôle autoritaire. Pourtant, l’exemple de la Tunisie de Ben Ali qui fête cette année le vingtième anniversaire de sa prise de pouvoir, le 7 novembre 1987, ce qui explique pourquoi le chiffre sept est présent partout dans les rues, infirmerait plutôt cette hypothèse.
Il semble bien que deux Tunisie coexistent. Celle des plages de sable fin et celle des prisons et des centres de torture. Mais comme le régime se pare d’un anti-islamisme de circonstance, la communauté interntionale ferme les yeux.
Pour la Birmanie, le juriste Grégor Chapelle emboîte le pas à l’opposante Aung San Suu Kyi et appelle clairement à ne pas visiter ce pays qui est un narco-état et qui utilise clairement l tourisme pour se renforcer.
Ce débat a existé à l’époque de Franco qui avait ouvert le pays au tourisme de masse, avec les effets dévastateurs sur le littoral en termes de bétonnage que l’on peut constater. Le régime s’était économiquement renforcé mais en même temps les valeurs démocratiques aveint pu se développer et favoriser la transition après 1975.
Les régimes autoritaires préfèrent tout de même les grandes manifestations sportives plus faciles à contrôler car leur durée et limitée dans le temps, et qui permettent de donner une façade de respectabilité au régime. Le journaliste argentin Ezechiel Fermandez Moores pose la question à propos de la coupe du monde de 1978. Fallait-il y aller et cautionner le régime militaire ? On se souvient en effet de cette image terrible de Diego Maradona levant la coupe du monde devant un parterre d’uniformes gris. Il est vrai que la FIFA n’a jamais brillé par son attachement aux droits de l’homme et que l’on savait parfaitement que le centre de torture de Buenos Aires se trouvait à quelques rues du stade de River Plate. Le problème se pose aussi aujourd’hui à propos du boycott des jeux olympiques de Pékin. Le régime entend en faire une vitrine et lors des élections présidentielles, la question a été posée sur la pression à exercer sur le régime chinois à propos de sa position sur le Darfour et son soutien actif au régime soudanais.
Ce numéro d’été de la revue ne se limite pas à ce dossier sur le tourisme. Il apporte aussi des informations de très bonne qualité sur la situation récente au Darfour, avec un article de sa rédactrice en chef, Anne Marie Impe. On apprécie d’ailleurs, à propos de ce papier la précision donnée quand à la date de bouclage, le 30 mai 2007. La mise au point est donc récente et surtout l’article constitue une véritable mine d’informations précises sur la genèse du conflit et sur l’action des grandes puissances dont la Chine et les Etats-Unis.
Autre bonne surprise de ce numéro d’été, un papier d’Ali Lmrabet, journaliste à El Mundo qui fait un point très précis sur la situation politique au Maroc à la veille des élections du 7 septembre dont on peut craindre qu’elles ne se traduisent par une poussée islamiste. Cette poussée pourrait se faire au détriment des partis gouvernementaux qui seraient laminés. L’islamisme marocain est également pluriel, avec un parti de la justice et du développement considéré comme modéré et un mouvement associatif appelé Al Adl Wal Ihssane, présent dans le champ social et qui ne reconnaît pas le Roi Mohammed VI comme Commandeur des croyants.
Face à cette poussée islamiste, le Palais semble avoir renoué avec quelques pratiques du temps d’Hassan II associant pression directe et même découpage électoral.
Cette publication présente un intérêt évident pour les spécialistes des questions internationales qui peuvent y trouver des informations récentes et surtout très bien présentées mais ils ne sont pas les seuls.
L’article sur la situation au Sud de la Thaïlande qui connaît des troubles sérieux est illustré d’une carte et d’un encadré très bien conçu avec indications statistiques. On apprécie aussi le récit de l’odyssée d’Abdoulahye, ce malien qui a cherché à immigrer en Europe mais aussi en Angola où il rêvait de faire fortune en extrayant des diamants a traversé les frontières de 17 états dans des conditions étonnantes. Une carte de ce périple illustre cet article et on pourrait parfaitement imaginer l’exploitation qui en serait faite dans une séquence sur les migrations internationales.
C’est pour cela que cette revue, si elle propose des articles d’un bon niveau, peut également être accessible et même utilisée dans le cadre de l’enseignement secondaire. Les articles sont plus courts que dans le Monde Diplomatique et les points de vue des rédacteurs ne sont pas forcément marqués par une approche tiers-mondiste unilatérale qui peut parfois rebuter. Cette publication reçoit une aide de la direction générale de la coopération au développement belge et affirme également son indépendance journalistique. Eu égard aux articles qui composent ce numéro, celle-ci apparait évidente et est présentée dans le projet éditorial publié en ligne sur le site de la revue.